Quels effets un réalignement du taux de change français produirait-il sur les dettes ?
Après avoir examiné l’effet sur la compétitivité qu’aurait un réalignement du taux de change réel français, nous examinons son effet sur les dettes des banques françaises: il serait négatif car celles-ci ont une position nette débitrice en contrat international. Un réalignement vis-à-vis de l’Allemagne dans notre scénario coûterait 21,5 milliards d’euros.
Par Anne-Laure Delatte, Jérôme Héricourt, Justine Pedrono
Dans un précédent billet intitulé « Sortie de l’euro et compétitivité française », nous avions souligné que le retour au franc ne signifierait pas nécessairement une amélioration de la performance à l’exportation de la France. L’incertitude radicale associée à un tel scénario ne permet pas de faire de prévisions, mais l’évaluation du niveau d’équilibre des taux de change fournit des points de repères. D’après nos estimations, un réalignement des parités signifierait certes pour l’éventuelle nouvelle monnaie française une dépréciation par rapport à quatre de ses partenaires de la zone euro (l’Allemagne, l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas), mais une appréciation vis-à-vis de tous les autres. Nous nous intéressons à présent au versant financier des conséquences d’un réalignement des parités au sein de la zone euro.
On entend et on lit dans la presse et ailleurs qu’une sortie de l’euro ne créerait aucune difficulté pour toute la partie de la dette française soumise à la lex monetae. En vertu de ce principe juridique, les contrats vis-à-vis de l’étranger en droit français peuvent en effet être convertis en francs, tandis que les contrats en droit étranger demeurent libellés en monnaie étrangère.
En pratique, c’est surtout la dette publique française qui se trouve concernée par cette règle de droit, car elle a été émise dans sa quasi-totalité (entre 97 et 99% selon les sources) en droit français. Donc, même si notre dette publique est à 60% détenue par des étrangers, elle pourrait être pratiquement dans son intégralité convertie en francs. La lex monetae ne prévoit évidemment pas en revanche le taux de change auquel ces dettes seraient reconverties, ce qui n’irait pas sans soulever d’épineux problèmes juridiques.
Du côté des dettes privées, dont le total dépasse celui de la dette publique (plus de 200% du PIB) - ce qu’on oublie souvent - une grande partie a, en revanche, été émise en droit étranger et n’est donc pas soumise à la lex monetae. Il faudrait continuer à la rembourser dans la monnaie du pays créancier. D’aucuns affirment que cela ne poserait, là encore, pas de problème car la France est créancière nette: les entreprises, les ménages et les banques ont prêté davantage à l’étranger qu’ils n’ont emprunté (Le Monde, le 24/02/2017).
Ce raisonnement se heurte selon nous à deux limites, différentes mais tout aussi importantes. La première renvoie à la définition précise de la position financière nette de la France vis-à-vis de l’étranger. La seconde, déjà évoquée pour ses conséquences ambigües sur le commerce extérieur, concerne l’hypothèse - selon nous intenable - d’une dévaluation unilatérale de la France (d’après nos estimations basées sur l’hypothèse d’un réalignement des taux de change avec leur valeur d’équilibre estimée, la France ne dévaluerait pas vis-à-vis de tous ses partenaires de la zone euro, mais seulement vis-à-vis de 4 d’entre eux).
Il faut donc commencer par examiner la position financière extérieure nette de la France vis-à-vis de chacun de ses pays partenaires pour capter les effets de valeur dus aux ajustements de change bilatéral. Par exemple, une dépréciation vis-à-vis de l’Allemagne signifierait une hausse de la valeur de notre endettement vis-à-vis d’elle, mais une appréciation vis-à-vis de l’Italie entraînerait, au contraire, une baisse de notre endettement (toutes choses égales par ailleurs). Une approche basée sur la position nette globale ne permet pas de capter ces différents effets. Il faut ensuite distinguer, au sein de ces expositions bilatérales à l’actif et au passif des bilans par secteur institutionnel, la proportion de contrats sous le régime de droit français de celle sous le régime de droit international. Cette dernière étant celle exposée au risque de change.
Ces données ne sont disponibles que pour les banques et malheureusement pas pour toutes les entreprises.[1] C’est un premier enseignement en soi : faute de données, on ne peut pas prévoir ce qu’un réalignement des parités impliquerait pour les entreprises françaises. Pour chaque entreprise, seul l’examen de son bilan permettrait d’estimer les gains ou les pertes.
