Le blog du CEPII

Les stress tests de la BCE, exercice salutaire ou « vaste blague » ?

Les résultats des stress tests imposés par la BCE à 130 banques de la zone euro ont dans l’ensemble été favorablement interprétés puisque, officiellement, 25 banques seulement avaient des fonds propres jugés insuffisants pour faire face aux chocs imaginés par les régulateurs.
Par Jean-Pierre Patat
 Billet du 19 novembre 2014


En réalité, la situation de 9 banques seulement a été jugée insatisfaisante, car durant l’exercice qui a duré plusieurs mois, 16 établissements avaient significativement augmenté leurs fonds propres. Toutes les banques françaises ont par ailleurs passé l’exercice avec succès, ce qui confirme ce que certains ont du mal à admettre, comme quoi nos établissements de crédit sont parmi les mieux gérés et les plus solides du monde.

Quelques voix discordantes se sont toutefois interrogées sur la sévérité réelle de l’exercice. Une des devises préférées des banquiers centraux est que le pire est toujours certain. Mais… les régulateurs ne font pas un travail de banquier central et les hypothèses négatives envisagées sont effectivement loin d’être celles d’un scénario catastrophe. En ce qui concerne précisément la France, on imagine une récession de 0,4 % en 2014 et de 1,1 % en 2015 et une chute des cours du Cac 40 de 20 % d’ici 2016. Or, on a connu pire et il n’y a pas si longtemps de cela. En 2009 le PIB a reculé de 2,5 % et, s’agissant du CAC, il avait chuté de 24 % en 1990, de 43 % en 2008. En fait, les responsables de ce genre d’exercice sont pris entre le souhait de la plus extrême rigueur et la crainte des conséquences que pourraient avoir sur la planète financière, voire économique, de très mauvais résultats de l’exercice. Visiblement, le biais a plutôt été inspiré par cette crainte. Il en avait été de même pour les stress tests opérés il y a quelques années par les régulateurs américains ; on avait même, avant publication, communiqué à chaque banque ses résultats qu’elle pouvait commenter, voire contester et même faire modifier !

Autre reproche fait aux régulateurs, ne pas avoir prévu le cas d’une restructuration de la dette publique d’un ou de plusieurs pays. On peut cependant le comprendre, le défaut de dette d’un grand État de la zone étant un séisme auquel la presque-totalité des banques du pays concerné, et même au-delà, ne résisteraient pas.

De toutes manières, les stress tests n’apportent aucun correctif au système des pondérations des actifs formant le dénominateur du ratio de fonds propres. Le principe de ces pondérations n’est pas discutable, tous les actifs ne présentant pas, de très loin, le même degré de risque. Ce qui l’est davantage, c’est de laisser aux banques le soin de déterminer avec leur modèle maison le degré de risque et donc la pondération de leurs actifs. Certains estiment que les régulateurs devraient in fine avoir leur mot à dire sur ces calculs. Cela peut améliorer les choses si le biais « FNSEA des banques » des régulateurs nationaux disparaît avec la dépossession de leurs attributions au profit d’un organisme supranational.

La bonne solution est sans doute dans la mise en application du ratio d’« effet de levier » que Bâle III a prévu et qui rapporte les fonds propres au montant total des actifs, sans pondération. Les banques françaises, dont ce ratio, s’il était appliqué, ressortirait à 3,7 %, alors que leurs ratios de fonds propres sur actifs pondérés dépassent largement les 8 % exigés et même les 6,5 % de fonds propres « durs », y sont totalement opposées.
Monnaie & Finance 
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