CEPII, Recherche et Expertise sur l'economie mondiale
Brésil : l’avenir est-il pour maintenant ?


Cristina Terra

Il y a trente ans, le Brésil était un autre pays. La crise de la dette de 1982 plongeait son économie dans une décennie de tourmente. Le manque de financement extérieur forçait un brutal rééquilibrage du compte courant (d’un déficit de 5 % du PIB en 1982 à l’équilibre en 1984). L’importante dépréciation du change qui permettait cet ajustement mettait à mal les finances d’un État lourdement endetté à l’extérieur et déclenchait un processus inflationniste.
Entre 1986 et 1994, cinq plans de stabilisation se succédèrent (Cruzado, Bresser, Summer, Collor I, II) avant que le sixième (Real) réussisse. Plusieurs de ces plans consistaient à geler les prix et le taux de change (le plan Collor I a gelé aussi les comptes bancaires : tous les dépôts supérieurs à l’équivalent de 1 200 dollars furent confisqués pendant dix-huit mois, avant d’être libérés en douze mensualités). La mise en oeuvre de chaque plan conduisait à une forte baisse de l’inflation... avant que celle-ci ne reparte à la hausse jusqu’à dépasser un taux annuel de 2 000 % en 1993. Aux années de forte croissance du PIB succédaient des années de récession. Le pays connaissait cinq monnaies différentes : cruzeiro jusqu’en 1986 ; cruzado, 1986-1989 ; cruzado novo, 1989-1990 ; cruzeiro (un nouveau), 1990-1994 ; enfin, depuis 1994, le real.
La scène politique n’était pas moins mouvementée. Après vingt et une années de dictature militaire, le pays retrouvait la démocratie. En 1985, au terme d’une élection indirecte, Tancredo Neves fut le premier président civil élu depuis vingt ans ; décédé avant sa prise de fonction, il fut remplacé par son vice-président, José Sarney, au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat en 1990. Son successeur, Fernando Collor de Mello, premier président élu au suffrage universel direct depuis 1961, fut accusé de corruption et dut démissionner en octobre 1992 ; le vice-président Itamar Franco le remplaça jusqu’à l’élection en 1995 de Fernando Henrique Cardoso. En dix ans (1985-1994), marqués par l’instabilité économique, une douzaine de ministres se succédèrent aux Finances.
La nouvelle Constitution ratifiée en 1988 renforçait les droits civils et les institutions politiques, mais elle introduisait sur le plan économique des innovations contestables. Certaines recettes publiques furent liées aux dépenses (rendant plus difficiles les ajustements budgétaires) ; la flexibilité du marché du travail fut réduite ; un plafond de 12 % fut fixé aux taux d’intérêt nominaux (amendé en 2003). Depuis lors, soixante-sept modifications ont été apportées à cette Constitution.
Transportons-nous maintenant en 2012. Le pays en est à son cinquième mandat présidentiel issu d’élections directes, une femme, Dilma Rousseff, a été portée à la tête de l’État. Les électeurs brésiliens font alterner gouvernements de droite et de gauche, et le pays n’a connu que trois ministres des Finances depuis 1995. L’économie est stable, avec des taux moyens d’inflation annuelle inférieurs à 6,5 % et une croissance supérieure à 3 % en moyenne depuis 1995. Le tsunami économique mondial de 2008 n’a produit au Brésil qu’une récession limitée (- 0,3 % en 2009).
Comment sommes-nous passés de la fragilité économique et politique des années 1980 à la stabilité des années 2010 ? Je décrirai d’abord les principaux changements qui, au cours des vingt dernières années, ont jeté les bases de la stabilité et de la croissance. Je discuterai ensuite quelques-uns des obstacles qui se dressent encore sur la voie d’une croissance durable.
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 L'économie mondiale 2013
La Découverte, Paris, 2012
pp.55-72

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