Le blog du CEPII

Volkswagen, Stellantis, Honda… droits de douane Trump II dans l’automobile, qui sera le plus impacté ?

Le président des États-Unis Donald Trump menace de relever les droits de douane sur le Canada, le Mexique et l’UE, des mesures qui toucheraient particulièrement le secteur automobile. Quels pays et quels constructeurs sont les plus exposés ?
Par Thierry Mayer, Vincent Vicard, Pauline Wibaux
 Billet du 11 février 2025


Le secteur automobile tient une place centrale dans les déclarations de Donald Trump sur les déficits commerciaux et les menaces de mesures protectionnistes à l’encontre de l’Union européenne (UE) comme du Canada ou du Mexique. S’élevant à 270 milliards de dollars en 2023, soit près du quart du déficit commercial total des États-Unis, le déficit sur les échanges de véhicules automobiles est en effet l’un des principaux postes du déficit commercial américain après les biens de consommation.
 

Les droits de douane annoncés par Donald Trump avant son élection couvrent un spectre beaucoup plus large de produits puisqu’il a menacé d’instaurer des droits de douane de 10 voire 20 points de pourcentage supplémentaires sur l’ensemble des importations américaines. Depuis son élection, les pays visés explicitement constituent d’importants pays d’origine des véhicules automobiles vendus sur le marché américain : Mexique et Canada, sous la menace de droits de 25 %, et l’Union européenne menacée de 10 % de droits de douane supplémentaire. À eux seuls, le Mexique et le Canada ont exporté 2,6 millions de véhicules particuliers vers les États-Unis en 2023, soit 21 % des ventes totales du marché (l’UE représente 6 %), sans compter les pièces et composants qui peuvent traverser plusieurs fois les frontières.

De tels niveaux de droits de douane auraient assurément un impact majeur sur les tissus industriels « automobile » des pays visés, mais aussi par ricochet sur les constructeurs automobiles opérant dans ces pays. Le secteur automobile se caractérise en effet par sa dimension locale ou continentale, de telle sorte que les constructeurs investissent dans des unités de production proches de leurs marchés de consommation. Soit, pour les consommateurs américains, des usines aux États-Unis ou en Amérique du Nord.

Forte présence de VW en Amérique du Nord

Volkswagen, par exemple, ne produit que 40 % de ses véhicules vendus aux États-Unis en Allemagne, contre près des deux tiers en Amérique du Nord. Son usine de Chattanooga dans l’État du Tennessee, où sont produites les Passat, Atlas et ID4, lui assure un accès aux consommateurs américains sans droits de douane. Alors que celle de Puebla, au Mexique – la plus grande du pays, produit des modèles comme la Jetta, la Tiguan ou la Taos. La mise en place de droits de douane sur les importations en provenance du Mexique affecterait donc directement les ventes des modèles produits dans l’usine de Puebla, et incitera Volkswagen à modifier ses décisions d’approvisionnement pour le marché américain.

Pour étudier ces réactions, nous utilisons un modèle de choix de production et de localisation de l’activité des entreprises multinationales dans le secteur automobile. Celui-ci considère les décisions de production et d’approvisionnement au niveau de chaque entreprise multinationale. Il évalue aussi comment l’instauration et le maintien de barrières tarifaires sur le moyen terme modifient le niveau des ventes et le lieu de production de chaque modèle pour un marché national donné (à plus long terme, les entreprises sont susceptibles de fermer et d’ouvrir des usines). Les simulations effectuées s’appuient sur les flux observés en 2023 pour les véhicules particuliers (excluant notamment les pick-ups).

Sans surprise, l’impact des annonces récentes de Donald Trump (droits de douane de 25 % sur le Canada et le Mexique et droits de douane additionnels de 10 % pour l’UE, soit 12,5 % en ajoutant les droits de douane de 2,5 % existant aujourd’hui sur les importations de véhicules particuliers par les États-Unis) serait massif pour les industries automobiles canadiennes et mexicaines, qui connaîtraient des baisses de production de 71 % et de 57 % respectivement (tableau 1 ci-dessous).

Les pays européens moins exposés que le Canada et le Mexique

Plusieurs pays européens seraient également touchés, la Suède et l’Italie en tête avec des baisses de production supérieures à 7 % et 4 % respectivement. La Slovaquie, la Hongrie et l’Allemagne connaîtraient également une baisse de leur production, bien que plus limitée.

De l’autre côté, la production automobile américaine progresserait de 26 %. Cette hausse se ferait cependant au détriment des consommateurs qui verraient les prix augmenter. À noter que la mise en œuvre de représailles tarifaires des pays visés par les mesures américaines aurait peu d’impact sur la production du Mexique ou du Canada mais réduirait la hausse de la production sur le territoire des États-Unis de 7 points de pourcentage, à + 19 %.

Les effets sur les constructeurs ne recoupent pas nécessairement ceux sur leur pays d’origine. Leur exposition au conflit commercial en cours dépend de leurs lieux de production et de leur capacité à allouer à nouveau leur production à destination des consommateurs américains dans des usines non ciblées par des droits de douane.

Volkswagen, Stellantis, ou Honda exposés

Volkswagen, Stellantis, et dans une moindre mesure Honda, qui importent aujourd’hui plus du tiers de leurs véhicules particuliers vendus aux États-Unis du Mexique ou du Canada, serait les plus touchés, avec des baisses de ventes d’environ 152 000 véhicules pour Volkswagen et 90 000 pour Stellantis (tableau 2, plus bas). Au sein de ces constructeurs, certaines marques seraient particulièrement affectées. Par exemple, Chrysler (une marque de Stellantis), dont l’ensemble des véhicules particuliers vendus aux États-Unis sont produits au Canada, verrait ses ventes sur le marché américain chuter de près de 50 %.

De manière intéressante, certains constructeurs perdraient particulièrement à la mise en place de représailles commerciales, comme Ford, Stellantis ou BMW. Non seulement ces constructeurs exportent des États-Unis vers les pays ciblés mais leurs importations de biens intermédiaires de leur pays d’origine seraient également affectées par les représailles commerciales.


France 24, 2025.

Des gagnants aussi…

Plusieurs constructeurs bénéficieraient en revanche des droits de douane imposés par le gouvernement Trump. Parmi les marques américaines, General Motors et Tesla verraient leur production augmenter de 42 000 et 81 000 véhicules. Des gagnants également parmi les constructeurs asiatiques – Hyundai, Subaru et Toyota – qui produisent largement aux États-Unis ou importent du reste du monde pour servir les consommateurs américains.

Les résultats de nos simulations confirment que la mise en place de droits de douane sur les importations en provenance du Canada et du Mexique aurait des impacts dramatiques sur la production automobile des deux pays s’ils étaient maintenus sur le long terme. Pour l’UE, la menace de droits additionnels de 10 % aurait un impact plus limité sur la production. Certains constructeurs européens (Volkswagen et Stellantis), qui produisent au Canada et au Mexique, seraient cependant particulièrement exposés au conflit commercial en cours. Les mesures réellement mises en place par l’administration américaine sont susceptibles de largement évoluer, comme le montrent ces premières semaines de présidence de Donald Trump, et nécessiteront d’en réévaluer les conséquences pour les pays ciblés et les constructeurs.The Conversation

Vincent Vicard, Économiste, adjoint au directeur, CEPII; Pauline Wibaux, Économiste, CEPII et Thierry Mayer, Professeur d’économie à Sciences-Po, conseiller scientifique, CEPII

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Commerce & Mondialisation  | Compétitivité & Croissance  | Economies émergentes 
< Retour