La zone euro est elle vraiment une union monétaire ? (2/2)
Aux Etats-Unis, les FED régionales sont de facto des filiales de la FED centrale. L’apurement des créances et des dettes entre-elles par transfert d’actifs est un simple jeu d’écritures.
Par Christophe Destais
Billet du 3 juillet 2013
>> La zone euro est-elle vraiment une union monétaire ? (1/2)
Dans l’étude détaillée qu’elle vient de publier sur l’accumulation des créances et des dettes entre les banques centrales nationales (BCN), les « soldes Target 2 », son auteur Mme Cour-Thimann discute en détail le parallèle qui a été fait par de nombreux analystes entre l’Eurosystème, formé par les banques centrales nationales de la zone Euro et la BCE et le Federal Reserve System (FED) aux Etats-Unis, formé par douze Federal Reserve Banks (FRB) régionales et le Board of Governors situé à Washington DC.
Comme dans la zone Euro, la crise a entraîné aux Etats-Unis l’accumulation de créances et de dettes de plusieurs centaines de milliards de dollars entre les FRB. Toutefois, il existe des différences profondes entre les deux systèmes.
La principale tient certainement à leur architecture globale. Aux Etats-Unis, les FRB ne sont pas les émanations des Etats fédérés de leur district de compétence. Les limites de ce dernier ne suivent d’ailleurs pas toujours les limites des Etats, certains sont découpés entre deux banques régionales. Surtout les FRB versent leurs profits à l’Etat fédéral. Elles ont pour actionnaire les banques de leur ressort mais cet actionnariat est un legs de l’histoire, largement symbolique. Ces « actionnaires » sont rémunérés par un montant fixe, sans lien avec l’activité des FRB. Dans de nombreux domaines, le Board of Governors de Washington exerce sur les FRB une autorité quasi-hiérarchique. Dès lors, les éventuels transferts de profits entre FRB n’ont aucune importance pour l’Etat fédéral. Une perte à New York est un gain à San Francisco ou inversement. En Europe, les banques centrales nationales ont pour actionnaire « leur » Etat-membre. C’est à ce dernier qu’elles versent des dividendes. Une perte en Espagne et un gain en Allemagne, ou inversement, reviennent donc à un transfert entre pays.
Au surplus, il existe aux Etats-Unis un mécanisme comptable d’apurement annuel des créances et des dettes entre les douze Federal Reserve Banks américaines. Ce mécanisme complexe, décrit dans le manuel comptable de la FED, revient à une diminution de la part des banques débitrices dans le pool de titres commun et une augmentation de la part des banques créancières, sans impact sur le bilan consolidé du Federal Reserve System. Dans la zone Euro, un tel mécanisme n’existe pas et les créances et les dettes entre BCN peuvent en théorie durer indéfiniment (cf. billet précédent).
Certains économistes ont proposé que les créances et des dettes entre les banques centrales nationales de l’Eurosystème soient soldées tous les ans par un transfert d’actifs entre les banques créancières et les banques débitrices, comme c’est le cas aux Etats-Unis pour éviter que les dettes ne s’accumulent indéfiniment, au risque d’être finalement jugées irrécouvrables. Dans leur esprit, il s’agirait toutefois de transférer un actif de réserve dont la qualité est indiscutable, à l’image de ce qui se pratiquait entre les banques centrales qui participaient à l’étalon-or, avant la seconde guerre mondiale, et non des créances que les banques centrales nationales détiennent sur les banques commerciales de leur ressort territorial.
Mme Cour-Thimann démontre que la pratique américaine est tout autre. Il s’agit d’un simple arrangement comptable. La part du pool commun de titres que chaque FRB détient est ajustée chaque année en avril. Un des comptes utilisés pour cela porte le nom de gold certificates, ce qui peut être une source de confusion.
Au-delà, on peut se demander si l’Eurosystème tel qu’il résulte de la mise en œuvre du Traité de Maastricht n’aboutit pas à une union monétaire incomplète, dont l’impossibilité d’apurer les dettes et les créances entre les BCN sans transfert de richesses entre les Etats-membres serait le symptôme. Plutôt que d’imiter l’étalon-or, une véritable union monétaire trouverait son inspiration dans ce qu’est effectivement le Federal Reserve System. Les banques centrales nationales seraient transformées de facto en filiales de la BCE et leur actif serait mis en commun. Il serait dès lors possible d’apurer les soldes entre les BCN, comme c’est le cas entre les FRB, par un simple jeu d’écritures comptables.
