L’inflation est-elle un facteur de croissance ?
« Sans inflation, pas de croissance » a déclaré un haut responsable français. Une affirmation en phase avec les inquiétudes qui se manifestent, jusque chez certaines banques centrales, sur les risques de déflation dans la zone euro.
Par Jean-Pierre Patat
Notons d’abord que l’inflation peut générer non pas la croissance mais la récession. Dans les années 1970, au choc d’inflation par l’offre suscité par les fortes hausses du prix du pétrole, la politique économique – incompétence ou démagogie –, en faisant supporter la presque intégralité de cette hausse sur les entreprises et en épargnant largement les ménages, provoque la « stagflation » et porte un coup très dur au secteur productif.
L’autre source d’inflation enseignée dans nos manuels, l’inflation par la demande, peut-elle stimuler la croissance de la production ? Keynes l’affirme en disant que l’inflation est comme la fièvre qui colore les joues et est source d’une certaine excitation. Mais du temps de Keynes, les économies étaient beaucoup moins ouvertes sur l’extérieur que de nos jours. Plusieurs expériences plus récentes de politiques de relance de la demande, en 1975 et en 1981, ont provoqué de l’inflation, un important déficit du commerce extérieur… et très peu de croissance.
Certes, une forte inflation peut réduire les taux d’intérêt réels (encore que dans les années 1980, des taux nominaux très élevés amoindrissaient nettement cet avantage attendu) et, par les espoirs d’une baisse relative des charges d’amortissement, encourager les investissements immobiliers et le crédit. Mais les choses ne sont pas aussi nettes. À partir de 1986, des ménages qui s’étaient endettés à des taux élevés se virent confrontés, avec la chute du taux d’inflation, à des charges d’intérêt et d’amortissement écrasantes. Inversement, les très faibles taux d’intérêt actuellement demandés pour les crédits immobiliers, résultant de la faible inflation, sont une incitation à emprunter à taux fixe, avec l’espoir qu’une remontée du taux d’inflation, même modérée, amoindrira encore les charges d’endettement.
En août 2014, la hausse des prix sur un an est en France de 0,53 %, contre 1 % en août 2013, 2,4 % en août 2012 et 2,4 % en août 2011. Faut-il s’inquiéter de cette chute spectaculaire du taux d’inflation ? Une première réponse peut être trouvée en examinant les variations détaillées des prix des différents produits de consommation. Sur 22 principales rubriques de l’indice, 15 ont vu leurs prix augmenter sur un an, plusieurs très sensiblement : l’entretien du logement pour 3,9 %, les réparations automobiles 2,4 %, les transports 2,1 %, les assurances 2,3 %, les restaurants et cafés 2,9 %, les journaux 4,4 %, la poste 4,1 %. Certaines de ces hausses résultent de décisions administratives, mais la plupart sont constatées dans des services, voire sur des produits manufacturés (vêtements, 1,8 %, automobile, 1,1 %) dont les prix sont libres, ce qui ne va pas dans le sens des alarmes sur les risques de déflation.
Quels sont maintenant les postes de l’indice qui sont à l’origine de sa très faible augmentation globale ? Le prix du gaz (administré), qui a baissé de 2,4 %, celui des carburants (qui pèse lourd dans l’indice), moins 3,2 %, celui des fruits et légumes, moins 9,5 %, des café, thé, cacao, moins 2,8 %, celui des équipements téléphoniques, moins 14,1 %, celui de équipements numériques, moins 7 % (dont moins 13,3 % sur les appareils photo et moins 10,9 % sur les télévisions) et des appareils ménagers, moins 1,7 %. Autrement dit, la faible augmentation de l’inflation résulte, non de l’évolution des prix de l’ensemble des composantes de l’indice, ce qui pourrait révéler une tendance déflationniste, mais des variations négatives, certaines particulièrement spectaculaires, de quelques rubriques, qui ont presque annulé les incidences sur l’indice global des hausses, certaines fortes, qu’ont enregistrées la grande majorité des composantes de la consommation des ménages. Ces baisses résultent (on met à part la baisse du prix administré du gaz) de l’évolution du prix des matières premières importées, de la concurrence ou du progrès technologique, ce qui ne dénote pas des pressions déflationnistes. Ces baisses ont-elles engendré des comportements d’attentisme affaiblissant la consommation ? Nullement. Elles l’ont, au contraire, dans certains secteurs (téléphones électroniques, numérique), probablement dopé et ont peut-être évité une variation négative du PIB. La faible hausse des prix constatée actuellement n’handicape donc pas la croissance et ne peut être interprétée comme l’amorce d’un phénomène déflationniste. Qu’elle gêne les responsables des finances dans la mesure où certaines mesures d’économie, comme le gel des salaires de la fonction publique, ont une portée amoindrie, est une chose. Mais imputer à la faible inflation la responsabilité de l’absence de croissance, c'est-à-dire en fait, accuser un environnement extérieur sur lequel nous ne pourrions rien, alors qu’elle contribue à améliorer le pouvoir d’achat des gens modestes, et donc en définitive à soutenir l’activité, est une contre-vérité.
