PME et ETI agroalimentaires : quelle stratégie à l’international ?
Ce billet fait suite à la discussion proposée par Philippe Mutricy lors de la conférence de présentation de La Lettre du CEPII n°363, de Charlotte Emlinger et Karine Latouche, intitulée « La grande distribution, VRP du made in France... sous marque de distributeur ».
Par Philippe Mutricy
Bpifrance Le Lab, le laboratoire d’idées de la banque publique d’investissement, est allé à la rencontre de 25 entreprises de l’industrie agroalimentaire réalisant plus de 50% de leur chiffre d’affaires avec la grande distribution, afin de mettre au jour leurs stratégies gagnantes, et notamment à l’international. Se différencier par le haut et non plus jouer sur le seul critère du prix : voici l’une des clés pour réussir à exporter dans ce secteur sous hautes tensions.
Philippe Mutricy, directeur de l’Évaluation, des Études et de la Prospective, Bpifrance.
On entend souvent dire que les entreprises françaises sont sous-représentées à l’international. Mais ce discours doit être en partie nuancé. Tout d’abord parce qu’il repose quasi exclusivement sur une comparaison avec l’Allemagne : certes, en 2013, le montant des exportations allemandes de biens s’élevait à 1094 Md€, contre 442 Md€ pour la France (source : Eurostat). Mais en réalité, les entreprises françaises n’ont pas à rougir de leur performance : si l’on excepte les Pays-Bas, qui sont dans une situation particulière du fait de leur statut de plateforme logistique de l’Europe, la France est le 2e exportateur européen. C’est plutôt la situation de l’Allemagne qui est exceptionnelle par rapport à l’ensemble de ses partenaires. Moralité : ce n’est pas parce que l’on court moins vite qu’Usain Bolt que l’on ne court pas vite !
Second biais : on réduit souvent l’internationalisation aux seules activités d’exportation ; or elle peut prendre de multiples formes : les mouvements intra-groupes, l’implantation de filiales à l’étranger, ou encore, de manière croissante, l’appel à des grossistes.
La sous-représentation des entreprises françaises à l’international est donc à nuancer ; mais il ne faut pas en conclure pour autant que tous les feux sont au vert. La France est en effet en perte de vitesse dans le commerce international : la part des entreprises françaises dans les exportations mondiales a été divisée par deux entre 1990 et 2013 (de 6% à 3% environ). Plus inquiétant encore, les PME sont extrêmement volatiles dans leur comportement à l’international : sur 100 PME qui se sont lancées à l’export en 2004, seulement 10 continuaient 10 ans après. C’est pour accompagner les dirigeants dans leur conquête des marchés étrangers, pour les aider à s’y ancrer durablement, que Bpifrance Le Lab a publié l’année dernière un « Petit guide pour se projeter à l’international ».
Concernant l’industrie agroalimentaire française, le relais de croissance potentiel que représentent les marchés internationaux est encore trop peu exploité. C’est l’un des éléments qui ressort de la dernière étude que nous avons publiée : « PME et ETI agroalimentaires : oser pour grandir ».
Dans cette étude, nous sommes partis à la rencontre de 25 entreprises de l’industrie agroalimentaire positionnées sur les produits de masse, réalisant plus de 50% de leur chiffre d’affaires avec la grande distribution. Elles nous ont révélé leurs stratégies gagnantes et leurs bonnes pratiques pour croître et tirer leur épingle du jeu dans un secteur sous hautes tensions (guerre des prix, marges réduites, volatilité des cours des matières premières, etc.).
Toutes ces entreprises ont choisi de se différencier par le haut, et non plus en jouant sur le seul critère du prix : innovation, flexibilité industrielle, stratégie de labellisation, entretien d’un territoire de marque, autant d’atouts qui leur permettent aujourd’hui de se démarquer de la concurrence.
Mais ce que nous avons également constaté, c’est que les IAA de 50 à 500 M€ de chiffre d’affaires –la population cible de notre étude- ne réalisent que 18% de leur activité à l’international, contre plus de 40% pour les grandes entreprises du secteur. Face à une demande nationale atone, les marchés étrangers constituent pourtant des leviers de croissance très prometteurs, d’autant plus que la guerre des prix entre distributeurs peut parfois y être moins prononcée.
L’export est une démarche difficile, dans l’agroalimentaire plus encore que dans les autres secteurs : non seulement il faut trouver le bon marché, identifier les bons interlocuteurs, mais il faut également veiller à adapter son produit aux normes et aux préférences locales. Par exemple, pour conquérir le marché américain, le chocolatier Cémoi avait su adapter son célèbre ourson en guimauve aux spécificités du marché outre-Atlantique : l’ourson ne mesure plus 6 cm mais 12, et son cœur n’est plus fait de guimauve mais de beurre de cacahuète.
Mais le principal handicap des IAA françaises pour se développer à l’international reste leur taille. Le tissu agroalimentaire national est en effet composé à 98 % de TPE-PME. Pour investir, innover et se projeter à l’international, la consolidation du secteur par croissance externe semble donc inévitable. Internationalisation, croissance externe : deux leviers complémentaires pour favoriser le développement des PME et ETI agroalimentaires françaises.
Pour en savoir plus, retrouvez 25 stratégies gagnantes d’entreprises dans l’étude « PME et ETI agroalimentaires : oser pour grandir » sur le site de Bpifrance Le Lab, www.bpifrance-lelab.fr.
Charlotte Emlinger & Karine Latouche (2016), "La grande distribution, VRP du made in France... sous marque de distributeur", La Lettre du CEPII, N°363, mars.
Agroalimentaire et grande distribution : quelle stratégie à l’international ?, Conférence organisée par le CEPII, le vendredi 15 avril 2016.