Le blog du CEPII

Fête de la musique

Retranscription écrite de l'émission du 21 juin "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38
Par Agnès Bénassy-Quéré
 Audio du 21 juin 2012


 

Aujourd’hui j’aurais pu vous parler de la réunion du G20 à Los Cabos au Mexique. Mais comme il ne s’y est pas passé grand chose, je vais plutôt me mettre au diapason du jour, celui de la fête de la musique.

Naturellement, les économistes considèrent la musique comme un secteur d’activité avec un marché, des prix, des échanges internationaux. Dans la classification à trois chiffres du commerce international, la musique porte le numéro 898 : « instruments de musique, accessoires et enregistrements ». Selon l’OMC, le premier exportateur mondial est la Chine, juste devant l’Allemagne, deux gros exportateurs d’instruments. Les Etats-Unis exportent bien des enregistrements mais cela rapporte moins que les instruments. Ceci dit, le secteur 898 ne représente que 0,4% du commerce mondial, alors faut-il vraiment s’y intéresser ? Eh bien je vous renvoie ici à une intéressante étude menée en 2010 par trois chercheurs français – Anne-Célia Disdier, Lionel Fontagné et Thierry Mayer - sur le commerce de biens dits « culturels » - pas seulement la musique, mais aussi le cinéma et les livres. Ils montrent qu’en aplanissant les différences culturelles, le commerce de ces biens favorise le commerce des autres produits. En nous inondant de films hollywoodiens, les américains sont parvenus à nous caser du coca et des jeans que nous n’aurions peut-être pas achetés spontanément en si grande quantité. Marc, pour redresser le solde commercial de la France, il faut encourager vos invités à exporter leur art.

Les économistes s’intéressent aussi à la rémunération des musiciens et en particulier à l’effet « super-star » - au petit nombre d’individus qui perçoivent des rémunérations mirobolantes. Un professeur de Princeton – Alan Krueger - s’est ainsi demandé pourquoi le prix des billets pour les concerts de rock s’est envolé dans les années 1990. A partir d’un fichier de 270 679 concerts, il a montré que la hausse des prix ne s’expliquait ni par une hausse des coûts, ni par une hausse de la demande (la fréquentation des concerts a diminué au cours de cette période), ni par le manque de concurrence, ni même par une élévation de la qualité des rock stars. Vous vous demandez peut-être comment Krueger a mesuré cette qualité. Un chercheur avant lui avait mesuré la richesse harmonique de la voix au moment où le chanteur prononce le mot « love ». Moins sentimental, Krueger s’en est tenu à la taille des articles pour chaque groupe dans l’ouvrage de référence The Rolling Stone Encyclopedia of Rock & Roll. Résultat : le prix du concert augmente bien avec la supposée qualité du rocker, et ce de plus en plus au cours du temps, mais la qualité moyenne des stars ne s’améliore pas spécialement. Finalement, pour Alan Krueger, la cause principale de la hausse des prix des concerts rock est la disparition progressive de l’effet de levier des concerts sur la rémunération des rockers. Par le passé, les groupes bradaient leurs concerts pour se faire connaître et amorcer les ventes de disques. Avec le téléchargement des chansons, les concerts n’apportent plus de bénéfice indirect et il  faut donc monnayer le plus possible les concerts eux-mêmes.

Krueger a aussi trouvé – incroyable – que les concerts étaient plus chers pour les groupes féminins que pour les groupes masculins. Mais je m’arrête car c’est la fête de la musique, non la journée de la femme.
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