L’expérience historique montre que ce sont essentiellement les guerres qui ont mis au défi la résilience financière des Etats
Billet du 23 mai 2023 - Dans les médias
L’expérience historique montre en effet que ce sont essentiellement les guerres qui ont mis au défi la résilience financière des États, parfois jusqu’à la faillite, mais pas toujours. En principe, les dépenses ordinaires de l’État assurent son fonctionnement au quotidien ; elles sont réglées par des ressources ordinaires, c’est-à-dire par les revenus des divers impôts et des domaines de l’État. L’emprunt à long terme est en revanche destiné à financer l’inattendu, l’exceptionnel.
Pour qu’il soit souscrit à un prix raisonnable, il faut obtenir la confiance des investisseurs. Le premier pas vers cet objectif est l’instauration d’un contrôle parlementaire sur les dépenses publiques. Le second est l’assurance d’une fiscalité efficace car supportée par tous (plus ou moins), perçue à faibles coûts et à hauts rendements grâce au dynamisme économique du pays. Le troisième facteur est… la victoire, sinon c’est le risque de banqueroute (telle l’Allemagne après les deux guerres mondiales). Le quatrième est la création d’une banque centrale chargée de contrôler l’émission de monnaie, de garantir sa valeur et de veiller à la solidité du système financier dans son ensemble, en tant que prêteur en dernier ressort.
Quasi-monopole commercial
Les Provinces-Unies (les Pays-Bas actuels) et l’Angleterre ont connu des hausses vertigineuses de leurs dettes publiques, sans jamais faire défaut. Parties d’un niveau inférieur à quelques pourcents de PIB dans les Provinces-Unies en 1600 et en Angleterre en 1695, elles atteignent plus d’un siècle plus tard 150 % dans le premier cas (vers 1700), et 194 % dans le second à l’issue des guerres contre la France (après 1815). La soutenabilité de leurs dettes tient grâce au système de contrôle politique et bancaire décrit plus haut, à leur domination du commerce maritime mondial et, sur cette base, à la création d’une marine de guerre leur assurant un quasi-monopole commercial. Grâce à leurs victoires, elles deviennent des centres financiers internationaux (Amsterdam, Londres) et leur monnaie se mondialise. Les richesses accumulées leur permettent d’assurer le service de leur dette qui devient un actif financier majeur, recherché dans toute l’Europe, et dont la fiabilité leur assure des taux d’intérêt réduits.
La lutte pour la domination mondiale reprend avec l’Allemagne en 1914. Tous les belligérants sont convaincus que les premières semaines de la guerre allaient être décisives – et elles ont failli l’être au profit de l’Allemagne. Aucun d’entre eux n’était prêt pour une guerre longue. Les trois grands pays ont cependant réussi à emprunter des montants astronomiques dépassant 200 % du PIB. La première raison tient aux ressources financières disponibles au début de la guerre, puis au contrôle des institutions financières sur les emprunts de défense nationale, et enfin à l’adhésion des peuples, qui élimine le risque de panique financière.
Crise de 1929
En revanche, l’après-guerre, pourtant moment traditionnel du déclin des dettes, sera un échec complet : les vaincus feront défaut, la Russie bolchevique annule la sienne, vainqueurs et vaincus connaissent une très forte inflation qui ruine leurs créanciers nationaux. L’Allemagne, par exemple, cumule deux dettes ingérables par leur ampleur. L’une, nationale, est annulée de fait en 1923 par l’hyperinflation organisée par la Reichsbank. L’autre, internationale (les réparations de guerre), reste évaluée en valeur or, ce qui va peser sur l’économie ; les nazis la répudieront en 1933.
La ruine des créanciers allemands les empêchera de participer à la reprise économique des années 1920, qui sera financée par des capitaux étrangers, notamment américains. L’économie allemande sera ainsi à la merci de la crise de 1929, qui verra ces capitaux se retirer du pays, provoquant une nouvelle crise dramatique.
En revanche, l’après-guerre est marqué par une inflation galopante qui annule pour une part le poids des dettes. Surtout, les États-Unis, au lieu d’exiger réparations et remboursement des dettes, mettent en place le plan Marshall pour accélérer la reconstruction des pays occidentaux dévastés ; les banques centrales maintiennent des taux d’intérêt réels négatifs (très inférieurs à l’inflation) ; les taux de change sont sous-évalués par rapport au dollar ; les accords sur les tarifs douaniers favorisent la reprise progressive des échanges internationaux. L’Europe et le Japon connaissent ainsi des taux de croissance exceptionnels, qui permettent in fine de réduire les dettes à moins de 30 % du PIB en 1970.
La réduction du taux d’endettement ne peut résulter de la seule réduction de la liquidité monétaire et des budgets publics, au risque de provoquer crise financière et récession.
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