Le remboursement discriminant de la TVA aux exportateurs : une politique industrielle efficace pour la Chine
Peu connu, le système de remboursement de la TVA sur les intrants aux exportateurs constitue un réel levier de la politique industrielle chinoise. Son impact discriminant pour les entreprises chinoises affecte fortement la composition et le dynamisme des exportations du pays.
Par Julien Gourdon, Stéphanie Monjon, Sandra Poncet
Faits & Chiffres du 26 février 2014
Depuis 1994, la Chine a mis en place un système de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le pays n’en a pas fait une taxe neutre pour les exportateurs, à la différence, par exemple, des pays de l’UE. Ainsi, si les exportations ne sont pas soumises à la taxe, les autorités ne remboursent pas systématiquement la totalité de la TVA que les exportateurs ont payée sur les intrants achetés dans le pays.
Ce système est accusé, par l’OMC notamment, de discriminer certaines entreprises chinoises dans le commerce mondial. Les abattements de la TVA varient selon le produit exporté et vont de 0% –auquel cas, l’exportateur ne bénéficie d’aucun remboursement– à 17% –auquel cas, la totalité de la TVA payée sur les intrants achetés en Chine est remboursée. Sur la période 2002-2012, seulement 30 % des produits ont bénéficié au moins une fois d’un abattement intégral de la TVA ; le remboursement est donc majoritairement partiel. Le niveau moyen de remboursement (ratio entre l’abattement et le taux de TVA) a évolué sur la période de 84 % en 2002 à 53 % en 2008, puis 63 % en 2009-12. Ces changements de remboursement impactent uniquement les exportations dites éligibles, c'est-à-dire les exportations issues d’une production où les intrants sont achetés en Chine ou importés et sur lesquels il y a donc eu paiement d’une TVA. En revanche, les exportations issues d’une transformation où les intrants ont été fournis (et n’appartiennent pas à l’entreprise qui effectue l’opération d’assemblage) ne seront pas sensibles à ces variations de remboursement.
De plus, ces taux varient régulièrement en fonction des objectifs du gouvernement. Ils constituent un levier pour la politique industrielle du pays en permettant d’influencer le dynamisme et la composition des exportations chinoises. Ainsi, en 2006, les autorités ont décidé de diminuer ce remboursement pour les produits intensifs en énergie, en ressources naturelles ou très polluants. Les taux de remboursement ont également été diminués pour les produits à faible valeur ajoutée ou à faible contenu technologique afin de promouvoir les exportations à haute valeur ajoutée. A partir de 2008, la crise économique mondiale a incité les autorités à augmenter le taux de remboursement de TVA pour plusieurs milliers de produits, notamment dans le textile, afin que les exportateurs puissent maintenir des prix bas. Depuis 2010, les autorités ont réaffirmé la même volonté qu’en 2006 en supprimant le remboursement de la TVA pour 406 produits.
Un récent document de travail du CEPII met en évidence l’efficacité d’une telle politique industrielle, en montrant l’impact sur les exportations de la variation des abattements de TVA entre 2002 et 2012. Cette période a été caractérisée par de nombreux changements de ces taux : 87% des produits (au niveau HS6, soit 3 551 sur un total de 4 075 produits) ont connu au moins un ajustement durant la décennie. Afin d’en mesurer l’impact sur les exportations, les auteurs comparent l’évolution des quantités vendues à l’étranger suite à un changement du niveau d’abattement pour un même produit, selon que le flux exporté est éligible ou non au remboursement de la TVA.
Les résultats montrent qu’une augmentation d’un point de pourcentage de l’abattement (par exemple, le passage d’une TVA de 11 % à 12 %) est associé à une hausse de 7 % des quantités exportées ; de même une baisse d’un point de pourcentage du taux diminue les exportations de 7 %. Il en ressort que, si la Chine décidait de rembourser entièrement la TVA sur l’ensemble des produits, comme le font la majorité des pays appliquant cette taxe, ses exportations pourraient enregistrer une très forte augmentation ; en 2012, le taux moyen d’abattement était de 11,4 %.
Cependant, le remboursement intégral de la TVA aurait un coût fiscal important pour l’administration. Les statistiques de la State Administration of Taxation montrent que les abattements de 2009 avait coûté 649 milliards de yuans (95 milliards de dollars) au gouvernement central, ce qui représente 6 % des exportations de biens et 10 % des dépenses du gouvernement. Ce montant était de 921 milliards de yuans en 2011, soit 135 milliards de dollars (Evenett et al., 2012).