Les données sont toutefois disponibles pour les banques et nous les avons examinées, en nous concentrant sur les données du secteur bancaire français (source: BRI).[2]
Deux questions mobilisent notre attention :
- Quand on examine seulement les contrats en droit international (ceux exposés au risque de change), la France est-elle vraiment créancière nette vis-à-vis de l’étranger ?
La réponse est non. La position nette extérieure des banques françaises sous régime de droit international est largement débitrice, et ce depuis longtemps. Au troisième trimestre 2016, cette position débitrice s’élevait à 1500 milliards de dollars, ce qui représente 20% du bilan des banques.
- Quel serait l’effet des réalignements de parité sur les dettes françaises vis-à-vis de l’étranger?
D’après nos évaluations, l’effet serait très négatif car les banques ont contracté des dettes sous régime de droit international en majorité avec des pays vis-à-vis desquels la nouvelle monnaie française dévaluerait. Par exemple, la dette vis-à-vis de l’Allemagne des banques résidant en France représente plus de 2900 euros par Français. Elle serait renchérie de 21,5 milliards d’euros dans notre scénario de réalignement, soit 335 euros par Français. Le même raisonnement s’applique vis-à-vis de nos autres créanciers en Suisse, aux Etats-Unis, au Japon et au Luxembourg.
Dans ce qui suit, nous détaillons un peu nos résultats.
Un premier examen de la répartition de la dette bancaire française peut sembler rassurant : seule 30% de la dette est contractée vis-à-vis des étrangers (toutes devises confondues), et elle semble s’équilibrer presque parfaitement avec des créances bancaires sur l’étranger. En d’autres termes, l’actif net des banques en devises étrangères semble relever de l’épaisseur du trait.
Pour autant, comme nous l’expliquions précédemment, il faut distinguer les contrats vis-à-vis de l’étranger émis en régime de droit international de ceux en droit français. Quelle est la part du bilan soumise au régime de droit international ? Et vis-à-vis de quels pays les banques résidentes en France détiennent-elle des dettes et des créances ?
La réponse vient en deux temps. Dans un premier temps, il faut identifier les composantes du bilan des banques sous le régime de droit international, puis dans un second temps, détailler les expositions bilatérales au sein de chaque composante. La Banque des Règlements Internationaux (BRI) fournit une première base de données permettant d’estimer le montant des titres de créance sous régime de droit international dans le bilan des banques.[3] Cependant, la dimension bilatérale des expositions n’y est pas développée. Cela donne le montant agrégé de ces positions en droit international : il représentait entre 8 et 10% du passif des banques résidentes en France entre 2012 et 2016 (Graphique 2).
Une autre base de données de la BRI (Locational Banking Statistics) détaille les expositions transfrontalières bilatérales des catégories prêts (à l’actif), dépôts (au passif), et « autres instruments » (titres de créances à l’actif et au passif). Nous utilisons la catégorie « autres instruments » des données bilatérales transfrontalières pour approximer les titres de créance à l’actif et au passif du bilan bancaire sous le régime de droit international[4]. Concernant les prêts et dépôts transfrontaliers, ceux à l’actif (prêts) seraient soumis au régime de droit français, alors que cette même catégorie d’instruments au passif (dépôts) serait soumise au régime de droit international. Le calcul de l’actif net transfrontalier en régime de droit international doit donc logiquement exclure de l’actif les prêts transfrontaliers et prendre en compte tous les instruments d’actif et de passif soumis au régime de droit international. Il convient donc de le calculer ainsi : Actif net (transfrontalier) = Actif (autres instruments) - Passif (dépôts + autres instruments).
Sous ces hypothèses, notre évaluation de l’actif net transfrontalier en régime de droit international aboutit à une position nette débitrice de 1500 milliards de dollars au troisième trimestre 2016, soit un montant de l’ordre de 20% du bilan des banques.
On notera au passage que cette position largement débitrice pour la France l’est depuis plusieurs années.
Reste à détailler les positions vis-à-vis de chaque pays afin d’identifier vis-à-vis desquels les banques françaises résidentes sont débitrices ou créancières.
Quelle répartition par pays? Dans quelles proportions ?
Davantage encore que pour le commerce de biens, certains pays en dehors de l’Union Européenne sont des partenaires importants s’agissant des transactions financières : on pense en particulier à la Suisse, aux Etats-Unis, au Japon. Afin d’avoir une vision plus juste des conséquences d’une sortie de l’euro, il convient de les intégrer à l’analyse. On fait alors l’hypothèse que la France dévaluerait vis-à-vis de la Suisse, les Etats-Unis et le Japon, dans la mesure où ces trois devises sont considérées comme des valeurs refuge pour les investisseurs. Dans le cas d’un éclatement de la zone euro, ces trois pays bénéficieraient très vraisemblablement d’entrées massives de capitaux (tout comme l’Allemagne et le Luxembourg). Le cas du Royaume-Uni est plus difficile à prévoir du fait des incertitudes liées au Brexit.
