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N� 1995-04 |
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Avril |
L'Europe � g�om�trie variable, une analyse
�conomique |
Jean Pisani-Ferry |
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L'Europe communautaire est à la recherche
d'une stratégie d'intégration différenciée. Une telle
stratégie s'impose en effet au nom du réalisme, mais elle n'est
pas sans risque. Trois catégories de problèmes apparaissent en effet
immédiatement : comment peut-on faire fonctionner une Communauté
où coexisteraient plusieurs niveaux d'intégration ? comment peut-on
rendre compatible les intérêts des différents participants
à une telle construction ? comment peut-on gérer la dimension temporelle
de cette intégration différenciée ? Ce papier propose une
analyse économique de ces questions en laissant délibérément
de côté les dimensions institutionnelles du problème.
L'Europe à géométrie variable est déjà
une réalité juridique, politique, et économique : le SME
existe maintenant depuis quinze ans et cependant le degré d'intégration
monétaire auquel sont parvenus les différents Etats membres reste
très inégal. Il est admis que l'union monétaire ne rassemblera
initialement qu'un sous-ensemble de pays. Le principe de l'adhésion des
PECO est acquis depuis le Conseil européen de Copenhague, cependant il
est hautement invraisemblable que tous les pays candidats puissent simultanément
remplir les conditions requises et même pour les plus avancés des
pays d'Europe centrale et orientale, l'adhésion complète ne pourra
être conclue qu'à terme éloigné. La solution traditionnelle
à ce type de problème consiste à introduire des dérogations
temporaires. Le nombre, l'ampleur et la durée des dérogations
nécessaires conduisent cependant à s'interroger sur les bénéfices
économiques qu'il peut y avoir à pratiquer la géométrie
variable par le jeu de dérogations, plutôt que de manière
explicite.
Mais l'intégration différenciée ne peut être l'intégration
à la carte, qui n'est pas viable. Pour imaginer une Europe à géométrie
variable, il faut distinguer plusieurs niveaux d'intégration qui peuvent
être ceux de l'Union douanière, du Marché unique et de l'Union
monétaire. A chacun de ces niveaux peuvent alors être associées
les politiques communes qui sont nécessaires au bon fonctionnement d'un
ensemble intégré, afin de définir des blocs de compétences.
Cet exercice conduit à la conclusion que les politiques que l'histoire
a réunies ne sont pas pour autant logiquement associées. Un examen
clinique de l'architecture communautaire en vue de définir des niveaux
pertinents d'intégration conduirait certainement à proposer, au
nom de la subsidiarité, des transferts de compétence descendants
aussi bien qu'ascendants. Cependant la définition des compétences
requises pour chaque niveau d'intégration est matière à
controverses, et l'expérience montre que les conceptions changent fortement
avec le temps.
Les problèmes les plus complexes tiennent à la dynamique d'un
système à géométrie variable. L'opting-out
serait nécessairement un principe constitutif d'une telle Europe, en
dépit des comportements non-coopératifs auxquels il peut donner
lieu. L'opting-in ne pourrait être admis sans conditions, car il
peut faire problème. En effet, si un petit nombre de pays vont de l'avant
en constituant un noyau, leurs partenaires pourront être tentés
de se joindre à eux, même s'ils n'y sont économiquement
pas prêts ou si cela ne correspond pas profondément à leur
vision de l'intégration communautaire. Parallèlement, les pays
participant au noyau peuvent être tentés d'exclure de nouveaux
membres une fois constituée une union restreinte. La solution à
ce double problème réside dans la fixation de critères
d'entrée objectifs qui peuvent offrir des garanties à l'un et
l'autre groupe. Au total une intégration à géométrie
variable pourrait créer une dynamique d'intégration forte, plus
forte peut-être que le modèle communautaire actuel.
Dans le cas de l'union monétaire, les disparités de structure
entre pays de la Communauté à 15 justifient une approche différentiée.
Il est probable que la constitution d'un noyau central donnerait naissance à
des forces d'attraction qui conduiraient beaucoup d'autres pays à se
rapprocher de ce noyau et à s'y intégrer progressivement. Mais
il possible qu'il conduise certains pays à rester en marge de l'Union,
soit en raison de leur structure économique, soit pour garder une marge
de manoeuvre, fût-ce au détriment de leurs partenaires.
D'une manière générale, une stratégie d'intégration
différenciée conduit à une plus grande dépendance
de la configuration finale à l'égard du chemin emprunté
pour la rejoindre ; il est possible de contrôler cette difficulté,
pas de l'éliminer. |
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