La stratégie internationale de la Corée en question
Atout majeur de la stratégie de développement de la Corée, son internationalisation la rend particulièrement sensible aux évolutions de l’économie mondiale et en particulier à celles de ses partenaires les plus proches : la Chine, les États-Unis et le Japon. Cet environnement a rarement été aussi incertain, allant du pire au meilleur.
Par Michel Fouquin
Le pire c’est évidemment le risque que le sommet Trump-Kim soit un échec, c’est aussi la montée du protectionnisme américain visant en particulier la Corée et la Chine. Le pire c’est aussi la Chine qui a mis en œuvre des sanctions informelles à l’égard de la Corée à propos de l’installation du système THAAD en Corée du Sud. Sans parler des sanctions contre la Russie proche et les tensions avec le Japon.
Le meilleur pourrait être le succès du sommet permettant d’intégrer progressivement l’économie nord-coréenne dans l’économie mondiale.
Le meilleur pourrait être le succès du sommet permettant d’intégrer progressivement l’économie nord-coréenne dans l’économie mondiale.
Les rapports avec les États-Unis
Historiquement ces rapports sont vitaux. D’abord parce que la Corée du Sud n’a survécu aux attaques du Nord que grâce à l’intervention des Nations Unies menée par les États-Unis. Puis au début des années soixante, au nom de la politique du « Trade not Aid », les États-Unis ont octroyé aux industries coréennes un accès privilégié à leur marché. Ces exportations ont été le principal moteur de leur croissance au moins jusqu’en l’an 2000.
En 2007-2008 un accord de libre-échange avec les États-Unis (KORUS) est signé. L’automobile pour les exportateurs coréens et l’agriculture pour les Américains sont les sujets les plus disputés. À la demande des États-Unis cet accord a été renégocié en 2018. Et grâce aux concessions faites par les Coréens il devrait être publié fin mai ou en juin. Par ailleurs, la Corée éviterait les tarifs sur ses exportations d’acier et d’aluminium, en échange d’une limitation volontaire de ses exportations, équivalent à 70 % de leur niveau de 2017, qui lui serait plus favorable.
En revanche la montée brutale des conflits économiques entre la Chine et les États-Unis aurait des conséquences très négatives sur la Corée, principal fournisseur de composants de la Chine.
En 2007-2008 un accord de libre-échange avec les États-Unis (KORUS) est signé. L’automobile pour les exportateurs coréens et l’agriculture pour les Américains sont les sujets les plus disputés. À la demande des États-Unis cet accord a été renégocié en 2018. Et grâce aux concessions faites par les Coréens il devrait être publié fin mai ou en juin. Par ailleurs, la Corée éviterait les tarifs sur ses exportations d’acier et d’aluminium, en échange d’une limitation volontaire de ses exportations, équivalent à 70 % de leur niveau de 2017, qui lui serait plus favorable.
En revanche la montée brutale des conflits économiques entre la Chine et les États-Unis aurait des conséquences très négatives sur la Corée, principal fournisseur de composants de la Chine.
Les rapports avec la Chine
L’entrée de la Chine à l’OMC a radicalement changé la donne pour les grandes entreprises coréennes qui ont massivement délocalisé leur production en Chine. Celle-ci sert de base d’assemblage de composants coréens réexportés ensuite vers les pays développés et en particulier vers les États-Unis. Ils ont été une source de croissance extraordinaire des exportations coréennes : de quasi nulles en 1987, les exportations coréennes vers la Chine ont devancé les exportations vers les États-Unis en 2005. Puis, la part de la Chine a atteint 29 % du total de ses exportations en 2016. Réciproquement, les importations coréennes se sont focalisées sur la Chine, atteignant 21,5 % en 2016. La Corée est un des rares pays à bénéficier d’un excédent substantiel vis-à-vis de la Chine. En vue de stabiliser leurs relations, les deux pays ont signé un accord de libre-échange en 2015 dont le contenu apparait très modeste comparé aux accords de la Corée avec les États-Unis et l’Europe.
Cependant, les risques induits par la très forte intensité de cette relation se sont révélés en 2016-2017 au grand jour suite à la crise provoquée par l’installation d’un système de défense antimissile THAAD sur un terrain appartenant à la société Lotte. On assiste depuis à la chute des ventes de véhicules Hyundai, au boycott complet du groupe de distribution Lotte Mart, qui vient de décider en Mai 2018 de liquider la totalité de ses 85 magasins opérant en Chine, et la chute brutale du nombre de touristes chinois visitant la Corée. Ce sont quelques exemples des mesures prise par Beijing qui sont par ailleurs inattaquables devant l’OMC car informelles. Elles incitent les entreprises coréennes à délocaliser une partie de leurs investissements chinois vers le Vietnam ou d’autres zones moins risquées.
L’autre problème posé à l’évolution des rapports de la Corée avec la Chine est celui de l’intégration croissante des chaînes de valeur réalisée en Chine même qui devrait peser sur les exportations coréennes. Le cas emblématique est celui de la fabrication et l’exportation en masse de smartphones chinois de la firme Huawei, qui concurrence directement Samsung.
