Le point sur la crise des dettes publiques
Retranscription écrite de l'émission du 22 décembre "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38.
Par Agnès Bénassy-Quéré
C’est la trêve de Noël. Les spéculateurs eux aussi ont des familles, un sapin, des cadeaux. Alors c’est le moment de prendre un peu de recul par rapport à cette crise des dettes publiques qui nous ronge depuis deux ans.
On a en effet l’impression que le même scenario se répète sans cesse :
1) la spéculation se renforce sur un Etat membre, faisant monter en flèche le taux des emprunts d’Etat, ce qui rend, par un effet boule de neige, la situation budgétaire insoutenable ;
2) les dirigeants européens se réunissent en urgence, mettent sur la table quelques centaines de milliards d’euros et renforcent la discipline budgétaire ;
3) les marchés sont d’abord impressionnés, puis le doute s’installe sur le détail et la mise en œuvre des décisions ;
4) la spéculation reprend et la banque centrale européenne intervient pour calmer les marchés jusqu’au sommet suivant, etc.
A ce jeu, n’est-on pas en train de dilapider l’argent des contribuables sans avancée véritable dans le traitement de la crise ? Brice, faisons-nous du sur-place ? Eh bien non. Depuis deux ans, en dépit des apparences, les choses ont beaucoup changé en Europe. Rappelez-vous l’ambiance au début de la crise et le « nein » des allemands tous azimuts : pas d’union de transferts, pas de défaut souverain, pas de monétisation des dettes, pas d’euro-obligations.
Or que voit-on aujourd’hui ? Les partenaires européens tiennent la Grèce à bout de bras : il y a donc bien une union de transferts. La Grèce, toujours elle, s’apprête à faire défaut sur une partie de ses dettes vis-à-vis du secteur privé : il y aura donc bien un défaut souverain. La Banque centrale européenne a acheté pour plus de 200 milliards d’euros d’obligations publiques : il y a donc bien monétisation. Il n’y a toujours pas d’euro-obligations, certes, mais on peut désormais en parler calmement avec les Allemands. Bref, la situation a évolué, et cela sans modification du traité européen. Alors, que nous manque-t-il pour sortir de cette crise ? Essentiellement deux choses, me semble-t-il, qui impliquent chacun des deux grands partenaires européens.
D’abord, il faut que les Allemands prennent conscience du fait que la discipline budgétaire seule ne suffira pas pour nous tirer d’affaire : s’il n’y a pas de croissance, si les Etats membres continuent de supporter individuellement les risques bancaires, alors les finances publiques ne seront pas à l’abri malgré les plans de rigueur successifs. Il faut mettre autant d’énergie à redresser les perspectives de croissance qu’à s’occuper des dépenses publiques. Rappelons que pour les économistes, la véritable règle d’or vise à optimiser le taux de croissance et non à comprimer les déficits publics.
Ensuite, il faut que les Français comprennent qu’il n’y aura pas d’euro-obligations, pas de mutualisation des dettes sans intégration politique. C’est logique, mais orthogonal à la préférence typiquement française pour l’inter-gouvernemental.
Il y a donc bien une voie de sortie. Mais est-elle compatible avec les dynamiques politiques de part et d’autre du Rhin ? Réponse en 2012, et bonne année à tous.
On a en effet l’impression que le même scenario se répète sans cesse :
1) la spéculation se renforce sur un Etat membre, faisant monter en flèche le taux des emprunts d’Etat, ce qui rend, par un effet boule de neige, la situation budgétaire insoutenable ;
2) les dirigeants européens se réunissent en urgence, mettent sur la table quelques centaines de milliards d’euros et renforcent la discipline budgétaire ;
3) les marchés sont d’abord impressionnés, puis le doute s’installe sur le détail et la mise en œuvre des décisions ;
4) la spéculation reprend et la banque centrale européenne intervient pour calmer les marchés jusqu’au sommet suivant, etc.
A ce jeu, n’est-on pas en train de dilapider l’argent des contribuables sans avancée véritable dans le traitement de la crise ? Brice, faisons-nous du sur-place ? Eh bien non. Depuis deux ans, en dépit des apparences, les choses ont beaucoup changé en Europe. Rappelez-vous l’ambiance au début de la crise et le « nein » des allemands tous azimuts : pas d’union de transferts, pas de défaut souverain, pas de monétisation des dettes, pas d’euro-obligations.
Or que voit-on aujourd’hui ? Les partenaires européens tiennent la Grèce à bout de bras : il y a donc bien une union de transferts. La Grèce, toujours elle, s’apprête à faire défaut sur une partie de ses dettes vis-à-vis du secteur privé : il y aura donc bien un défaut souverain. La Banque centrale européenne a acheté pour plus de 200 milliards d’euros d’obligations publiques : il y a donc bien monétisation. Il n’y a toujours pas d’euro-obligations, certes, mais on peut désormais en parler calmement avec les Allemands. Bref, la situation a évolué, et cela sans modification du traité européen. Alors, que nous manque-t-il pour sortir de cette crise ? Essentiellement deux choses, me semble-t-il, qui impliquent chacun des deux grands partenaires européens.
D’abord, il faut que les Allemands prennent conscience du fait que la discipline budgétaire seule ne suffira pas pour nous tirer d’affaire : s’il n’y a pas de croissance, si les Etats membres continuent de supporter individuellement les risques bancaires, alors les finances publiques ne seront pas à l’abri malgré les plans de rigueur successifs. Il faut mettre autant d’énergie à redresser les perspectives de croissance qu’à s’occuper des dépenses publiques. Rappelons que pour les économistes, la véritable règle d’or vise à optimiser le taux de croissance et non à comprimer les déficits publics.
Ensuite, il faut que les Français comprennent qu’il n’y aura pas d’euro-obligations, pas de mutualisation des dettes sans intégration politique. C’est logique, mais orthogonal à la préférence typiquement française pour l’inter-gouvernemental.
Il y a donc bien une voie de sortie. Mais est-elle compatible avec les dynamiques politiques de part et d’autre du Rhin ? Réponse en 2012, et bonne année à tous.