Le recul de la France sur les marchés du Maghreb
Entre 2003 et 2013, la France a perdu 45 % de ses parts de marché au Maghreb. Dans le domaine des produits manufacturés, la France est dépassée par la Chine en Algérie et par l’Espagne au Maroc.
Par Agnès Chevallier
Billet du 20 mars 2015
Au cours des quinze dernières années, les pays de l’OCDE ont enregistré face à la montée des pays émergents et, en particulier de la Chine, un net recul de leurs parts sur le marché mondial. La France est l’un de ceux pour lesquels ce recul a été le plus prononcé (voir la Lettre du CEPII n°349 [1]). Qu’en est-il des parts de marché françaises au Maghreb, région où elles étaient encore particulièrement élevées au début des années 2000 ? La récente mise à jour de la base de données CHELEM du CEPII nous permet d’observer les évolutions intervenues depuis lors.
Des marchés en progression, mais où la part de la France a chuté
La progression des importations des trois pays du Maghreb central a été plus forte que la moyenne mondiale sur les années 2003-2013. Mais sur cette période, la France a connu une chute de sa part de marché alors que celle-ci s’était à peu près maintenue sur les dix années précédentes (graphique 1). La France a légèrement augmenté son poids dans les importations agroalimentaires des trois pays, mais, sur les produits manufacturés, elle a enregistré une baisse importante : - 45 %, soit un recul nettement plus marqué qu’en moyenne sur l’ensemble des pays du monde (-29 %) (tableau 1).
Un fort recul sur les produits manufacturés...
On assiste entre 2003 et 2013 à une nette diversification des exportateurs de produits manufacturés vers le Maghreb :
En 2013, avec une part de marché descendue à 16,3 %, la France conserve la première place sur l’ensemble du Maghreb, mais ça n’est plus le cas ni en Algérie, ni au Maroc.
...où la France est dépassée par la Chine en Algérie, par l’Espagne au Maroc.
En Algérie, le recul de la part de marché française (- 58%) est manifeste sur toutes les branches, excepté les produits pharmaceutiques (graphique 3). Il est particulièrement marqué sur l’automobile, première catégorie d’importations algériennes en 2013 : dans ce secteur, la part de la France tombe sur les dix ans de 66 % à moins de 12 %. Au-delà des variations qui peuvent sensiblement modifier les parts de marché annuelles dans ce secteur, on observe en effet une tendance de fond : l’arrivée sur le marché algérien d’un grand nombre d’exportateurs automobiles, européens ou asiatiques. Sur les véhicules utilitaires et les moteurs, la France résiste un peu mieux, mais elle est tout de même dépassée par la Chine, comme elle l’est dans la quincaillerie, le matériel de BTP, les fournitures électriques, le matériel de télécommunication... En moyenne, pour l’ensemble des produits manufacturés, la part de la Chine triple sur le marché algérien pour atteindre 18 % en 2013 (contre 13,5 % pour la France). Les groupes chinois de construction qui dominent le secteur du BTP et du logement (ils remportent la grande majorité des contrats de construction) se fournissent en Chine [3]. Par ailleurs, à la faveur de la libéralisation commerciale engagée dans les années 1990 et de l’augmentation des ressources tirées des hydrocarbures, les réseaux commerciaux sino-algériens constitués dès les années 1980 par les « marchands à la valise » se sont rapidement développés : « les valises se sont transformées en containers » [4].
Au Maroc, le recul des parts de marché françaises s’est engagé dès 1995 (graphique 4), sous l’effet de la progression de l’Espagne à laquelle s’est ajoutée, à partir de 2001, celle de la Chine. L’Espagne, contrairement à la France, a intensifié la participation du Maroc aux chaînes de valeur de ses entreprises dans le textile, dans les composants électriques ou automobiles : 34 % des fils et tissus importés par le Maroc (premier poste d’importations) proviennent d’Espagne, 37,5 % des éléments de véhicules automobiles. Par ailleurs, l’Espagne a participé à de nombreux appels d’offre publics lancés par le Maroc dans des domaines de haute technologie, notamment dans les énergies renouvelables.
Dans un monde plus ouvert et dans lequel les industries manufacturières d’un nombre accru de pays entrent en concurrence, la France ne dispose plus sur les marchés du Maghreb de la position hégémonique qu’elle avait héritée du passé et longtemps préservée.
Des marchés en progression, mais où la part de la France a chuté
La progression des importations des trois pays du Maghreb central a été plus forte que la moyenne mondiale sur les années 2003-2013. Mais sur cette période, la France a connu une chute de sa part de marché alors que celle-ci s’était à peu près maintenue sur les dix années précédentes (graphique 1). La France a légèrement augmenté son poids dans les importations agroalimentaires des trois pays, mais, sur les produits manufacturés, elle a enregistré une baisse importante : - 45 %, soit un recul nettement plus marqué qu’en moyenne sur l’ensemble des pays du monde (-29 %) (tableau 1).
Un fort recul sur les produits manufacturés...
On assiste entre 2003 et 2013 à une nette diversification des exportateurs de produits manufacturés vers le Maghreb :
- À l’exclusion de l’Espagne, les grands exportateurs européens voient leurs parts diminuer, dans des proportions toutefois bien moindres que la France : le recul de l’Italie, de l’Allemagne, de la Belgique est compris entre -11 % et -19 %. La chute de la part de marché du Royaume-Uni est par contre, en termes relatifs, plus forte encore que celle de la France (- 55 %) [2], recul qui fait passer le Royaume-Uni de la 7ème place à la 14ème place des fournisseurs du Maghreb (tableau 2).
