Le commerce selon Trump : de la concurrence économique à la confrontation politique
L’annonce par les États-Unis de sanctions commerciales contre la Chine se fonde sur des préoccupations dont beaucoup sont partagées par les Européens. Mais elle confirme aussi le basculement vers une logique purement politique, qui est loin de faire les affaires européennes.
Par Sébastien Jean
Donald Trump est finalement passé à l’acte contre le pays qu’il avait accusé dès la campagne de « violer » les États-Unis. En réponse à ce qu’il considère être une violation des droits de propriété intellectuelle américains, il a annoncé des droits de douane additionnels de 25 % sur 50 à 60 milliards de dollars d’importations de produits comme la robotique ou les équipements aérospatiaux et ferroviaires. Dans l’Union européenne, certains pourraient être tentés de s’en réjouir. Les pratiques chinoises en matière de transferts forcés de technologie, de contrefaçon, de cyber-espionnage et surtout de politique industrielle agressive pilotée par l’État et le parti sont en effet une préoccupation partagée par les européens, qui les a amenés notamment à réformer leurs procédures antidumping et anti-subvention et à être beaucoup plus circonspects sur les investissements d’origine chinoise. Dans le meilleur des cas, les menaces américaines pourraient aider à contraindre la Chine à respecter tous ses engagements commerciaux, par exemple ceux sur les subventions ou sur la réciprocité dans l’accès au marché.
On peut en douter, cependant. L’attitude des États-Unis laisse peu de place à une alliance, parce qu’elle se fonde sur un bras de fer bilatéral, avec des objectifs qui lui sont propres, en particulier la réduction de son déficit commercial –même si ce type de mesures a peu de chances de contribuer à résorber un déséquilibre qui est d’origine macroéconomique. De fait, ce nouvel épisode constitue une étape supplémentaire dans l’affirmation que, pour Trump, les questions commerciales sont avant tout politiques. « La sécurité économique, c’est la sécurité nationale », selon ses propres termes. Le commerce international devient ainsi un lieu d’affrontement politique, alors même que le système commercial multilatéral bâti depuis la guerre sous l’égide des américains avait précisément pour but de le contenir à la concurrence économique, fondée sur des règles.
Le risque est de voir les relations commerciales internationales tomber sous la coupe de l’arbitraire politique. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour tous parce que les coûts économiques et politiques seraient potentiellement immenses. L’incertitude liée au risque d’escalade a d’ailleurs déjà commencé à peser sur les marchés américains et sur la confiance des investisseurs en Allemagne. Pour l’Union européenne, elle-même union d’États fondée sur des règles, les dommages seraient aggravés par sa moindre cohésion politique, comparée à un État. D’ailleurs, la menace de mesures de protection contre les importations d’acier et d’aluminium en provenance d’Europe n’est pour l’instant suspendue que provisoirement, si toutefois volonté annoncée est confirmée. L’Union n’a aucun intérêt à cautionner une action qui mine le système commercial multilatéral. Nous partageons certaines des préoccupations des États-Unis et devons essayer de former un front commun pour négocier avec la Chine. Mais la politique d’intimidation de Trump n’y aide pas, elle nous en éloigne.
Ce texte est paru dans la revue Challenges le 29 mars 2018.
On peut en douter, cependant. L’attitude des États-Unis laisse peu de place à une alliance, parce qu’elle se fonde sur un bras de fer bilatéral, avec des objectifs qui lui sont propres, en particulier la réduction de son déficit commercial –même si ce type de mesures a peu de chances de contribuer à résorber un déséquilibre qui est d’origine macroéconomique. De fait, ce nouvel épisode constitue une étape supplémentaire dans l’affirmation que, pour Trump, les questions commerciales sont avant tout politiques. « La sécurité économique, c’est la sécurité nationale », selon ses propres termes. Le commerce international devient ainsi un lieu d’affrontement politique, alors même que le système commercial multilatéral bâti depuis la guerre sous l’égide des américains avait précisément pour but de le contenir à la concurrence économique, fondée sur des règles.
Le risque est de voir les relations commerciales internationales tomber sous la coupe de l’arbitraire politique. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour tous parce que les coûts économiques et politiques seraient potentiellement immenses. L’incertitude liée au risque d’escalade a d’ailleurs déjà commencé à peser sur les marchés américains et sur la confiance des investisseurs en Allemagne. Pour l’Union européenne, elle-même union d’États fondée sur des règles, les dommages seraient aggravés par sa moindre cohésion politique, comparée à un État. D’ailleurs, la menace de mesures de protection contre les importations d’acier et d’aluminium en provenance d’Europe n’est pour l’instant suspendue que provisoirement, si toutefois volonté annoncée est confirmée. L’Union n’a aucun intérêt à cautionner une action qui mine le système commercial multilatéral. Nous partageons certaines des préoccupations des États-Unis et devons essayer de former un front commun pour négocier avec la Chine. Mais la politique d’intimidation de Trump n’y aide pas, elle nous en éloigne.
Ce texte est paru dans la revue Challenges le 29 mars 2018.