Le yuan : future grande devise internationale ?
Les performances chinoises incitent certains à estimer qu’elles pourraient s’étendre au domaine monétaire et que le yuan pourrait supplanter le dollar comme grande devise internationale. Mais la monnaie chinoise n’exerce pas encore les fonctions nécessaires pour devenir une telle devise.
Par Jean-Pierre Patat
Billet du 4 février 2014
On le sait, la Chine suscite bien des fantasmes, en particulier lorsqu’on oublie qu’il y a 1 400 millions de Chinois, ce qui relativise le fait que le PIB de ce pays soit en train de dépasser celui de pays onze fois (Japon), voire dix-sept fois (Allemagne) moins peuplés. Même la prévision d’un rattrapage du PIB des États-Unis dans les dix prochaines années doit être soupesée à l’aune de la comparaison des populations, les Chinois étant tout de même quatre fois plus nombreux que les américains.
Les performances chinoises incitent certains à estimer qu’elles pourraient s’étendre au domaine monétaire et que le yuan pourrait supplanter le dollar comme grande devise internationale. Le fait que le commerce extérieur chinois soit désormais le plus important au monde alimente ce pronostic, même si les deux phénomènes n’ont pas de rapport.
Rappelons qu’une grande devise internationale exerce/offre quelques fonctions essentielles : devise de règlement dans les transactions mondiales (donc n’impliquant pas forcément le pays émetteur de cette devise) ; devise dans laquelle sont libellé des émissions de valeurs mobilières internationales ; devise de facturation (en particulier des ventes/achats de matières premières) ; enfin, devise de réserve offrant aux banques centrales des possibilités de placements de leurs réserves de change.
S’agissant de la première fonction citée (devise de règlement), elle implique que la devise considérée s’échange sur les marchés de change mondiaux dans des conditions de liquidité et de sécurité telles que les acteurs de transactions impliquant d’autres monnaies, au marché étroit, se portent naturellement vers cette devise tierce comme intermédiaire de leurs opérations. Le dollar est actuellement, de loin, le mieux placé pour cela. Sa place dans les opérations de change mondiales dépasse d’ailleurs 50 % du montant des transactions totales, elle est presque trois fois plus élevée que celle de l’euro, quatre fois plus que celle du yen, huit fois plus que celle de la livre sterling.
La deuxième fonction (libellé d’émissions internationales) est davantage à la portée de plusieurs devises. C’est ainsi que dans les encours d’obligations internationales, ceux libellés en dollar sont aujourd’hui inférieurs à ceux libellés en euro (7 600 milliards contre 9 500). C’est sur ce terrain que le yuan s’est récemment introduit parmi les devises internationales avec des émissions quasiment toutes localisées à Hong Kong, et dont le montant est aujourd’hui de… 40 milliards de dollars.
Lorsqu’on aborde la troisième fonction (monnaie de facturation), il faut introduire des critères qui dépassent les aspects monétaires, financiers, économiques. Le dollar est, on le sait, la monnaie de facturation des contrats pétroliers. Les variations souvent très prononcées du taux de change du dollar, ses accès de faiblesse, auraient, en toute logique économique, dû inciter les pays producteurs à se tourner vers d’autres devises, voire vers un panier. Si cela n’a pas été le cas, c’est que cette fonction repose sur des considérations au moins aussi politiques que financières, car la puissance stratégique est un atout de taille pour une monnaie internationale, un atout dont l’euro est totalement dépourvu.
Enfin la dernière fonction (monnaie de réserve), implique que la monnaie considérée offre aux banques centrales des possibilités de placement combinant de manière optimale ce que les banquiers centraux attendent en retour : liquidité, sécurité, rentabilité. Dans ce domaine, des décennies de vice budgétaire ont fourni au marché de la dette publique américaine la dimension, la fongibilité, la liquidité à des degrés incomparables sur le plan mondial. La devise américaine représente ainsi 65 % des placements des banques centrales quand l’euro plafonne à 24-25 %. De longue date, il est de fait que la politique monétaire américaine a tacitement parmi ses objectifs celui de préserver l’attractivité du marché financier américain – c’était particulièrement vrai sous l’ère Greenspan.