- La progression de la Chine s’accélère au début des années 2000 (graphique 2) et fait tripler sa part de marché entre 2003 et 2013. Derrière la France, toujours première, la Chine accède au deuxième rang des exportateurs de produits manufacturés vers le Maghreb. D’autres pays émergents comme la Turquie et l’Inde progressent également de façon notable.
- L’Espagne progresse de 25 %, tandis que d’autres exportateurs européens de moindre taille – Portugal, Roumanie et plusieurs autres pays d’Europe de l’Est – voient leurs parts sensiblement augmenter (tableau 2) ; ainsi, globalement, l’ensemble de l’Union européenne hors France conserve sa part de marché (tableau 1).
En 2013, avec une part de marché descendue à 16,3 %, la France conserve la première place sur l’ensemble du Maghreb, mais ça n’est plus le cas ni en Algérie, ni au Maroc.
...où la France est dépassée par la Chine en Algérie, par l’Espagne au Maroc.
En Algérie, le recul de la part de marché française (- 58%) est manifeste sur toutes les branches, excepté les produits pharmaceutiques (graphique 3). Il est particulièrement marqué sur l’automobile, première catégorie d’importations algériennes en 2013 : dans ce secteur, la part de la France tombe sur les dix ans de 66 % à moins de 12 %. Au-delà des variations qui peuvent sensiblement modifier les parts de marché annuelles dans ce secteur, on observe en effet une tendance de fond : l’arrivée sur le marché algérien d’un grand nombre d’exportateurs automobiles, européens ou asiatiques. Sur les véhicules utilitaires et les moteurs, la France résiste un peu mieux, mais elle est tout de même dépassée par la Chine, comme elle l’est dans la quincaillerie, le matériel de BTP, les fournitures électriques, le matériel de télécommunication... En moyenne, pour l’ensemble des produits manufacturés, la part de la Chine triple sur le marché algérien pour atteindre 18 % en 2013 (contre 13,5 % pour la France). Les groupes chinois de construction qui dominent le secteur du BTP et du logement (ils remportent la grande majorité des contrats de construction) se fournissent en Chine [3]. Par ailleurs, à la faveur de la libéralisation commerciale engagée dans les années 1990 et de l’augmentation des ressources tirées des hydrocarbures, les réseaux commerciaux sino-algériens constitués dès les années 1980 par les « marchands à la valise » se sont rapidement développés : « les valises se sont transformées en containers » [4].
Au Maroc, le recul des parts de marché françaises s’est engagé dès 1995 (graphique 4), sous l’effet de la progression de l’Espagne à laquelle s’est ajoutée, à partir de 2001, celle de la Chine. L’Espagne, contrairement à la France, a intensifié la participation du Maroc aux chaînes de valeur de ses entreprises dans le textile, dans les composants électriques ou automobiles : 34 % des fils et tissus importés par le Maroc (premier poste d’importations) proviennent d’Espagne, 37,5 % des éléments de véhicules automobiles. Par ailleurs, l’Espagne a participé à de nombreux appels d’offre publics lancés par le Maroc dans des domaines de haute technologie, notamment dans les énergies renouvelables.
Dans un monde plus ouvert et dans lequel les industries manufacturières d’un nombre accru de pays entrent en concurrence, la France ne dispose plus sur les marchés du Maghreb de la position hégémonique qu’elle avait héritée du passé et longtemps préservée.
Graphique 1 – Part de la France dans les importations du Maghreb 1993-2013, tous produits |
|
Source : CEPII, Base de données CHELEM.
|
Tableau 1 – Évolution des parts de marché de la France et de l’ensemble des autres pays de l’UE sur les 3 pays du Maghreb – 2013/2003 en % |
|
* y compris les minerais et énergie, non détaillés ci-dessous
Source : CEPII, Base de données CHELEM.
|
Tableau 2 –Principaux exportateurs de produits manufacturés vers le Maghreb Parts de marché en 2013 et variations par rapport à 2003 |
|
Source : CEPII, Base de données CHELEM.
|
Graphique 2 –Évolution des parts de marché des 5 premiers exportateurs vers le Maghreb pour les produits manufacturés, 1993-2013 |
|
Source : CEPII, Base de données CHELEM.
|
Graphique 3 – Cinq premiers exportateurs de produits manufacturés vers l’Algérie en 2013 – Parts de marché en 2003 et en 2013 sur les 11 premières branches* | |
Algérie 2003 | Algérie 2013 |
|
|
*Nomenclature Chelem en 48 branches. En 2013, les importations vont de 1,2 milliard de dollars (matériel télécom) à 4,2 milliards (automobiles), les importations des 11 premières branches (25 milliards) totalisent 63 % des importations manufacturières algériennes. Source : CEPII, Base de données CHELEM. |
Graphique 3 – Cinq premiers exportateurs de produits manufacturés vers le Maroc en 2013 – Parts de marché en 2003 et en 2013 sur les 11 premières branches* | |
Maroc 2003 | Maroc 2013 |
|
|
*Nomenclature Chelem en 48 branches. En 2013, les importations vont de 1,2 milliard de dollars (matériel télécom) à 4,2 milliards (automobiles), les importations des 11 premières branches (25 milliards) totalisent 63 % des importations manufacturières algériennes. Source : CEPII, Base de données CHELEM. |
[2] Sur l’ensemble du Monde et l’ensemble des produits manufacturés, le recul de la part de marché du Royaume-Uni est aussi plus fort que celui de la France : -34 % contre -29 %.
[4] T. Pairault & F. Talahite (dir.), Chine-Algérie, une relation singulière en Afrique, Riveneuve éditions, 2014.
Retrouvez plus d'information sur le blog du CEPII. © CEPII, Reproduction strictement interdite. Le blog du CEPII, ISSN: 2270-2571 |
|||
|