Cependant, les risques induits par la très forte intensité de cette relation se sont révélés en 2016-2017 au grand jour suite à la crise provoquée par l’installation d’un système de défense antimissile THAAD sur un terrain appartenant à la société Lotte. On assiste depuis à la chute des ventes de véhicules Hyundai, au boycott complet du groupe de distribution Lotte Mart, qui vient de décider en Mai 2018 de liquider la totalité de ses 85 magasins opérant en Chine, et la chute brutale du nombre de touristes chinois visitant la Corée. Ce sont quelques exemples des mesures prise par Beijing qui sont par ailleurs inattaquables devant l’OMC car informelles. Elles incitent les entreprises coréennes à délocaliser une partie de leurs investissements chinois vers le Vietnam ou d’autres zones moins risquées.
L’autre problème posé à l’évolution des rapports de la Corée avec la Chine est celui de l’intégration croissante des chaînes de valeur réalisée en Chine même qui devrait peser sur les exportations coréennes. Le cas emblématique est celui de la fabrication et l’exportation en masse de smartphones chinois de la firme Huawei, qui concurrence directement Samsung.
Les rapports avec le Japon
Ces relations sont difficiles tant sur le plan diplomatique, compte tenu du passif de la colonisation qui n’a toujours pas été soldé, que sur le plan commercial, du fait de l’excédent structurel du Japon vis-à-vis de la Corée. Le Japon qui était dans les années soixante le principal fournisseur de la Corée (47 % des importations coréennes en 1967) est relégué à une place modeste en 2016 (12 %). Cependant, l’accès des exportations coréennes au marché japonais apparaît particulièrement difficile : ainsi, les grands groupes électroniques coréens, leaders mondiaux dans leur domaine, sont quasiment exclus du marché japonais. Hyundai n’est pas parvenu à prendre une part de marché significative au Japon et a renoncé à y exporter ses voitures. Il est vrai que la Japon est coutumier du fait. Depuis toujours, il parvient grâce au contrôle étroit de son système de distribution à tenir à distance les concurrents étrangers. Fait significatif des difficultés existantes, les deux rivaux ne sont pas parvenus à négocier un accord de libre-échange bilatéral alors qu’ils en ont signés de nombreux avec d’autres pays.
Un bilatéralisme particulièrement actif
La Corée s’est engagée depuis le milieu des années 2000 dans de multiples négociations bilatérales et a signé des accords avec les États-Unis en 2007 (KORUS), avec l’UE en 2009, avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande 2014-2015, avec le Canada et même avec la Chine en 2015 (même si les restrictions incluses dans l’accord apparaissent considérables). En revanche, elle ne participe pas au projet multilatéral TPP (Trans-Pacific Partnership) dirigé à l’origine par Obama, destiné à contrer l’influence chinoise, abandonné depuis par Trump.
L’avenir de ses relations avec la Corée du Nord dépendra des réformes de ce pays
Après des décennies d’affrontements, coupées de quelques rares années d’ouverture et de dialogue (période Kim Dae jung et Sun Shine Policy), il semble que l’on s’oriente vers une période d’apaisement. La réunification restant exclue pour les années à venir, il semble cependant que la Corée du Nord veuille s’orienter vers des réformes économiques profondes qui pourraient s’apparenter à celles entreprises par la Chine dans les années Deng Xiaoping. Ainsi les observateurs estiment que la croissance économique a été forte en Corée du Nord depuis 2014, grâce notamment à une loi de révision du statut des entreprises. Cette loi a notamment permis aux paysans de vendre sur le marché intérieur jusqu’à 30 % de leur production, et a réduit le rôle du parti dans la gestion des entreprises en donnant à celles-ci la possibilité de travailler directement avec d’autres entreprises sur la base de prix négociés et non plus imposés. De même, il semble que des formes de propriété privée, ainsi que la création de pseudo-firmes d’État, sont apparues.
Il existe des précédents de zones économiques spéciales ouvertes aux investissements étrangers : comme la ZES de Rajin-Songbong (Rason) sur la côte de la mer du Japon (mer de l’Est pour les Coréens) créée en en 1991 ; plus récemment ce sont les zones de Whiwa et Hwanggumpyong situées à la frontière chinoise en face de la ville de Dandong (Liaoning) qui ont été créées. Pour l’instant les investisseurs sont essentiellement des chinois, quelques russes et des coréens pro-Pyonyang habitant au Japon. Mais cela demeure marginal notamment du fait des sanctions internationales qui se sont imposées avec force ces dernières années.
Pour se développer la Corée du Nord sait qu’elle a besoin de s’ouvrir à l’international, ce qui dépend en dernier ressort de l’évolution de ses relations avec les États-Unis. L’actuel gouvernement de la Corée du Sud semble quant à lui prêt à jouer le jeu de la coopération avec son pays frère et est sans doute le mieux placé pour l’aider à se transformer.
Il existe des précédents de zones économiques spéciales ouvertes aux investissements étrangers : comme la ZES de Rajin-Songbong (Rason) sur la côte de la mer du Japon (mer de l’Est pour les Coréens) créée en en 1991 ; plus récemment ce sont les zones de Whiwa et Hwanggumpyong situées à la frontière chinoise en face de la ville de Dandong (Liaoning) qui ont été créées. Pour l’instant les investisseurs sont essentiellement des chinois, quelques russes et des coréens pro-Pyonyang habitant au Japon. Mais cela demeure marginal notamment du fait des sanctions internationales qui se sont imposées avec force ces dernières années.
Pour se développer la Corée du Nord sait qu’elle a besoin de s’ouvrir à l’international, ce qui dépend en dernier ressort de l’évolution de ses relations avec les États-Unis. L’actuel gouvernement de la Corée du Sud semble quant à lui prêt à jouer le jeu de la coopération avec son pays frère et est sans doute le mieux placé pour l’aider à se transformer.