Que faut-il attendre de la conférence de Paris sur le climat ? (1/2)
2015 constitue une échéance cruciale pour les négociations internationales sur le climat, ce premier billet permet de rappeler les évolutions récentes qui ont marqué les négociations ces dernières années.
Par Stéphanie Monjon, Paula Adamczyk
Alors que 2014 s’annonce comme l’année la plus chaude enregistrée depuis les premiers enregistrements en 1880 [1], 2015 constitue une échéance cruciale pour les négociations internationales sur le climat. L’objectif de la 21ème Conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) est en effet de s’accorder sur le prochain régime climatique à mettre en œuvre à partir de 2020 afin de maintenir l’augmentation de la température moyenne globale, par rapport à l’ère préindustrielle, en deçà de 2°C. L’accord qui sera trouvé sera l’aboutissement de la « Plate-forme de Durban pour une action renforcée », lancée à la COP 17 en 2011, avec une feuille de route proposée par l’Union européenne : un groupe de travail ad hoc pour élaborer un accord ayant force juridique et englobant tous les pays du monde. L’accord devait être décidé au plus tard en 2015 pour une entrée en vigueur en 2020. Alors que les contours de l’accord sont en train d’être dessinés, de nombreuses décisions restent à prendre. Ce premier billet permet de rappeler les évolutions récentes qui ont marqué les négociations ces dernières années.
Peu après la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat en 1988, 153 pays signent, lors du sommet de la Terre en 1992, la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), dans laquelle ils décident de se réunir chaque année, afin de « prendre des mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes» (art.3).[2] Ces réunion annuelles -les fameuses Conférences des Parties (COP)- ont conduit à la signature d’un protocole d’application en 1997, le fameux protocole de Kyoto, accord emblématique, qui bien que souvent critiqué, est le premier accord multilatéral sur l’environnement juridiquement contraignant. D’autres actions, peut-être moins médiatisées mais également importantes, ont été menées : définition de règles communes pour établir les inventaires d’émissions de gaz à effet de serre (GES), et notamment la prise en compte des puits végétaux, création du Fonds vert pour le climat, ou encore création du mécanisme « REDD+ » afin de réduire les émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts dans les pays en développement.[3]
Quand il a été signé, le protocole de Kyoto ne définissait qu’une première période d’engagements, qui fixait des cibles chiffrées de réduction d’émissions de GES uniquement pour les pays industrialisés pour la période 2008-2012. L’accord devait progressivement être amendé afin d’intégrer des périodes d’engagements successives reposant sur des cibles de réduction plus ambitieuses et impliquant un plus grand nombre de pays. Plusieurs fondamentaux restaient néanmoins les mêmes : une approche « top-down » pour déterminer les réductions à réaliser – choix d’un objectif global de réduction d’émissions et un partage des efforts à réaliser- et des engagements juridiquement contraignants. 2009 constituait la date limite à laquelle la deuxième période d’engagements devait être décidée.
Comme on le sait, le scénario ne s’est pas déroulé comme prévu et la déception a été grande. Il y a eu un accord à Copenhague mais qui s’est clairement démarqué du protocole de Kyoto, et plus généralement du processus onusien. D’une part, l’accord de Copenhague a été un accord politique porté par un petit groupe de pays, dont les Etats Unis et les pays émergents. Cet accord, présenté alors que nombre de délégués étaient déjà partis, n’a pas pu être adopté par la COP 15 ; le secrétariat de la convention en a juste pris note. C’est seulement l’année suivante, à la COP 16 qui s’est tenue à Cancun, qu’il l’a été. D’autre part, l’accord trouvé à Copenhague repose sur une approche résolument « bottom-up », en laissant les pays prêts à s’engager, à définir eux-mêmes leur objectif. Le risque est alors que la somme des efforts ne soit pas suffisante pour atteindre l’objectif ultime. C’est d’ailleurs ce qui a été confirmé par de nombreuses évaluations qui ont été faites sur l’accord de Copenhague.[4]
En revanche, cette évolution a permis d’intégrer les grands émergents dans les engagements, en leur laissant toute latitude sur la forme et l’intensité des engagements qu’ils prenaient, ce qui avait échoué dans le cadre du protocole de Kyoto. Pour la première fois, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, ou encore le Brésil ont accepté de s’engager sur l’évolution de leurs émissions de GES, ce qu’ils avaient jusqu’alors catégoriquement refuser de faire, arguant que le principe, adopté dans la CNUCC, de « responsabilités communes mais différenciées » imposait avant tout une action des pays développés. Mais depuis la convention climat et le protocole de Kyoto, la situation avait évolué très rapidement. Alors qu’en 1997, les émissions des pays industrialisés représentaient plus de 55 % des émissions mondiales, elles ne représentaient plus qu’environ 42 % en 2009. La Chine était devenue le premier émetteur mondial, devant les Etats Unis, au milieu des années 2000 (voir le graphique 1). Par conséquent, même si les pays développés réussissaient à diminuer massivement leurs émissions, il fallait que les émergents cherchent également à infléchir les leurs très rapidement. Depuis, ces tendances n’ont fait que se confirmer : les émissions chinoises par tête ont rejoint les émissions moyennes par tête de l’UE (voir graphique 2) et les pays industrialisés représentent moins de 40 % des émissions mondiales.
Un accord sans que la Chine accepte de commencer à maîtriser ses émissions aurait donc eu peu de sens. L’élargissement du groupe des pays prenant des engagements était une étape indispensable, qui devenait urgente. Sur ce point, l’accord de Copenhague a donc constitué un véritable progrès.
