CEPII, Recherche et Expertise sur l'economie mondiale
L'expérience originale des Abenomics


Evelyne Dourille-Feer

Aux législatives du mois d’août 2009, le Parti démocrate du Japon (PDJ, centre gauche) avait mis fin à plus d’un demi-siècle de domination du Parti libéral démocrate (PLD, centre droit). Il s’était démarqué du PLD par une nouvelle vision de la société centrée sur la fraternité, le lien social, l’importance des services publics et du rôle de l’État. Il proposait une politique économique de stimulation de la demande domestique par des transferts sociaux massifs, opposée à celle du PLD tournée vers l’offre et les exportations. La diplomatie aussi changeait de cap pour tenter de s’émanciper de sa dépendance politique vis-à-vis des États-Unis et approfondir son intégration en Asie.
Retournement de l’histoire, aux législatives de décembre 2012, le PDJ perdit 80 % des sièges conquis en 2009. Cette défaite était à la mesure des espoirs déçus : programme économique inefficace car appliqué très partiellement dans un contexte de contraintes budgétaires exacerbées par la crise des subprimes et les retombées du tremblement de terre de mars 2011, impasse sur de nombreux dossiers diplomatiques (regain de tensions avec les États-Unis, la Chine et la Corée du Sud), mauvaise gestion du dossier nucléaire. La décision d’augmenter la TVA à partir de 2014 avait achevé de saper la confiance des électeurs... 
Le discours musclé de Shinzo Abe fondé sur sa volonté de « remettre le Japon sur pied » (Nihon o torimodosu), quitte à suspendre l’indépendance de la banque centrale si elle n’appliquait pas sa vision de la politique monétaire, à braver les critiques du FMI en poursuivant d’amples politiques publiques de relance et à s’opposer à la Chine pour préserver l’intégrité territoriale de l’Archipel, séduisit de nombreux électeurs lassés de l’image d’un Japon affaibli. La proposition d’une politique originale de stimulation de la demande et de l’offre contribua également au succès électoral de Shinzo Abe. Cette politique, appelée « Abenomics » par les Anglo-Saxons, consiste à tirer trois flèches en même temps pour obtenir des résultats à court terme (flèche monétaire et flèche budgétaire) et des effets à moyen-long terme (flèche de croissance). Elle vise deux objectifs majeurs : vaincre la déflation et restaurer une croissance soutenue et durable. Partant d’un contexte déflationniste complexe, quels sont les premiers résultats et les limites des politiques monétaire, budgétaire et structurelle appliquées depuis 2013 ?
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 L'économie mondiale 2015
La Découverte, Paris, 2014

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