L’examen des positions nettes sous régime de droit international des banques françaises résidentes fait largement ressortir que les banques françaises résidentes sont essentiellement endettées vis-à-vis de la Suisse, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, du Japon, du Luxembourg et des Etats-Unis (graphique 4). Par exemple, la dette des banques françaises vis-à-vis de l’Allemagne représente 2900 euros par Français. Dans cinq cas sur six, la valeur des dettes augmenterait puisque la France dévaluerait vis-à-vis de ces pays. Si comme nous l’estimions dans le précédent billet, la dévaluation vis-à-vis de l’Allemagne atteignait 11,5%, l’augmentation de la dette des banques françaises vis-à-vis des créanciers allemands représenterait 21,5 milliards d’euros ou 335 euros par Français[5].
Le message est clair : en cas de sortie de l’euro, les effets de bilan seraient donc très défavorables aux banques françaises.
En conclusion, au cas où la France viendrait à sortir de l’euro, c’est avant tout une incertitude radicale qui prédominerait, ce qui limite en soi la portée de tout exercice d’évaluation des effets sur les bilans des entreprises, des banques, des ménages, etc. De plus, les données restent limitées pour le faire et font notamment défaut pour évaluer ces effets au niveau du bilan des entreprises et des ménages. Cependant, les données existent pour tenter d’évaluer ces effets au niveau des bilans bancaires. Et il est intéressant de s’en saisir car, a priori, leur examen montre que le secteur bancaire français aurait très vraisemblablement à souffrir d’un réalignement du taux de change de la France.
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On entend et on lit dans la presse et ailleurs qu’une sortie de l’euro ne créerait aucune difficulté pour toute la partie de la dette française soumise à la lex monetae. En vertu de ce principe juridique, les contrats vis-à-vis de l’étranger en droit français peuvent en effet être convertis en francs, tandis que les contrats en droit étranger demeurent libellés en monnaie étrangère.
En pratique, c’est surtout la dette publique française qui se trouve concernée par cette règle de droit, car elle a été émise dans sa quasi-totalité (entre 97 et 99% selon les sources) en droit français. Donc, même si notre dette publique est à 60% détenue par des étrangers, elle pourrait être pratiquement dans son intégralité convertie en francs. La lex monetae ne prévoit évidemment pas en revanche le taux de change auquel ces dettes seraient reconverties, ce qui n’irait pas sans soulever d’épineux problèmes juridiques.
Du côté des dettes privées, dont le total dépasse celui de la dette publique (plus de 200% du PIB) - ce qu’on oublie souvent - une grande partie a, en revanche, été émise en droit étranger et n’est donc pas soumise à la lex monetae. Il faudrait continuer à la rembourser dans la monnaie du pays créancier. D’aucuns affirment que cela ne poserait, là encore, pas de problème car la France est créancière nette: les entreprises, les ménages et les banques ont prêté davantage à l’étranger qu’ils n’ont emprunté (Le Monde, le 24/02/2017).
Ce raisonnement se heurte selon nous à deux limites, différentes mais tout aussi importantes. La première renvoie à la définition précise de la position financière nette de la France vis-à-vis de l’étranger. La seconde, déjà évoquée pour ses conséquences ambigües sur le commerce extérieur, concerne l’hypothèse - selon nous intenable - d’une dévaluation unilatérale de la France (d’après nos estimations basées sur l’hypothèse d’un réalignement des taux de change avec leur valeur d’équilibre estimée, la France ne dévaluerait pas vis-à-vis de tous ses partenaires de la zone euro, mais seulement vis-à-vis de 4 d’entre eux).
Il faut donc commencer par examiner la position financière extérieure nette de la France vis-à-vis de chacun de ses pays partenaires pour capter les effets de valeur dus aux ajustements de change bilatéral. Par exemple, une dépréciation vis-à-vis de l’Allemagne signifierait une hausse de la valeur de notre endettement vis-à-vis d’elle, mais une appréciation vis-à-vis de l’Italie entraînerait, au contraire, une baisse de notre endettement (toutes choses égales par ailleurs). Une approche basée sur la position nette globale ne permet pas de capter ces différents effets. Il faut ensuite distinguer, au sein de ces expositions bilatérales à l’actif et au passif des bilans par secteur institutionnel, la proportion de contrats sous le régime de droit français de celle sous le régime de droit international. Cette dernière étant celle exposée au risque de change.