Peu après la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat en 1988, 153 pays signent, lors du sommet de la Terre en 1992, la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), dans laquelle ils décident de se réunir chaque année, afin de « prendre des mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes» (art.3).[2] Ces réunion annuelles -les fameuses Conférences des Parties (COP)- ont conduit à la signature d’un protocole d’application en 1997, le fameux protocole de Kyoto, accord emblématique, qui bien que souvent critiqué, est le premier accord multilatéral sur l’environnement juridiquement contraignant. D’autres actions, peut-être moins médiatisées mais également importantes, ont été menées : définition de règles communes pour établir les inventaires d’émissions de gaz à effet de serre (GES), et notamment la prise en compte des puits végétaux, création du Fonds vert pour le climat, ou encore création du mécanisme « REDD+ » afin de réduire les émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts dans les pays en développement.[3]
Quand il a été signé, le protocole de Kyoto ne définissait qu’une première période d’engagements, qui fixait des cibles chiffrées de réduction d’émissions de GES uniquement pour les pays industrialisés pour la période 2008-2012. L’accord devait progressivement être amendé afin d’intégrer des périodes d’engagements successives reposant sur des cibles de réduction plus ambitieuses et impliquant un plus grand nombre de pays. Plusieurs fondamentaux restaient néanmoins les mêmes : une approche « top-down » pour déterminer les réductions à réaliser – choix d’un objectif global de réduction d’émissions et un partage des efforts à réaliser- et des engagements juridiquement contraignants. 2009 constituait la date limite à laquelle la deuxième période d’engagements devait être décidée.
Comme on le sait, le scénario ne s’est pas déroulé comme prévu et la déception a été grande. Il y a eu un accord à Copenhague mais qui s’est clairement démarqué du protocole de Kyoto, et plus généralement du processus onusien. D’une part, l’accord de Copenhague a été un accord politique porté par un petit groupe de pays, dont les Etats Unis et les pays émergents. Cet accord, présenté alors que nombre de délégués étaient déjà partis, n’a pas pu être adopté par la COP 15 ; le secrétariat de la convention en a juste pris note. C’est seulement l’année suivante, à la COP 16 qui s’est tenue à Cancun, qu’il l’a été. D’autre part, l’accord trouvé à Copenhague repose sur une approche résolument « bottom-up », en laissant les pays prêts à s’engager, à définir eux-mêmes leur objectif. Le risque est alors que la somme des efforts ne soit pas suffisante pour atteindre l’objectif ultime. C’est d’ailleurs ce qui a été confirmé par de nombreuses évaluations qui ont été faites sur l’accord de Copenhague.[4]
En revanche, cette évolution a permis d’intégrer les grands émergents dans les engagements, en leur laissant toute latitude sur la forme et l’intensité des engagements qu’ils prenaient, ce qui avait échoué dans le cadre du protocole de Kyoto. Pour la première fois, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, ou encore le Brésil ont accepté de s’engager sur l’évolution de leurs émissions de GES, ce qu’ils avaient jusqu’alors catégoriquement refuser de faire, arguant que le principe, adopté dans la CNUCC, de « responsabilités communes mais différenciées » imposait avant tout une action des pays développés. Mais depuis la convention climat et le protocole de Kyoto, la situation avait évolué très rapidement. Alors qu’en 1997, les émissions des pays industrialisés représentaient plus de 55 % des émissions mondiales, elles ne représentaient plus qu’environ 42 % en 2009. La Chine était devenue le premier émetteur mondial, devant les Etats Unis, au milieu des années 2000 (voir le graphique 1). Par conséquent, même si les pays développés réussissaient à diminuer massivement leurs émissions, il fallait que les émergents cherchent également à infléchir les leurs très rapidement. Depuis, ces tendances n’ont fait que se confirmer : les émissions chinoises par tête ont rejoint les émissions moyennes par tête de l’UE (voir graphique 2) et les pays industrialisés représentent moins de 40 % des émissions mondiales.
Graphique 1 : Emissions de CO2 des principaux pays émetteurs (MtCO2) |
Note: Les % en début et fin de courbe correspondent à la part des émissions mondiales que représentent les émissions de chaque pays. Source: European Commission, Joint Research Centre (JRC)/Netherlands Environmental Assessment Agency (PBL), 2014. Emission Database for Global Atmospheric Research (EDGAR), release CO+ time series 1970 – 2013. |
Graphique 2 : Emissions de CO2 par tête des principaux pays émetteurs (tCO2) |
Source: European Commission, Joint Research Centre (JRC)/Netherlands Environmental Assessment Agency (PBL), 2014. Emission Database for Global Atmospheric Research (EDGAR), release CO+ time series 1970 – 2013.
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Un accord sans que la Chine accepte de commencer à maîtriser ses émissions aurait donc eu peu de sens. L’élargissement du groupe des pays prenant des engagements était une étape indispensable, qui devenait urgente. Sur ce point, l’accord de Copenhague a donc constitué un véritable progrès.
[1] Voir : https://www.wmo.int/media/?q=content/warming-trend-continues-2014
[2] En 2015, la convention compte 196 Parties qui comprennent tous les pays, développés ou en développement, qui ont adopté officiellement la convention.
[3] La déforestation conduit à de fortes émissions de CO2, stockées auparavant dans la matière végétale.
[4] Voir Lettre du CEPII, n°306, Décembre 2010.