L’évolution de l’économie chinoise change la donne sur le marché mondial
La fonction d’ « usine du monde » perd son rôle moteur dans l’économie chinoise. Moins attractive en tant que base d’exportation, la Chine l’est de plus en plus par son marché intérieur.
Par Françoise Lemoine
La Chine, premier exportateur mondial depuis 2009, est devenue en 2013 la première puissance commerciale, avec un poids total dans les échanges internationaux (exportations + importations) qui dépasse celui des États-Unis (11 % contre 10,3 %). La Chine continue à élargir sa part de marché et la progression de ses importations la met en passe de rattraper les États-Unis comme première source de demande internationale (graphique 1).
L’offre et la demande chinoises progressent sur un marché mondial atone, mais elles se transforment. La fonction d’ « usine du monde » perd son rôle moteur dans l’économie du pays, si l’on en juge par la contraction des opérations internationales d’assemblage [1] : mesuré en pourcentage du PIB chinois le commerce de processing a en effet été divisé par 2 entre 2007 et 2013 (graphique 2). Desservant principalement la demande des économies avancées, il subit de plein fouet le choc de la crise que celles-ci traversent depuis 2008. Les entreprises à capital étranger assurent les 4/5èmes du commerce de processing et la place prépondérante qu’elles avaient acquise ainsi dans le commerce extérieur de la Chine est en net recul (leur poids dans les exportations totales chinoises passe de 57 % à 47 % et dans les importations de 60 % à 45 % entre 2007 et 2013).
L’autre segment du commerce extérieur, le commerce « ordinaire », après avoir subi un coup d’arrêt en 2009 a mieux résisté à la dégradation du contexte international (graphique 3). Cela tient sans doute à ce que les exportations ordinaires (qui sont principalement fabriquées avec des inputs locaux) sont davantage orientées vers les économies émergentes et en développement. Quant aux importations ordinaires (principalement destinées à la demande intérieure), elles ont progressé au rythme de la croissance économique rapide du pays.
Ces changements s’expliquent bien sûr par la conjoncture économique mondiale mais ils correspondent aussi aux transformations structurelles internes de l’économie chinoise. L’augmentation des coûts de production en Chine (lié au renchérissement de la main-d’œuvre que favorise le tournant démographique) et l’appréciation continue du yuan rendent inévitable la hausse de ses prix à l‘exportation. On sait que dans le passé les succès chinois à l’exportation ont été fondés sur une forte compétitivité-prix et une spécialisation dans le « bas de gamme ». Jusqu’en 2007, les prix chinois à l’exportation de produits manufacturés ont augmenté à peine plus vite que les prix mondiaux, mais ceci est en train de changer. Entre la fin 2007 et la fin 2012, l’augmentation des prix chinois a été de 18 %, celle des prix mondiaux de seulement 8% (graphique 4). L’enjeu pour la Chine est désormais de poursuivre sa montée en gamme.
La transformation de l’économie chinoise change la donne sur le marché mondial. Elle laisse plus de marge aux pays à très bas salaires pour développer leurs exportations intensives en main-d’œuvre. Pour les pays développés, la Chine perd son attractivité en tant que base d’exportation, mais elle est un marché intérieur dont l’importance ne cesse de croître. L’urbanisation, la diffusion de la croissance vers les régions intérieures, l’essor de la consommation des ménages, l’ouverture du capital des grandes entreprises d’État créent de vastes opportunités d’investissement. La politique des autorités chinoises en matière d’accès au marché (levée des limites aux investissements étrangers, ouverture des marchés publics) devient ainsi un enjeu global.
L’offre et la demande chinoises progressent sur un marché mondial atone, mais elles se transforment. La fonction d’ « usine du monde » perd son rôle moteur dans l’économie du pays, si l’on en juge par la contraction des opérations internationales d’assemblage [1] : mesuré en pourcentage du PIB chinois le commerce de processing a en effet été divisé par 2 entre 2007 et 2013 (graphique 2). Desservant principalement la demande des économies avancées, il subit de plein fouet le choc de la crise que celles-ci traversent depuis 2008. Les entreprises à capital étranger assurent les 4/5èmes du commerce de processing et la place prépondérante qu’elles avaient acquise ainsi dans le commerce extérieur de la Chine est en net recul (leur poids dans les exportations totales chinoises passe de 57 % à 47 % et dans les importations de 60 % à 45 % entre 2007 et 2013).