Ces données ne sont disponibles que pour les banques et malheureusement pas pour toutes les entreprises.[1] C’est un premier enseignement en soi : faute de données, on ne peut pas prévoir ce qu’un réalignement des parités impliquerait pour les entreprises françaises. Pour chaque entreprise, seul l’examen de son bilan permettrait d’estimer les gains ou les pertes.
Les données sont toutefois disponibles pour les banques et nous les avons examinées, en nous concentrant sur les données du secteur bancaire français (source: BRI).[2]
Deux questions mobilisent notre attention :
- Quand on examine seulement les contrats en droit international (ceux exposés au risque de change), la France est-elle vraiment créancière nette vis-à-vis de l’étranger ?
La réponse est non. La position nette extérieure des banques françaises sous régime de droit international est largement débitrice, et ce depuis longtemps. Au troisième trimestre 2016, cette position débitrice s’élevait à 1500 milliards de dollars, ce qui représente 20% du bilan des banques.
- Quel serait l’effet des réalignements de parité sur les dettes françaises vis-à-vis de l’étranger?
D’après nos évaluations, l’effet serait très négatif car les banques ont contracté des dettes sous régime de droit international en majorité avec des pays vis-à-vis desquels la nouvelle monnaie française dévaluerait. Par exemple, la dette vis-à-vis de l’Allemagne des banques résidant en France représente plus de 2900 euros par Français. Elle serait renchérie de 21,5 milliards d’euros dans notre scénario de réalignement, soit 335 euros par Français. Le même raisonnement s’applique vis-à-vis de nos autres créanciers en Suisse, aux Etats-Unis, au Japon et au Luxembourg.
Dans ce qui suit, nous détaillons un peu nos résultats.
Un premier examen de la répartition de la dette bancaire française peut sembler rassurant : seule 30% de la dette est contractée vis-à-vis des étrangers (toutes devises confondues), et elle semble s’équilibrer presque parfaitement avec des créances bancaires sur l’étranger. En d’autres termes, l’actif net des banques en devises étrangères semble relever de l’épaisseur du trait.
Graphique 1 : Répartition de la dette au bilan des banques françaises entre créanciers résidents et non résidents
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Pour autant, comme nous l’expliquions précédemment, il faut distinguer les contrats vis-à-vis de l’étranger émis en régime de droit international de ceux en droit français. Quelle est la part du bilan soumise au régime de droit international ? Et vis-à-vis de quels pays les banques résidentes en France détiennent-elle des dettes et des créances ?
La réponse vient en deux temps. Dans un premier temps, il faut identifier les composantes du bilan des banques sous le régime de droit international, puis dans un second temps, détailler les expositions bilatérales au sein de chaque composante. La Banque des Règlements Internationaux (BRI) fournit une première base de données permettant d’estimer le montant des titres de créance sous régime de droit international dans le bilan des banques.[3] Cependant, la dimension bilatérale des expositions n’y est pas développée. Cela donne le montant agrégé de ces positions en droit international : il représentait entre 8 et 10% du passif des banques résidentes en France entre 2012 et 2016 (Graphique 2).
Graphique 2 : Positions en droit international du secteur bancaire (% bilan)
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Une autre base de données de la BRI (Locational Banking Statistics) détaille les expositions transfrontalières bilatérales des catégories prêts (à l’actif), dépôts (au passif), et « autres instruments » (titres de créances à l’actif et au passif). Nous utilisons la catégorie « autres instruments » des données bilatérales transfrontalières pour approximer les titres de créance à l’actif et au passif du bilan bancaire sous le régime de droit international[4]. Concernant les prêts et dépôts transfrontaliers, ceux à l’actif (prêts) seraient soumis au régime de droit français, alors que cette même catégorie d’instruments au passif (dépôts) serait soumise au régime de droit international. Le calcul de l’actif net transfrontalier en régime de droit international doit donc logiquement exclure de l’actif les prêts transfrontaliers et prendre en compte tous les instruments d’actif et de passif soumis au régime de droit international. Il convient donc de le calculer ainsi : Actif net (transfrontalier) = Actif (autres instruments) - Passif (dépôts + autres instruments).
Sous ces hypothèses, notre évaluation de l’actif net transfrontalier en régime de droit international aboutit à une position nette débitrice de 1500 milliards de dollars au troisième trimestre 2016, soit un montant de l’ordre de 20% du bilan des banques.
