Le blog du CEPII

Consommation des ménages et régions de l’intérieur portent la croissance chinoise

La croissance chinoise s’est ralentie mais elle s’appuie sur une consommation intérieure dont l’importance doit être revisitée et sur la diffusion des technologies industrielles de la côte vers l’intérieur du pays.
Par Françoise Lemoine, Deniz Ünal
 Faits & Chiffres du 20 novembre 2013


L’excédent commercial de la Chine qui avait contribué à la montée des déséquilibres mondiaux entre 2004 et 2007 a fondu depuis l’éclatement de la crise globale. De 2007 à 2012, la part des exportations chinoises dans le PIB est ainsi tombée de 36 % à 25 %, et celle de son excédent courant de 8 % à 3 %. La croissance chinoise a cessé d’être tirée par la demande extérieure au profit du marché domestique [1]. Cependant, les données de la comptabilité nationale chinoise indiquent que la croissance de la demande interne vient pour une trop grande part des dépenses d’investissement et trop peu de la consommation des ménages, et que ce déséquilibre s’est aggravé tout le long des années 2000.
 
De récents travaux d’économistes chinois apportent un démenti à ce constat. Ils montrent que le déséquilibre entre consommation et investissement est essentiellement dû à des incohérences statistiques [2]. Ils considèrent que la consommation totale en Chine est fortement sous-estimée. En 2009, son poids dans le PIB serait plus proche de 60 % que du chiffre officiel de 49 %, et que ce poids est stable depuis le début des années 2000. Celle des ménages serait, elle, de 50 % et non de 35 % du PIB. L’erreur viendrait : (1) de la mauvaise évaluation des dépenses de logement qui n’attribue pas de loyers fictifs aux propriétaires occupants ; (2) de la non comptabilisation des rémunérations « en nature » versées par les entreprises (voitures, voyages, banquets) dans la consommation des ménages ; (3) de la très forte sous-estimation des revenus des catégories les plus aisées, donc de leurs dépenses de consommation.
 
La demande intérieure s’appuie également sur des dynamiques régionales. La « conquête de l’Ouest » a ouvert une nouvelle frontière à la croissance chinoise. Alors que le décollage économique depuis les années 1990 s’est incontestablement accompagné d’une montée des inégalités inter-régionales et de la polarisation de l’activité économique sur la façade maritime, la tendance s’est inversée depuis le milieu des années 2000 avec une diminution sensible de l’écart de revenu entre provinces côtières et intérieures [3].
 
Ce retournement est sous-tendu par la convergence extrêmement rapide des niveaux de productivité du travail dans l’industrie manufacturière qui est à l’œuvre depuis la fin des années 1990 et témoigne de la diffusion des technologies à travers le pays (graphiques 1). Même si le poids des régions côtières dans la plupart des industries est encore dominant, la croissance des productions est plus forte dans les régions de l’intérieur, dont les réserves de main d’œuvre sont plus importantes et qui bénéficient des transferts de technologies et de capital en provenance des régions côtières (graphique 2). Ces dernières ont à se construire de nouveaux avantages comparatifs dans les productions à forte valeur ajoutée et dans les services. Le modèle en « vol d’oies sauvages » semble ainsi pouvoir se déployer à l’intérieur du pays, tant il est vaste et encore marqué de fortes disparités régionales.
 

 
Graphiques 1 - Le rattrapage de la zone intérieure dans les industries manufacturières
Zone côtière = 1
Valeur ajoutée par employé


 
Profit par employé


 
Source : Bureau National des Statistiques de RPC, données de firmes dans l’industrie.
  
 
Graphique 2 – Poids des régions de l’intérieur dans l’industrie
Part en % du total (Chine=100)



Source : Bureau National des Statistiques de RPC, Annuaires statistiques.

 
























[1] F. Lemoine et D. Ünal, “Scanning the Ups and Downs of China’s Trade Imbalances”, Document de travail du CEPII, N°2012-14, Juin 2012, et  « Rééquilibrage du commerce extérieur chinois », La lettre du CEPII, N° 320, mai 2012. Voir également le billet du blog du CEPII du 24 octobre 2012, « Chine : éviter le piège de la croissance à tout prix ».
 
[2] Jun Zhang et Tian Zhu, “Re-estimating China’s Underestimated Consumption”, China Economic Review, à paraitre.
 
[3] F. Lemoine, G. Mayo, S. Poncet et Deniz Ünal, “The Geographic Pattern of China's Growth and Convergence within Industry”, Document de travail du CEPII, à paraître.

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