L’autre segment du commerce extérieur, le commerce « ordinaire », après avoir subi un coup d’arrêt en 2009 a mieux résisté à la dégradation du contexte international (graphique 3). Cela tient sans doute à ce que les exportations ordinaires (qui sont principalement fabriquées avec des inputs locaux) sont davantage orientées vers les économies émergentes et en développement. Quant aux importations ordinaires (principalement destinées à la demande intérieure), elles ont progressé au rythme de la croissance économique rapide du pays.
Ces changements s’expliquent bien sûr par la conjoncture économique mondiale mais ils correspondent aussi aux transformations structurelles internes de l’économie chinoise. L’augmentation des coûts de production en Chine (lié au renchérissement de la main-d’œuvre que favorise le tournant démographique) et l’appréciation continue du yuan rendent inévitable la hausse de ses prix à l‘exportation. On sait que dans le passé les succès chinois à l’exportation ont été fondés sur une forte compétitivité-prix et une spécialisation dans le « bas de gamme ». Jusqu’en 2007, les prix chinois à l’exportation de produits manufacturés ont augmenté à peine plus vite que les prix mondiaux, mais ceci est en train de changer. Entre la fin 2007 et la fin 2012, l’augmentation des prix chinois a été de 18 %, celle des prix mondiaux de seulement 8% (graphique 4). L’enjeu pour la Chine est désormais de poursuivre sa montée en gamme.
La transformation de l’économie chinoise change la donne sur le marché mondial. Elle laisse plus de marge aux pays à très bas salaires pour développer leurs exportations intensives en main-d’œuvre. Pour les pays développés, la Chine perd son attractivité en tant que base d’exportation, mais elle est un marché intérieur dont l’importance ne cesse de croître. L’urbanisation, la diffusion de la croissance vers les régions intérieures, l’essor de la consommation des ménages, l’ouverture du capital des grandes entreprises d’État créent de vastes opportunités d’investissement. La politique des autorités chinoises en matière d’accès au marché (levée des limites aux investissements étrangers, ouverture des marchés publics) devient ainsi un enjeu global.
Graphique 1 – États-Unis et Chine dans le commerce mondial exportations et importations en % du commerce mondial, 1992-2013 |
Source : OMC.
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Graphique 2 – Chine Commerce de processing en % du PIB, 1992-2013 |
Graphique 3 – Chine Commerce ordinaire en % du PIB, 1992-2013 |
Source : Statistiques douanières chinoises.
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Graphique 4 – Indice des prix à l'exportation de produits manufacturés janvier 2005 à octobre 2012, moyennes mobiles sur 3 mois, janvier 2005 = 100 Source : OMC. |
Références :
Françoise Lemoine, Sandra Poncet, Deniz Ünal « Nouvelles dynamiques spatiales et convergence industrielle en Chine », La Lettre du CEPII, N°339, décembre 2013.
Françoise Lemoine, Deniz Ünal « Rééquilibrage du commerce extérieur chinois », La Lettre du CEPII, N°320, mai 2012.
Françoise Lemoine, Grégoire Mayo, Sandra Poncet, Deniz Ünal, “The Geographic Pattern of China's Growth and Convergence within Industry”, CEPII Working Paper, N°2014-04, février 2014.
Françoise Lemoine, Deniz Ünal ”Scanning the Ups and Downs of China’s Trade Imbalances”, CEPII Working Paper, N°2012-14, juin 2012.
Guillaume Gaulier, Françoise Lemoine, Deniz Ünal, « China's Foreign Trade in the Perspective of a More Balanced Economic Growth”, CEPII Working Paper, N°2011-03, mars 2011.
[1] Elles correspondent à un régime douanier spécifique, c’est-à-dire à des importations, en franchise douanière, de pièces et composants qui seront réexportés après transformation.