La blockchain, nouvel intermédiaire de confiance ?
Article paru sur Boursorama le 17 juin 2019
Dans son numéro du 31 octobre 2015, The Economist titrait sa « Une » consacrée à la blockchain : « The trust machine ». Qu'en est-il dans les faits ?
Alors même que nombre de pays, au premier rang desquels les pays européens, vouaient de façon traditionnelle une confiance élevée en les systèmes centralisés, la crise de 2008 a marqué le début d'une période de défiance généralisée envers de nombreuses institutions, parmi lesquelles les banques. Ces intermédiaires, considérés jusqu'alors comme des tiers de confiance indispensables, voyaient subitement leur rôle réduit à néant avec l'émergence de la blockchain reflétant le passage d'un modèle centralisé à un système décentralisé et partagé.
Un fonctionnement garantissant des données infalsifiables
La blockchain repose en effet sur une multitude de participants indépendants, les « mineurs ». Les décisions ne sont pas prises de façon unilatérale par une quelconque autorité, mais doivent reposer sur un consensus au sein des mineurs qui mettront alors à jour le code informatique intégrant la nouvelle règle de gouvernance adoptée. Toutes ces règles de gouvernance, au même titre que l'ensemble des transactions, sont accessibles à tous. Chacun peut donc s'assurer du bon fonctionnement du système, du respect des règles, de la véracité des informations, de la légitimité des transactions, etc. Si une faille est détectée, celle-ci est immédiatement mise au jour auprès de l'ensemble de la communauté. En outre, la sûreté des technologies et des techniques cryptographiques est un gage de confiance envers l'authenticité des données et leur immuabilité. Plus le nombre de participants est élevé, plus la blockchain gagne en robustesse et en sécurité ; plus grande est alors la confiance des utilisateurs envers le système.
Peut-on toujours avoir confiance en la blockchain ?
Ainsi, si d'un point de vue théorique, confiance et blockchain semblent aller de pair, est-ce toujours le cas en pratique ? Les décisions ne sont certes pas prises par une autorité centrale, mais qu'advient-il si plusieurs agents se coordonnent et s'allient afin de contrôler plus de la moitié de l'architecture du système ? La confiance émanant de l'indépendance d'une multitude d'individus devant converger vers un consensus, afin qu'une décision soit prise, est alors fortement mise à mal puisque les décisions et les règles peuvent être désormais prises et fixées par une majorité. Par ailleurs, si l'authenticité des transactions est garantie, comment s'assurer réellement de leur légitimité ? La traçabilité d'opérations faisant intervenir une multitude de mineurs permet-elle de s'affranchir pleinement des risques de blanchiment et de détournement d'argent ? Plusieurs événements récents, comme le piratage de plateformes de change de monnaies fiduciaires contre des crypto-monnaies, justifient que la question soit posée.
Même si la blockchain réunit toutes les caractéristiques techniques pour constituer une « technologie de confiance décentralisée », il ne faut pas oublier qu'elle fait intervenir des humains qui la mettent au point et la régissent. Rien ne garantit que l'usage que ceux-ci en font soit irréprochable, de même qu'il est impossible d'exclure la survenue d'une erreur - humaine - de programmation. La question de la confiance, si elle pouvait initialement être perçue - à tort - comme étant transférée de l'humain vers la technologie, reste ainsi entière.
Ces éléments illustrent la complexité de la notion de confiance attachée à la blockchain et seront débattus lors des Rencontres économiques d'Aix en Provence des 5, 6 et 7 juillet 2019.
Article original sur Boursorama