Un apaisement commercial transatlantique, à quel prix ?
L’« accord » sur les questions commerciales annoncé par Donald Trump et Jean-Claude Juncker a été accueilli avec soulagement, mais les ambigüités et les incohérences de leurs déclarations posent question sur son contenu et sa signification.
Par Sébastien Jean
Billet du 13 août 2018
Une guerre commerciale ne faisant que des perdants, l’annonce par Donald Trump et Jean-Claude Juncker d’un « accord » a été accueillie avec soulagement. Mieux vaut, à n’en pas douter, dialoguer plutôt que d’échanger sanctions et représailles, voire menaces et tentatives d’intimidation. Cela ne dispense pourtant pas d’analyser la signification et le contenu des annonces du 25 juillet. Leurs termes sont ambigus, puisqu’il ne s’agit de fait que de déclarations sur des discussions, voire des négociations à venir. Mais le peu qui a été dit manque singulièrement de cohérence.
On évoque ainsi un accord à venir avec « zéro barrières non tarifaires » : que faut-il comprendre pour les réglementations de part et d’autre ? « Zéro subventions » : s’agit-il vraiment d’un objectif souhaitable et possible ? Faut-il par exemple rappeler que l’Etat du Wisconsin a récemment promis à l’industriel Foxconn des subventions sous formes d’exemptions fiscales et de dépenses publiques qui pourraient dépasser les 4 milliards de dollars, pour l’inciter à venir s’installer sur son territoire ? L’accord serait limité aux produits industriels hors secteur automobile, une disposition clairement incompatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce, selon lesquelles un accord bilatéral n’est possible que s’il concerne l’essentiel des échanges. L’Union européenne s’engagerait par ailleurs à acheter plus de soja et de gaz naturel liquéfié américain. Au-delà de l’épouvantail politique que peut constituer cette annonce, un tel engagement laisse pantois, puisque les décisions d’achat relèvent en la matière des entreprises privées et non de la puissance publique. La seule exception notable étant en l’occurrence la difficulté à obtenir des autorisations d’exportation de gaz par l’administration américaine, sa levée ne saurait constituer un engagement européen. Enfin, les deux parties engageraient un dialogue sur les normes, dont on se demande si c’est une façon indirecte de relancer les négociations pour un accord de libre-échange transatlantique, c’est-à-dire d’essayer de conclure avec l’administration Trump une négociation qui a échoué sous Obama. Le paradoxe ne serait pas mince, alors que les européens ont dit et répété qu’ils ne négocieraient pas sous la menace.
En somme, l’incohérence de ces déclarations est telle que l’on n’ose pas croire qu’il faille les prendre au sérieux. Jean-Claude Juncker n’avait d’ailleurs aucun mandat de négociation pour prendre de quelconques engagements formels au nom de l’Union. Autrement dit, l’interprétation la plus optimiste de ces annonces est qu’il ne s’agit que de déclarations d’affichage, n’engageant pas ceux qui les ont prononcées. Une couverture pour la volte-face de Donald Trump qui, mesurant la difficulté et les coûts de mener une guerre commerciale tous azimuts, chercherait un apaisement de la relation transatlantique. Si tel était bien le cas, cela signifierait que cette annonce d’armistice récolte les fruits du succès de la stratégie européenne de réponse ferme suivie jusqu’ici. Il reste que l’on peut s’interroger sur la réalité de cette récolte : le président américain n’a pas levé les droits de douanes sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de l’Union et il n’a pris aucun engagement précis sur la suite. Avec un tel partenaire, les déclarations de bonnes intentions n’engagent que ceux qui y croient et le risque d’un nouveau changement de pied n’est pas minime. Les coûts, en revanche, sont d’ores et déjà clairs pour la crédibilité de la position européenne, vis-à-vis de ses partenaires comme de son opinion publique. L’Union négocie sous la menace en prenant des engagements incohérents. Elle déclare s’engager dans des négociations avec le seul pays ayant annoncé sa sortie de l’Accord de Paris, alors même que la lutte contre le changement climatique est supposé être un élément central de sa politique étrangère. Si ces annonces sont suivies d’effet, ce sera un terrible aveu de faiblesse. Si, comme on peut l’espérer, elles ne sont qu’une couverture sans substance destinée à offrir à Donald Trump une sortie honorable de l’impasse dans laquelle il s’est fourvoyé vis-à-vis de l’Europe sur le commerce, n’est-ce pas cher payer, en échange de vagues promesses ?
