Renminbi
Retranscription écrite de l'émission du 16 février "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38.
Par Agnès Bénassy-Quéré
La semaine dernière je vous ai apporté un dollar. Cette semaine c’est avec un billet d’un yuan que je suis venue. J’ai aussi avec moi un renminbi, la monnaie du peuple. La monnaie chinoise a deux noms et c’est donc le même billet.
Un yuan, c’est encore moins qu’un dollar, 12 centimes d’euro environ. C’est même encore beaucoup moins puisque pour l’utiliser, il faut d’abord dépenser 1000 euros d’avion. En effet le yuan n’est pas convertible. Il ne vaut rien hors de Chine. Pourtant, son prix en euro augmente progressivement : il y a trois ans, un yuan valait 9 centimes. Un centime de plus par an, ce n’est pas beaucoup me direz-vous, mais c’est tout de même une croissance annuelle de 10%. Donc ce yuan, on ne peut rien en faire mais je suis tentée de le garder car sa valeur augmente. Un jour j’irai en Chine avec ce billet. Je pourrai aussi le revendre avec plus-value à un voyageur, ou bien à un spéculateur qui le gardera lui aussi dans l’espoir que la hausse continue.
Si le yuan s’apprécie, c’est que la demande pour cette monnaie est dynamique. La demande vient d’abord de Chine : quand un exportateur chinois convertit en yuans ses recettes en dollars (pour payer ses salariés), il contribue à la hausse du yuan et à la baisse du dollar. Mais la demande vient aussi de l’étranger : quand une entreprise étrangère investit en Chine, elle apporte des capitaux qu’elle convertit sur place en yuan. En réalité, le yuan s’apprécierait beaucoup plus vite si la banque du peuple chinois ne rachetait pas à grande échelle des obligations du trésor américain pour soutenir le dollar.
Il y a deux ans, les autorités chinoises ont décidé de se libérer progressivement de l’emprise du dollar en internationalisant leur monnaie. Problème : comment internationaliser une monnaie qui n’est pas convertible ? C’est comme vouloir diffuser la langue française au sein de la communauté républicaine du Mid-West. Echec assuré.
Mais les chinois ne s’arrêtent pas à ce genre de détail. Premièrement, ils veulent exporter non plus en dollar mais en yuan. Leurs clients n’ont pas de yuans ? Qu’à cela ne tienne, ils leur en mettent à disposition, via des accords entre banques centrales. Deuxièmement, ils veulent développer les investissements internationaux en yuan. Les étrangers ne sont pas autorisés à acheter librement des actifs chinois ? Qu’à cela ne tienne, ils ouvrent un marché off shore à Hong Kong, où l’on peut s’endetter et prêter en yuan.
Tout cela est très astucieux et les échanges se développent. Mais la hausse du yuan ralentit le processus : on veut investir, mais pas s’endetter dans cette monnaie. Surtout, pour que le yuan devienne vraiment une monnaie internationale à l’égal du dollar, il faudrait ouvrir plus franchement les portes aux entrées, mais aussi aux sorties de capitaux : que les épargnants chinois puissent eux aussi goûter aux délices de la finance mondiale. Il faudrait aussi améliorer la protection des épargnants étrangers sur le territoire chinois. Cela mettra du temps mais il fait peu de doute que dans 15-20 ans le yuan sera une grande monnaie internationale. Marc, conservez précieusement ce billet ! Finalement je vous le donne.