Le blog du CEPII

La France manque de compétitivité hors-prix

Retranscription écrite de l'émission du 19 juillet "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38
Par Agnès Bénassy-Quéré
 Audio du 19 juillet 2012


 

Pour cette dernière chronique de l’année, j’aurais pu choisir un thème de saison comme les congés payés, le tourisme ou la TVA dans la restauration. Cependant tout le monde n’est pas en vacances ; et certains, à Aulnay ou ailleurs, perdent leur emploi. Alors je replie mon parasol et sors ma calculette pour vous parler de compétitivité.

Les faits sont connus : la balance commerciale de la France est déficitaire depuis 2005 et le déficit va croissant ; il a atteint 2,5% du PIB en 2011, chiffre qui de décompose en -3,5% pour les marchandises, partiellement rattrapé par +1% pour les services, parmi lesquels le tourisme que j’arrive quand même à caser en ce jour estival.

Est-ce grave, docteur ? Pas forcément. Il y a le bon déficit et le mauvais déficit. Le bon déficit est engendré par des importations de biens d’investissement, si possible dans les secteurs d’exportation comme l’industrie ou le tourisme (encore lui). Quant au mauvais déficit, il résulte d’une incapacité de nos entreprises à placer leurs productions à l’étranger. De quel côté sommes-nous ? Hélas, depuis dix ans, les exportations françaises ont augmenté de seulement 14% en volume tandis que les importations ont cru de 25%, également en volume, donc sans compter la hausse des prix de l’énergie et des matières premières. Sur ce sujet, il est banal de se comparer à l’Allemagne. L’Allemagne a fait +58% sur ses exportations et +49% sur ses importations. Vous me direz que je pourrais choisir un autre pays. Soit. Prenons l’Espagne, aujourd’hui montrée du doigt en Europe. Eh bien, ses exportations ont augmenté de 36% en volume depuis dix ans.

Vous l’avez compris : ce n’est pas le déficit qui m’inquiète, mais bien le manque de dynamisme de nos exportations. Non pas par mercantilisme : peu importe que nos entreprises vendent en France ou à l’étranger (encore qu’à force de ne pas exporter, la France s’endette pour payer ses importations de pétrole et d’iphones). Mais parce que le faible dynamisme de nos exportations traduit un problème de compétitivité. Ce n’est pas un simple problème de coût : transférer une partie des charges des entreprises vers la CSG, comme l’envisage le gouvernement, ne résoudra pas le problème fondamental qui est un manque de compétitivité hors prix. De fait, les entreprises exportatrices françaises, qui ne sont que 100 000 sur près de 3 millions, sont en moyenne plus productives et versent des salaires plus élevés que les autres. Comment les faire croître et multiplier ? La difficulté des politiques de compétitivité, c’est qu’elles touchent de nombreux secteurs de l’action publique. On pense immédiatement à l’enseignement supérieur et à la recherche. Mais c’est toute la politique de l’éducation qui est concernée, et aussi l’énergie, le transport, le logement ou encore la politique migratoire. Pour faire prospérer les pôles de compétitivité, il faut de la main d’œuvre bien formée, et pas seulement au niveau des ingénieurs ; il faut savoir déplacer cette main d’œuvre d’un secteur à l’autre et d’une région à l’autre, la loger et parfois même la distraire et la stimuler. Tiens, Marc, voilà une idée à creuser pendant vos congés: la culture comme facteur de compétitivité. Et à vous tous qui nous écoutez, merci pour votre fidélité. Je vous souhaite un excellent été.
Compétitivité & Croissance 
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