L’affaiblissement du rôle international de l’euro
Après l’introduction de l’euro, d’abord sur les marchés en 1998 puis en 2002 en tant que moyen de paiement, le rôle international de la monnaie commune s’était notablement développé. Ce rôle décline depuis 2011/2012.
Par Jean-Pierre Patat
Billet du 27 janvier 2016
Deux marqueurs importants caractérisent une grande devise mondiale : les émissions d’obligations internationales libellées dans cette monnaie et son attrait en tant que placement des réserves de change des banques centrales. Quelques années après sa naissance, l’euro faisait jeu égal avec le dollar américain pour les émissions d’obligations internationales et captait environ 26 % des réserves des banques centrales étrangères, soit nettement plus que la part, en 1998, des devises s’étant fondues dans la monnaie unique (le DM en particulier).
À partir de 2005/2006, l’euro cessa de progresser ; mais depuis 2011/2012, c’est un net recul qui est observé. Le marché des émissions internationales d’obligations est désormais pour plus de 60 % en dollar et pour moins de 30 % en euro et la part de l’euro dans les réserves des banques centrales a reculé à moins de 22 %, soit à peine le total de la part, avant 1998, des devises nationales des pays ayant adopté l’euro. [1]
S’agissant de la stagnation observée dans un premier temps, on peut l’attribuer au « plafond de verre » qu’a constitué l’évidence qui finit par s’imposer, comme quoi l’euro n’était pas une étape décisive dans une union politique, contrairement à ce que nombre de ses concepteurs et de nombreux analystes et économistes l‘ont cru au départ. Or la puissance politique et stratégique du pays émetteur compte beaucoup dans l’aura internationale d’une devise : pense-t-on que les pays du Golfe continueraient de libeller leurs contrats de ventes de pétrole en dollar, en dépit des fortes fluctuations, souvent très préjudiciables, de cette monnaie s’il n’y avait pas derrière la puissance militaire américaine ? À l’évidence, la zone euro ne possède pas ces atouts.
Quant au recul observé depuis quelques années, la « crise de l’euro » en a été probablement la raison majeure. Rappelons-nous que, lorsque l’euro fut introduit sur les marchés, les taux des obligations d’État des pays membres s’alignèrent, à la surprise générale, sur les taux les plus bas, c’est à dire les taux du Bund. En tant que monnaie de réserve, l’euro avait un handicap par rapport au dollar : l’absence d’un marché unifié de titres d’État. Ce handicap était sinon effacé, du moins atténué avec l’évolution observée puisque les investisseurs pouvaient se porter sur des titres, certes émis par des États différents, mais qui bénéficiaient tous de la crédibilité de l’État le mieux coté par les marchés. Cette situation a cessé avec la crise qui a fortement affecté les pays dits « périphériques » et fait exploser les taux d’intérêt des obligations de certains États. Le « champ » de placement des investisseurs internationaux, et en particulier des banques centrales souhaitant placer leurs réserves de change, s’est donc considérablement réduit : aux titres allemands et, sans doute dans une moindre mesure aux titres français qui avaient moins souffert de la crise que les titres des pays du Sud. Depuis, la situation, sans revenir à la convergence de l’an 2000, s’est bien améliorée et les taux des pays périphériques se sont nettement détendus, tout en demeurant supérieurs aux taux français et allemands. Mais les investisseurs ont une mémoire longue et il est à craindre que les banques centrales étrangères demeurent circonspectes à l’éventualité de placer leurs réserves en titres de dettes très diversifiés des pays de la zone euro.
Ajoutons que le « quantitative easing » pratiqué par la BCE maintient les taux obligataires de la zone à des niveaux très bas, pour certains très inférieurs aux taux américains. La sécurité, la liquidité, mais aussi le rendement sont des facteurs qui comptent pour le choix des placements des réserves des banques centrales.
À partir de 2005/2006, l’euro cessa de progresser ; mais depuis 2011/2012, c’est un net recul qui est observé. Le marché des émissions internationales d’obligations est désormais pour plus de 60 % en dollar et pour moins de 30 % en euro et la part de l’euro dans les réserves des banques centrales a reculé à moins de 22 %, soit à peine le total de la part, avant 1998, des devises nationales des pays ayant adopté l’euro. [1]
S’agissant de la stagnation observée dans un premier temps, on peut l’attribuer au « plafond de verre » qu’a constitué l’évidence qui finit par s’imposer, comme quoi l’euro n’était pas une étape décisive dans une union politique, contrairement à ce que nombre de ses concepteurs et de nombreux analystes et économistes l‘ont cru au départ. Or la puissance politique et stratégique du pays émetteur compte beaucoup dans l’aura internationale d’une devise : pense-t-on que les pays du Golfe continueraient de libeller leurs contrats de ventes de pétrole en dollar, en dépit des fortes fluctuations, souvent très préjudiciables, de cette monnaie s’il n’y avait pas derrière la puissance militaire américaine ? À l’évidence, la zone euro ne possède pas ces atouts.
Quant au recul observé depuis quelques années, la « crise de l’euro » en a été probablement la raison majeure. Rappelons-nous que, lorsque l’euro fut introduit sur les marchés, les taux des obligations d’État des pays membres s’alignèrent, à la surprise générale, sur les taux les plus bas, c’est à dire les taux du Bund. En tant que monnaie de réserve, l’euro avait un handicap par rapport au dollar : l’absence d’un marché unifié de titres d’État. Ce handicap était sinon effacé, du moins atténué avec l’évolution observée puisque les investisseurs pouvaient se porter sur des titres, certes émis par des États différents, mais qui bénéficiaient tous de la crédibilité de l’État le mieux coté par les marchés. Cette situation a cessé avec la crise qui a fortement affecté les pays dits « périphériques » et fait exploser les taux d’intérêt des obligations de certains États. Le « champ » de placement des investisseurs internationaux, et en particulier des banques centrales souhaitant placer leurs réserves de change, s’est donc considérablement réduit : aux titres allemands et, sans doute dans une moindre mesure aux titres français qui avaient moins souffert de la crise que les titres des pays du Sud. Depuis, la situation, sans revenir à la convergence de l’an 2000, s’est bien améliorée et les taux des pays périphériques se sont nettement détendus, tout en demeurant supérieurs aux taux français et allemands. Mais les investisseurs ont une mémoire longue et il est à craindre que les banques centrales étrangères demeurent circonspectes à l’éventualité de placer leurs réserves en titres de dettes très diversifiés des pays de la zone euro.
Ajoutons que le « quantitative easing » pratiqué par la BCE maintient les taux obligataires de la zone à des niveaux très bas, pour certains très inférieurs aux taux américains. La sécurité, la liquidité, mais aussi le rendement sont des facteurs qui comptent pour le choix des placements des réserves des banques centrales.
[1] Sources : BRI et BCE.
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