Graphique 3 : Position nette en contrat international des banques françaises (milliards de dollars US)
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On notera au passage que cette position largement débitrice pour la France l’est depuis plusieurs années.
Reste à détailler les positions vis-à-vis de chaque pays afin d’identifier vis-à-vis desquels les banques françaises résidentes sont débitrices ou créancières.
Quelle répartition par pays? Dans quelles proportions ?
Davantage encore que pour le commerce de biens, certains pays en dehors de l’Union Européenne sont des partenaires importants s’agissant des transactions financières : on pense en particulier à la Suisse, aux Etats-Unis, au Japon. Afin d’avoir une vision plus juste des conséquences d’une sortie de l’euro, il convient de les intégrer à l’analyse. On fait alors l’hypothèse que la France dévaluerait vis-à-vis de la Suisse, les Etats-Unis et le Japon, dans la mesure où ces trois devises sont considérées comme des valeurs refuge pour les investisseurs. Dans le cas d’un éclatement de la zone euro, ces trois pays bénéficieraient très vraisemblablement d’entrées massives de capitaux (tout comme l’Allemagne et le Luxembourg). Le cas du Royaume-Uni est plus difficile à prévoir du fait des incertitudes liées au Brexit.
L’examen des positions nettes sous régime de droit international des banques françaises résidentes fait largement ressortir que les banques françaises résidentes sont essentiellement endettées vis-à-vis de la Suisse, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, du Japon, du Luxembourg et des Etats-Unis (graphique 4). Par exemple, la dette des banques françaises vis-à-vis de l’Allemagne représente 2900 euros par Français. Dans cinq cas sur six, la valeur des dettes augmenterait puisque la France dévaluerait vis-à-vis de ces pays. Si comme nous l’estimions dans le précédent billet, la dévaluation vis-à-vis de l’Allemagne atteignait 11,5%, l’augmentation de la dette des banques françaises vis-à-vis des créanciers allemands représenterait 21,5 milliards d’euros ou 335 euros par Français[5].
Le message est clair : en cas de sortie de l’euro, les effets de bilan seraient donc très défavorables aux banques françaises.
Graphique 4 : Actif net transfrontalier des banques françaises par pays
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Lecture : Les banques résidentes en France ont un actif net débiteur de 260 milliards d’euros vis-à-vis des Etats-Unis. Nous marquons en rouge cette position extérieure nette car il est vraisemblable que la nouvelle monnaie se déprécierait vis-à-vis du dollar américain. La position débitrice française aurait donc tendance à se détériorer. Pratiquement toutes les positions débitrices observées le seraient vis-à-vis de partenaires par rapport auxquels le réalignement des parités induirait une dépréciation.
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En conclusion, au cas où la France viendrait à sortir de l’euro, c’est avant tout une incertitude radicale qui prédominerait, ce qui limite en soi la portée de tout exercice d’évaluation des effets sur les bilans des entreprises, des banques, des ménages, etc. De plus, les données restent limitées pour le faire et font notamment défaut pour évaluer ces effets au niveau du bilan des entreprises et des ménages. Cependant, les données existent pour tenter d’évaluer ces effets au niveau des bilans bancaires. Et il est intéressant de s’en saisir car, a priori, leur examen montre que le secteur bancaire français aurait très vraisemblablement à souffrir d’un réalignement du taux de change de la France.
[1] Il existe des données partielles sur les grandes entreprises françaises. Voir Amiel, D and P-A Hyppolite (2015), “Is there an easy way out? Private marketable debt and its implications for a Euro break-up: the case of France”, Ecole Polytechnique CNRS Cahier 2015-02.
[2] Nous utilisons la base Locational Banking Statistics (LBS) : les données ne sont pas consolidées et se fondent sur la résidence des établissements financiers.
[3] Base International Debt Securities (IDS) de la BRI (table C).
[4] Lorsqu’on agrège les données transfrontalières bilatérales de la catégorie « autres instruments » de la base LBS, nous obtenons un total proche de celui fourni par la base IDS (l’écart est inférieur à 2,5% du total du bilan bancaire).
[5] Cette hypothèse de dévaluation correspond à la variation de change nécessaire pour corriger la sur-évaluation française d’après nos calculs présentés dans le billet précédent (voir en particulier le Graphique 1). Elle correspond à une hypothèse conservatrice car elle ne prend pas en compte les mouvements de capitaux qui, au moins dans un premier temps, amplifieraient la variation du change.