Le blog du CEPII

La bonne nouvelle des sanctions commerciales américaines

Le 3 octobre dernier, l'administration américaine annonçait une série de mesures protectionnistes portant sur une liste de produits européens emblématiques: des taxes additionnelles de 10% sur les avions civils, et même de 25 % sur un grand nombre de produits couvrant fromages italiens et anglais, whiskys irlandais et écossais, vins français, outils allemands et olives espagnoles, etc.
Par Thierry Mayer
 Billet du 22 novembre 2019


On pourrait voir là une nouvelle manifestation de la stratégie du président Trump, prônant des guerres commerciales "bénéfiques et faciles à gagner". C'est au contraire le retour à une certaine normalité des relations internationales en termes d'échanges commerciaux que nous signale cet épisode, ce dont il faut certainement se féliciter.

Les disputes commerciales sont une constante des relations entre États  souverains


Les États-Unis et l'Europe n'ont pas attendu l'élection du locataire actuel de la maison blanche pour s'accuser mutuellement de pratiques déloyales, touchant aux pratiques supposées de dumping, de violations d'accords en vigueur, ou bien encore aux pratiques discriminatoires d'accès aux marchés publics. On peut classer ces disputes commerciales en deux types:
  1. Les disputes qui se règlent dans un cadre légal organisé et structuré. Le cadre peut être multilatéral (OMC) ou régional (dans le cadre des accords). Cette première approche reflète le processus long et tortueux par lequel les pays se sont mis d’accord sur le mode de règlement de leurs différends. En résultent des règles complexes, souvent très imparfaites, mais qui partagent un objectif commun : celui de sortir les pays d’un jeu non-coopératif,  où l’escalade de mesures protectionnistes finit par nuire à toutes les parties prenantes.
  2. Les disputes où chacun peut utiliser à sa guise l’ensemble des armes à sa disposition. Dans ce type de disputes, il est fréquent de contourner ou de violer les accords internationaux (ce qui n’est pas très surprenant) et même de tordre les législations nationales pour « remporter » la bataille.
Le deuxième type de comportement est naturel si l’on croit que le commerce international est un jeu à somme nulle où le gagnant est celui qui réussit à imposer aux autres ses conditions. Depuis le début de son mandat, Donald Trump se situe résolument dans cette deuxième stratégie. Tenant parole sur ses engagements de candidat, il a utilisé à plein (et détourné) un certain nombre de dispositions de la loi américaine (sections 301 et 232) pour menacer et tenter de faire plier ses partenaires commerciaux. Après avoir réussi à « renégocier » les traités comme l’ALENA et l’accord avec la Corée du Sud en mettant le pistolet sur la tempe de ses partenaires, il entend bientôt faire céder la Chine avant de s’attaquer à l’Europe et en particulier aux automobiles allemandes. 

Les annonces de droit de douanes du 3 octobre dernier sont d’un ressort très différent

L’OMC venait en effet d’autoriser les États-Unis à sanctionner l’Union européenne, en réponse aux subventions illégales reçues par Airbus. C’est une dispute typique du premier type : l’OMC est saisie de cette affaire de subventions cachées dans le secteur aéronautique depuis une quinzaine d’année, et le volet Boeing de l’affaire devrait se clore l’année prochaine (et sans doute permettre à l’Union européenne de lever ses propres sanctions). Au-delà du fond de cette affaire, le plus important, et la bonne nouvelle, est le retour de la légitimité de ce mode de règlement des disputes. Le message est très clair : même l’Amérique de Trump peut avoir raison contre l’Europe, et il existe une instance pour régler le différend qui fonctionne et dont la décision s’impose. La non-réaction de l’UE sur les sanctions américaines est sans doute une bonne manière de remettre en selle ce mode de résolution des conflits commerciaux et d’éviter la destruction complète du système multilatéral. Ce système ne sortira cependant pas indemne de la mandature Trump. Les institutions de type coopératives comme l’OMC favorisent le développement du commerce en limitant les barrières aux échanges mais aussi (et peut-être surtout) en levant l’incertitude de comportements arbitraires futurs des pays membres[1].  Donald Trump a montré au monde que, sur le plan commercial comme sur d’autres, le cadre multilatéral ne fournissait pas une assurance absolue contre les comportements erratiques.
 


https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/01/meme-l-amerique-de-trump-peut-avoir-raison-contre-l-europe_6017702_3232.html
Commerce & Mondialisation 
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