L’autre source d’inflation enseignée dans nos manuels, l’inflation par la demande, peut-elle stimuler la croissance de la production ? Keynes l’affirme en disant que l’inflation est comme la fièvre qui colore les joues et est source d’une certaine excitation. Mais du temps de Keynes, les économies étaient beaucoup moins ouvertes sur l’extérieur que de nos jours. Plusieurs expériences plus récentes de politiques de relance de la demande, en 1975 et en 1981, ont provoqué de l’inflation, un important déficit du commerce extérieur… et très peu de croissance.
Certes, une forte inflation peut réduire les taux d’intérêt réels (encore que dans les années 1980, des taux nominaux très élevés amoindrissaient nettement cet avantage attendu) et, par les espoirs d’une baisse relative des charges d’amortissement, encourager les investissements immobiliers et le crédit. Mais les choses ne sont pas aussi nettes. À partir de 1986, des ménages qui s’étaient endettés à des taux élevés se virent confrontés, avec la chute du taux d’inflation, à des charges d’intérêt et d’amortissement écrasantes. Inversement, les très faibles taux d’intérêt actuellement demandés pour les crédits immobiliers, résultant de la faible inflation, sont une incitation à emprunter à taux fixe, avec l’espoir qu’une remontée du taux d’inflation, même modérée, amoindrira encore les charges d’endettement.
En août 2014, la hausse des prix sur un an est en France de 0,53 %, contre 1 % en août 2013, 2,4 % en août 2012 et 2,4 % en août 2011. Faut-il s’inquiéter de cette chute spectaculaire du taux d’inflation ? Une première réponse peut être trouvée en examinant les variations détaillées des prix des différents produits de consommation. Sur 22 principales rubriques de l’indice, 15 ont vu leurs prix augmenter sur un an, plusieurs très sensiblement : l’entretien du logement pour 3,9 %, les réparations automobiles 2,4 %, les transports 2,1 %, les assurances 2,3 %, les restaurants et cafés 2,9 %, les journaux 4,4 %, la poste 4,1 %. Certaines de ces hausses résultent de décisions administratives, mais la plupart sont constatées dans des services, voire sur des produits manufacturés (vêtements, 1,8 %, automobile, 1,1 %) dont les prix sont libres, ce qui ne va pas dans le sens des alarmes sur les risques de déflation.
Quels sont maintenant les postes de l’indice qui sont à l’origine de sa très faible augmentation globale ? Le prix du gaz (administré), qui a baissé de 2,4 %, celui des carburants (qui pèse lourd dans l’indice), moins 3,2 %, celui des fruits et légumes, moins 9,5 %, des café, thé, cacao, moins 2,8 %, celui des équipements téléphoniques, moins 14,1 %, celui de équipements numériques, moins 7 % (dont moins 13,3 % sur les appareils photo et moins 10,9 % sur les télévisions) et des appareils ménagers, moins 1,7 %. Autrement dit, la faible augmentation de l’inflation résulte, non de l’évolution des prix de l’ensemble des composantes de l’indice, ce qui pourrait révéler une tendance déflationniste, mais des variations négatives, certaines particulièrement spectaculaires, de quelques rubriques, qui ont presque annulé les incidences sur l’indice global des hausses, certaines fortes, qu’ont enregistrées la grande majorité des composantes de la consommation des ménages. Ces baisses résultent (on met à part la baisse du prix administré du gaz) de l’évolution du prix des matières premières importées, de la concurrence ou du progrès technologique, ce qui ne dénote pas des pressions déflationnistes. Ces baisses ont-elles engendré des comportements d’attentisme affaiblissant la consommation ? Nullement. Elles l’ont, au contraire, dans certains secteurs (téléphones électroniques, numérique), probablement dopé et ont peut-être évité une variation négative du PIB. La faible hausse des prix constatée actuellement n’handicape donc pas la croissance et ne peut être interprétée comme l’amorce d’un phénomène déflationniste. Qu’elle gêne les responsables des finances dans la mesure où certaines mesures d’économie, comme le gel des salaires de la fonction publique, ont une portée amoindrie, est une chose. Mais imputer à la faible inflation la responsabilité de l’absence de croissance, c'est-à-dire en fait, accuser un environnement extérieur sur lequel nous ne pourrions rien, alors qu’elle contribue à améliorer le pouvoir d’achat des gens modestes, et donc en définitive à soutenir l’activité, est une contre-vérité.