Dans l’étude détaillée qu’elle vient de publier sur l’accumulation des créances et des dettes entre les banques centrales nationales (BCN), les « soldes Target 2 », son auteur Mme Cour-Thimann discute en détail le parallèle qui a été fait par de nombreux analystes entre l’Eurosystème, formé par les banques centrales nationales de la zone Euro et la BCE et le Federal Reserve System (FED) aux Etats-Unis, formé par douze Federal Reserve Banks (FRB) régionales et le Board of Governors situé à Washington DC.
Comme dans la zone Euro, la crise a entraîné aux Etats-Unis l’accumulation de créances et de dettes de plusieurs centaines de milliards de dollars entre les FRB. Toutefois, il existe des différences profondes entre les deux systèmes.
La principale tient certainement à leur architecture globale. Aux Etats-Unis, les FRB ne sont pas les émanations des Etats fédérés de leur district de compétence. Les limites de ce dernier ne suivent d’ailleurs pas toujours les limites des Etats, certains sont découpés entre deux banques régionales. Surtout les FRB versent leurs profits à l’Etat fédéral. Elles ont pour actionnaire les banques de leur ressort mais cet actionnariat est un legs de l’histoire, largement symbolique. Ces « actionnaires » sont rémunérés par un montant fixe, sans lien avec l’activité des FRB. Dans de nombreux domaines, le Board of Governors de Washington exerce sur les FRB une autorité quasi-hiérarchique. Dès lors, les éventuels transferts de profits entre FRB n’ont aucune importance pour l’Etat fédéral. Une perte à New York est un gain à San Francisco ou inversement. En Europe, les banques centrales nationales ont pour actionnaire « leur » Etat-membre. C’est à ce dernier qu’elles versent des dividendes. Une perte en Espagne et un gain en Allemagne, ou inversement, reviennent donc à un transfert entre pays.
Au surplus, il existe aux Etats-Unis un mécanisme comptable d’apurement annuel des créances et des dettes entre les douze Federal Reserve Banks américaines. Ce mécanisme complexe, décrit dans le manuel comptable de la FED, revient à une diminution de la part des banques débitrices dans le pool de titres commun et une augmentation de la part des banques créancières, sans impact sur le bilan consolidé du Federal Reserve System. Dans la zone Euro, un tel mécanisme n’existe pas et les créances et les dettes entre BCN peuvent en théorie durer indéfiniment (cf. billet précédent).
Certains économistes ont proposé que les créances et des dettes entre les banques centrales nationales de l’Eurosystème soient soldées tous les ans par un transfert d’actifs entre les banques créancières et les banques débitrices, comme c’est le cas aux Etats-Unis pour éviter que les dettes ne s’accumulent indéfiniment, au risque d’être finalement jugées irrécouvrables. Dans leur esprit, il s’agirait toutefois de transférer un actif de réserve dont la qualité est indiscutable, à l’image de ce qui se pratiquait entre les banques centrales qui participaient à l’étalon-or, avant la seconde guerre mondiale, et non des créances que les banques centrales nationales détiennent sur les banques commerciales de leur ressort territorial.
Mme Cour-Thimann démontre que la pratique américaine est tout autre. Il s’agit d’un simple arrangement comptable. La part du pool commun de titres que chaque FRB détient est ajustée chaque année en avril. Un des comptes utilisés pour cela porte le nom de gold certificates, ce qui peut être une source de confusion.
Au-delà, on peut se demander si l’Eurosystème tel qu’il résulte de la mise en œuvre du Traité de Maastricht n’aboutit pas à une union monétaire incomplète, dont l’impossibilité d’apurer les dettes et les créances entre les BCN sans transfert de richesses entre les Etats-membres serait le symptôme. Plutôt que d’imiter l’étalon-or, une véritable union monétaire trouverait son inspiration dans ce qu’est effectivement le Federal Reserve System. Les banques centrales nationales seraient transformées de facto en filiales de la BCE et leur actif serait mis en commun. Il serait dès lors possible d’apurer les soldes entre les BCN, comme c’est le cas entre les FRB, par un simple jeu d’écritures comptables.
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