L’Europe doit-elle relancer les négociations commerciales avec les États-Unis ?
Publiée préalablement dans La Croix le 15/04/2019 dans la rubrique "Débats".
Billet du 18 avril 2019
L’ouverture probable et prochaine de négociations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis est la suite logique de la rencontre, le 25 juillet 2018 à Washington, entre le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, et le président américain Donald Trump. Visite motivée par la volonté de trouver une issue positive aux tensions qui existaient alors, et qui subsistent, entre les deux partenaires.
Celles-ci s’étaient matérialisées en juin 2018 après la décision de Donald Trump d’augmenter les droits de douane sur l’acier et l’aluminium importés. Mais la véritable inquiétude des Européens tient à la menace proférée, à la même époque, par le président américain de surtaxer les voitures européennes. Menace qui reste suspendue comme une épée de Damoclès.
Les exportations automobiles européennes aux États-Unis représentent un montant annuel d’environ 60 milliards d’euros. L’enjeu est donc très lourd, en particulier pour les constructeurs allemands, mais aussi pour ceux d’Italie et du Royaume-Uni, sans parler des équipementiers français.
En acceptant de négocier avec Donald Trump, l’Europe espère faire baisser la pression sur ce dossier. C’est, à mon sens, la principale, sinon la seule, motivation de ces pourparlers. Car, pour le reste, les avantages qu’elle peut en tirer sont très limités.
Les négociations doivent principalement porter sur l’abaissement des droits de douane sur les biens industriels, hors automobile. Or, ceux-ci sont déjà très bas : 2 % en moyenne. Les abaisser encore n’aurait qu’un effet négligeable sur l’augmentation des échanges et le gain de croissance qu’on peut en espérer.
En revanche, Bruxelles fait un pari qu’elle pourrait payer cher. Au départ, l’Europe avait dit : pas question de négocier le pistolet sur la tempe. C’est pourtant ce qu’elle va faire sans avoir de garanties de la part de Donald Trump. Cette stratégie donne l’impression qu’on est prêt à des concessions pour éviter des mesures pourtant illégales. Autrement dit, on envoie le signal que les menaces peuvent être payantes.
Ces négociations soulèvent deux autres problèmes. Le premier touche à l’agriculture. Ce secteur est, pour l’instant, exclu des discussions. Mais on sait que les intérêts agricoles sont centraux pour les États-Unis et il est plus que probable que Donald Trump remette le sujet sur le tapis.
Le second touche au climat. On peut comprendre que l’Europe ait le souci de limiter les dégâts dans sa relation avec les États-Unis, mais cela pose un problème de cohérence avec son engagement en faveur de l’accord de Paris et de la lutte contre le réchauffement climatique. Climat et commerce sont liés. En les dissociant, Bruxelles prend le risque de se priver d’un instrument d’influence majeur sur la scène internationale. C’est ce que la France a rappelé en se prononçant contre l’ouverture de ces négociations.
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