En énonçant ces conditions pour accéder au statut de devise internationale, on voit bien que le yuan chinois est à des années-lumière d’un début de réalisation, sans même parler de son inconvertibilité (qui peut changer rapidement). On ne voit pas comment pourrait se cristalliser un processus qui ne s’installe pas en peu d’années. On peut évidemment évoquer (sans le souhaiter !) un choc mondial de l’ampleur d’une guerre qui pourrait redistribuer les cartes en faveur de la Chine. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les Américains sont les grands vainqueurs et le dollar supplante définitivement la livre comme devise internationale ; mais la devise britannique était déjà flageolante, et le dollar disposait déjà de solides atouts.
Les performances chinoises incitent certains à estimer qu’elles pourraient s’étendre au domaine monétaire et que le yuan pourrait supplanter le dollar comme grande devise internationale. Le fait que le commerce extérieur chinois soit désormais le plus important au monde alimente ce pronostic, même si les deux phénomènes n’ont pas de rapport.
Rappelons qu’une grande devise internationale exerce/offre quelques fonctions essentielles : devise de règlement dans les transactions mondiales (donc n’impliquant pas forcément le pays émetteur de cette devise) ; devise dans laquelle sont libellé des émissions de valeurs mobilières internationales ; devise de facturation (en particulier des ventes/achats de matières premières) ; enfin, devise de réserve offrant aux banques centrales des possibilités de placements de leurs réserves de change.
S’agissant de la première fonction citée (devise de règlement), elle implique que la devise considérée s’échange sur les marchés de change mondiaux dans des conditions de liquidité et de sécurité telles que les acteurs de transactions impliquant d’autres monnaies, au marché étroit, se portent naturellement vers cette devise tierce comme intermédiaire de leurs opérations. Le dollar est actuellement, de loin, le mieux placé pour cela. Sa place dans les opérations de change mondiales dépasse d’ailleurs 50 % du montant des transactions totales, elle est presque trois fois plus élevée que celle de l’euro, quatre fois plus que celle du yen, huit fois plus que celle de la livre sterling.
La deuxième fonction (libellé d’émissions internationales) est davantage à la portée de plusieurs devises. C’est ainsi que dans les encours d’obligations internationales, ceux libellés en dollar sont aujourd’hui inférieurs à ceux libellés en euro (7 600 milliards contre 9 500). C’est sur ce terrain que le yuan s’est récemment introduit parmi les devises internationales avec des émissions quasiment toutes localisées à Hong Kong, et dont le montant est aujourd’hui de… 40 milliards de dollars.
Lorsqu’on aborde la troisième fonction (monnaie de facturation), il faut introduire des critères qui dépassent les aspects monétaires, financiers, économiques. Le dollar est, on le sait, la monnaie de facturation des contrats pétroliers. Les variations souvent très prononcées du taux de change du dollar, ses accès de faiblesse, auraient, en toute logique économique, dû inciter les pays producteurs à se tourner vers d’autres devises, voire vers un panier. Si cela n’a pas été le cas, c’est que cette fonction repose sur des considérations au moins aussi politiques que financières, car la puissance stratégique est un atout de taille pour une monnaie internationale, un atout dont l’euro est totalement dépourvu.
Enfin la dernière fonction (monnaie de réserve), implique que la monnaie considérée offre aux banques centrales des possibilités de placement combinant de manière optimale ce que les banquiers centraux attendent en retour : liquidité, sécurité, rentabilité. Dans ce domaine, des décennies de vice budgétaire ont fourni au marché de la dette publique américaine la dimension, la fongibilité, la liquidité à des degrés incomparables sur le plan mondial. La devise américaine représente ainsi 65 % des placements des banques centrales quand l’euro plafonne à 24-25 %. De longue date, il est de fait que la politique monétaire américaine a tacitement parmi ses objectifs celui de préserver l’attractivité du marché financier américain – c’était particulièrement vrai sous l’ère Greenspan.
En énonçant ces conditions pour accéder au statut de devise internationale, on voit bien que le yuan chinois est à des années-lumière d’un début de réalisation, sans même parler de son inconvertibilité (qui peut changer rapidement). On ne voit pas comment pourrait se cristalliser un processus qui ne s’installe pas en peu d’années. On peut évidemment évoquer (sans le souhaiter !) un choc mondial de l’ampleur d’une guerre qui pourrait redistribuer les cartes en faveur de la Chine. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les Américains sont les grands vainqueurs et le dollar supplante définitivement la livre comme devise internationale ; mais la devise britannique était déjà flageolante, et le dollar disposait déjà de solides atouts.
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