Le blog du CEPII

Les chaînes d’approvisionnement internationales ont bien résisté à la crise

La chute des exportations de l’Union européenne a épargné les produits les plus dépendants des composants étrangers. À l’inverse de 2009.

Chronique parue dans Challenges le 21 janvier 2021.
Par Cecilia Bellora, Sébastien Jean
 Billet du 3 mars 2021 - Dans les médias


Les entreprises les plus intégrées à la mondialisation sont-elles plus vulnérables aux crises internationales ? Intuitivement, on peut penser que lorsque la production d’un bien est éclatée entre différents pays, il suffit qu’un maillon de la chaîne soit paralysé pour que l’ensemble des entreprises y participant soient pénalisées. Mais la question est plus complexe qu’il n’y paraît et fait débat parmi les économistes. Presque un an après le début de la pandémie de Covid-19, un examen attentif des données du commerce des pays européens avec les autres pays du monde apporte un nouvel éclairage.

Au plus fort de la crise sanitaire, les exportations hors de l’Union européenne se sont effectivement effondrées – avec une chute de 20 % en avril et mai 2020 –, alors que l’activité générale chutait de 12 %.
 

En mai 2020, ­ les ­exportations de biens mondialisés avaient chuté de 3 %, contre ­29 % pour les biens plus locaux.


Pour autant, une analyse détaillée des produits impactés est éclairante : ceux qui ont le moins souffert de la crise sanitaire sont ceux fabriqués avec le plus de composants étrangers, ou qui sont à leur tour intégrés dans les productions étrangères. Soit les produits les plus dépendants des « chaînes de valeur mondiales », dans le jargon des économistes. En mai 2020, les exportations hors de l’Union européenne de ce type de biens n’ont ainsi diminué que de 3 % par rapport à l’année précédente, tandis que les biens les moins dépendants chutaient de 29 %. Un écart d’autant plus remarquable que la crise de 2009 avait eu l’effet inverse, en affectant davantage les produits les plus intégrés à la mondialisation.

Comment expliquer un tel phénomène ? D’abord, contrairement aux crises internationales classiques, la pandémie de Covid-19 est moins sévère pour le commerce international de biens. Si elle est brutale, la chute des échanges extérieurs de l’Union européenne rapportée à celle du PIB est deux fois moins forte qu’en 2009, et le rebond a été plus rapide. Ensuite, la crise financière de 2009 avait davantage fragilisé les mécanismes de crédits entre partenaires commerciaux, davantage utilisés par les entreprises les plus intégrées à la mondialisation. Enfin, il ne faut pas sous-estimer la capacité des entreprises à avoir tiré les leçons de 2009, ni l’intérêt d’une diversification de leurs fournisseurs pour résister aux perturbations mondiales.

En clair, les approvisionnements internationaux ne sont pas nécessairement synonymes de vulnérabilité pour les entreprises, en tout cas ils ne l’ont pas été dans le cas présent.

Cette chronique a été publiée initialement sous le titre "Une mondialisation peu touchée par la crise du Covid" dans le magazine Challenges n° 682 du 21 janvier 2021. Elle est basée sur le travail présenté dans La Lettre du CEPII n° 412, intitulée "Le commerce européen dans la crise sanitaire : des problèmes de dépendance plus que de vulnérabilité"

Commerce & Mondialisation 
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