CEPII, Recherche et Expertise sur l'economie mondiale
Le keynésianisme doit-il faire l’économie de la courbe de Phillips ?


François Geerolf

En 1990, Larry Summers publiait un article critique de l’orthodoxie (néo)keynésienne intitulé « Les keynésiens doivent-ils se passer de la courbe de Phillips ? » dans lequel il soulignait que le (néo)keynésianisme présentait « beaucoup des caractéristiques que Thomas Kuhn attribuait aux paradigmes scientifiques en déclin ». Après avoir fait la liste des insuffisances empiriques et théoriques de la courbe de Phillips, il comparait l’économie (néo)keynésienne à l’astronomie ptolémaïque attendant sa révolution copernicienne.
Pourtant, trente ans plus tard rien n’a changé : alors que la courbe de Phillips n’a cessé de décevoir – inflation manquante aux États-Unis à la fin des années 1990 alors que la croissance était vigoureuse, déflation manquante lors de la crise financière de 2007-2009 et de l’austérité européenne de 2011-2013 –, elle est toujours au centre des modèles macroéconomiques néokeynésiens, notamment les modèles d’équilibre général dynamique stochastique (DSGE) utilisés dans les banques centrales et les ministères des Finances du monde entier pour décider des mesures de politique économique.
Pour comprendre ce paradoxe, il faut d’abord revenir sur quelques étapes importantes de l’histoire de cette courbe de Phillips, et sur les différentes conceptions du rôle que la politique économique doit en conséquence avoir face au chômage. Une approche nouvelle est ensuite proposée et discutée où la courbe de Phillips n’est plus une relation entre inflation et chômage, mais entre augmentation du taux de change réel et chômage : seul le prix relatif des biens non échangeables par rapport aux biens échangeables, et non le niveau général des prix, est inversement relié au chômage. Les implications de cette régularité empirique pour la conduite de la politique économique sont ensuite discutées.
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 L'économie mondiale 2022
La Découverte, 2021
pp.73-86

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