On évoque ainsi un accord à venir avec « zéro barrières non tarifaires » : que faut-il comprendre pour les réglementations de part et d’autre ? « Zéro subventions » : s’agit-il vraiment d’un objectif souhaitable et possible ? Faut-il par exemple rappeler que l’Etat du Wisconsin a récemment promis à l’industriel Foxconn des subventions sous formes d’exemptions fiscales et de dépenses publiques qui pourraient dépasser les 4 milliards de dollars, pour l’inciter à venir s’installer sur son territoire ? L’accord serait limité aux produits industriels hors secteur automobile, une disposition clairement incompatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce, selon lesquelles un accord bilatéral n’est possible que s’il concerne l’essentiel des échanges. L’Union européenne s’engagerait par ailleurs à acheter plus de soja et de gaz naturel liquéfié américain. Au-delà de l’épouvantail politique que peut constituer cette annonce, un tel engagement laisse pantois, puisque les décisions d’achat relèvent en la matière des entreprises privées et non de la puissance publique. La seule exception notable étant en l’occurrence la difficulté à obtenir des autorisations d’exportation de gaz par l’administration américaine, sa levée ne saurait constituer un engagement européen. Enfin, les deux parties engageraient un dialogue sur les normes, dont on se demande si c’est une façon indirecte de relancer les négociations pour un accord de libre-échange transatlantique, c’est-à-dire d’essayer de conclure avec l’administration Trump une négociation qui a échoué sous Obama. Le paradoxe ne serait pas mince, alors que les européens ont dit et répété qu’ils ne négocieraient pas sous la menace.
En somme, l’incohérence de ces déclarations est telle que l’on n’ose pas croire qu’il faille les prendre au sérieux. Jean-Claude Juncker n’avait d’ailleurs aucun mandat de négociation pour prendre de quelconques engagements formels au nom de l’Union. Autrement dit, l’interprétation la plus optimiste de ces annonces est qu’il ne s’agit que de déclarations d’affichage, n’engageant pas ceux qui les ont prononcées. Une couverture pour la volte-face de Donald Trump qui, mesurant la difficulté et les coûts de mener une guerre commerciale tous azimuts, chercherait un apaisement de la relation transatlantique. Si tel était bien le cas, cela signifierait que cette annonce d’armistice récolte les fruits du succès de la stratégie européenne de réponse ferme suivie jusqu’ici. Il reste que l’on peut s’interroger sur la réalité de cette récolte : le président américain n’a pas levé les droits de douanes sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de l’Union et il n’a pris aucun engagement précis sur la suite. Avec un tel partenaire, les déclarations de bonnes intentions n’engagent que ceux qui y croient et le risque d’un nouveau changement de pied n’est pas minime. Les coûts, en revanche, sont d’ores et déjà clairs pour la crédibilité de la position européenne, vis-à-vis de ses partenaires comme de son opinion publique. L’Union négocie sous la menace en prenant des engagements incohérents. Elle déclare s’engager dans des négociations avec le seul pays ayant annoncé sa sortie de l’Accord de Paris, alors même que la lutte contre le changement climatique est supposé être un élément central de sa politique étrangère. Si ces annonces sont suivies d’effet, ce sera un terrible aveu de faiblesse. Si, comme on peut l’espérer, elles ne sont qu’une couverture sans substance destinée à offrir à Donald Trump une sortie honorable de l’impasse dans laquelle il s’est fourvoyé vis-à-vis de l’Europe sur le commerce, n’est-ce pas cher payer, en échange de vagues promesses ?
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