Référence :
Gourdon, J., S. Monjon & S. Poncet (2014) Incomplete VAT rebates to exporters : how do they affect China's export performance?, CEPII Working paper, n°2014-05, février.
Ce système est accusé, par l’OMC notamment, de discriminer certaines entreprises chinoises dans le commerce mondial. Les abattements de la TVA varient selon le produit exporté et vont de 0% –auquel cas, l’exportateur ne bénéficie d’aucun remboursement– à 17% –auquel cas, la totalité de la TVA payée sur les intrants achetés en Chine est remboursée. Sur la période 2002-2012, seulement 30 % des produits ont bénéficié au moins une fois d’un abattement intégral de la TVA ; le remboursement est donc majoritairement partiel. Le niveau moyen de remboursement (ratio entre l’abattement et le taux de TVA) a évolué sur la période de 84 % en 2002 à 53 % en 2008, puis 63 % en 2009-12. Ces changements de remboursement impactent uniquement les exportations dites éligibles, c'est-à-dire les exportations issues d’une production où les intrants sont achetés en Chine ou importés et sur lesquels il y a donc eu paiement d’une TVA. En revanche, les exportations issues d’une transformation où les intrants ont été fournis (et n’appartiennent pas à l’entreprise qui effectue l’opération d’assemblage) ne seront pas sensibles à ces variations de remboursement.
De plus, ces taux varient régulièrement en fonction des objectifs du gouvernement. Ils constituent un levier pour la politique industrielle du pays en permettant d’influencer le dynamisme et la composition des exportations chinoises. Ainsi, en 2006, les autorités ont décidé de diminuer ce remboursement pour les produits intensifs en énergie, en ressources naturelles ou très polluants. Les taux de remboursement ont également été diminués pour les produits à faible valeur ajoutée ou à faible contenu technologique afin de promouvoir les exportations à haute valeur ajoutée. A partir de 2008, la crise économique mondiale a incité les autorités à augmenter le taux de remboursement de TVA pour plusieurs milliers de produits, notamment dans le textile, afin que les exportateurs puissent maintenir des prix bas. Depuis 2010, les autorités ont réaffirmé la même volonté qu’en 2006 en supprimant le remboursement de la TVA pour 406 produits.
Un récent document de travail du CEPII met en évidence l’efficacité d’une telle politique industrielle, en montrant l’impact sur les exportations de la variation des abattements de TVA entre 2002 et 2012. Cette période a été caractérisée par de nombreux changements de ces taux : 87% des produits (au niveau HS6, soit 3 551 sur un total de 4 075 produits) ont connu au moins un ajustement durant la décennie. Afin d’en mesurer l’impact sur les exportations, les auteurs comparent l’évolution des quantités vendues à l’étranger suite à un changement du niveau d’abattement pour un même produit, selon que le flux exporté est éligible ou non au remboursement de la TVA.
Les résultats montrent qu’une augmentation d’un point de pourcentage de l’abattement (par exemple, le passage d’une TVA de 11 % à 12 %) est associé à une hausse de 7 % des quantités exportées ; de même une baisse d’un point de pourcentage du taux diminue les exportations de 7 %. Il en ressort que, si la Chine décidait de rembourser entièrement la TVA sur l’ensemble des produits, comme le font la majorité des pays appliquant cette taxe, ses exportations pourraient enregistrer une très forte augmentation ; en 2012, le taux moyen d’abattement était de 11,4 %.
Cependant, le remboursement intégral de la TVA aurait un coût fiscal important pour l’administration. Les statistiques de la State Administration of Taxation montrent que les abattements de 2009 avait coûté 649 milliards de yuans (95 milliards de dollars) au gouvernement central, ce qui représente 6 % des exportations de biens et 10 % des dépenses du gouvernement. Ce montant était de 921 milliards de yuans en 2011, soit 135 milliards de dollars (Evenett et al., 2012).
Référence :
Gourdon, J., S. Monjon & S. Poncet (2014) Incomplete VAT rebates to exporters : how do they affect China's export performance?, CEPII Working paper, n°2014-05, février.
Retrouvez plus d'information sur le blog du CEPII. © CEPII, Reproduction strictement interdite. Le blog du CEPII, ISSN: 2270-2571 |
|||
|