Quand les filiales étrangères donnent le rythme aux régions
En France, les filiales de groupes étrangers sont implantées dans des régions différentes selon leur pays d’origine. C’est l’une des raisons pour lesquelles on observe une proximité particulière des cycles économiques des régions avec ceux de certains pays.
Par Farid Toubal, Jörn Kleinert, Julien Martin
Billet du 6 novembre 2013
Une part importante de l’activité économique des pays développés est le fait d’une poignée de très grandes entreprises : Nokia en Finlande, Dell en Irlande, Samsung et Hyundai en Corée du Sud… Aux États-Unis, les 50 plus grandes firmes réalisent près d’un quart du PIB. Plusieurs articles récents ont mis en évidence le rôle de ces très grandes entreprises dans les cycles économiques. Les entreprises de grande taille sont souvent aussi, plus que les autres, des filiales de multinationales.
Nous centrant sur la France, nous nous sommes intéressés dans un récent document de travail du CEPII au rôle particulier de ces filiales étrangères – entreprises dont au moins 50 % du capital est détenu par une société-mère non française. Pour cela, nous avons construit une base de données unique sur les firmes du secteur manufacturier à partir de différentes sources statistiques.
En France, les filiales de groupes étrangers constituent 5 % des entreprises mais totalisent 23 % de l’emploi et 32 % de la valeur ajoutée industriels. Leur contribution aux échanges internationaux est encore plus forte avec 47 % des exportations et 56 % des importations de biens en 2004.
La contribution des filiales étrangères est cependant très différente selon les régions. En Alsace, 10 % des entreprises sont des filiales de groupes étrangers, elles réalisent 50 % de la valeur ajoutée régionale, 70 % des exportations et 80 % des importations. En Bretagne, les filiales étrangères constituent seulement 3 % des entreprises de la région et réalisent 15 % de la valeur ajoutée et les deux tiers du commerce.
L’origine des filiales étrangères n’est pas non plus la même selon les régions. C’est ce qu’illustrent les cartes ci-dessous qui comparent les implantations des filiales américaines et allemandes. La présence allemande est particulièrement élevée en Alsace, près de la frontière franco-allemande, mais aussi en Midi-Pyrénées (autour de Toulouse) ; la présence américaine est plus concentrée au Centre. Or, les filiales de groupes étrangers ont des liens forts avec leur pays d’origine. En France, 15 % des exportations des filiales étrangères sont à destination de leur pays d’origine, et presque 80 % de ces échanges sont des échanges intra-firme. Nous nous sommes donc demandé si le cycle économique d’une région était lié aux pays d’origine des filiales qui y sont implantées.
Pour cela, nous avons commencé par mesurer la co-fluctuation des cycles économiques de chaque région française avec ceux de 162 pays. Ainsi, par exemple, les croissances des PIB alsacien et allemand ont un indice de corrélation de 0,4 tandis que le taux de croissance de l’Auvergne est négativement corrélé avec celui de l’Allemagne.
Nous avons ensuite mesuré l’impact de la présence de filiales étrangères sur ces niveaux de co-fluctuation. Le résultat est que cette présence est un déterminant majeur de la co-fluctuation des cycles économiques : la présence de filiales dans une région accroît le niveau de co-fluctuation entre cette région et le pays de leur maison-mère. Cette présence se révèle d’ailleurs être un déterminant de la corrélation des cycles statistiquement plus robuste que ne l’est le niveau du commerce bilatéral.
Par quels mécanismes s’effectue la transmission des fluctuations entre le pays d’origine des filiales et leur région française d’implantation ? Les données dont nous disposons nous permettent d’identifier la nature des échanges commerciaux entre filiales et maison-mère. Nous montrons alors que le commerce intra-firme de biens intermédiaires, signe d’une intégration verticale des filiales, est un canal privilégié de transmission des chocs. D’autres canaux jouent sans doute aussi un rôle dans cette transmission, on pense notamment aux liens financiers entre la filiale et sa maison-mère ou aux transferts de technologie. Nous ne disposons pas actuellement des données suffisantes pour le vérifier, mais ce sont autant de pistes pour de futures recherches.
Graphique 1 – Répartition des filiales allemandes et américaines dans les régions françaises Part des filiales étrangères dans la valeur ajoutée de la région, par pays d’origine du groupe en 2004 (en % du total) |
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Filiales allemandes |
Filiales américaines |
Source : Kleinert, Martin, Toubal (2012) “Foreign Affiliates and Business Cycle Comovement”, CEPII Working Paper 2012-18, août. |
Référence :
Kleinert, Martin, Toubal (2012) “Foreign Affiliates and Business Cycle Comovement”, CEPII Working Paper 2012-18, août.
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