Neuvième Ministérielle de l’OMC à Bali : sauver les apparences, et après ?
Le CEPII publie sa Lettre n°337 – « L’OMC en quête d’un avenir » – alors que se tient à Bali, du 3 au 6 décembre prochain, la neuvième conférence ministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Par Lionel Fontagné, Sébastien Jean
Billet du 28 novembre 2013
Le cycle de Doha lancé il y a 12 ans est toujours dans l’impasse. Le sentiment qu’un nouvel échec ouvrirait une crise profonde du système commercial multilatéral a amené les pays membres à ne garder à la table des négociations de Bali que les quelques points pour lesquels un accord paraît possible. Très loin de correspondre à l’agenda initialement fixé, le périmètre ainsi défini se résume à la facilitation du commerce ainsi qu’à deux sous-ensembles de sujets, relatifs respectivement à l’agriculture et au développement. Ce menu restreint a au moins le mérite de mettre de côté plusieurs sujets de discorde. Peut-être permettra-t-il de sauver les apparences.
Mais même si un accord, limité, est conclu, il sera loin de résoudre les questions de fond. Durant toutes ces années de travaux préparatoires et de négociations, l’économie mondiale s’est profondément transformée. L’importance prise par les émergents dans l’économie mondiale implique de les inclure au cœur de tout accord d’envergure. Or les modalités actuelles de négociation ne permettent pas de poser les bases du grand « marchandage » entre grands émergents et pays développés, seul à même de former le socle d’un accord global.
Les besoins des entreprises se sont aussi profondément modifiés. Avec le développement des chaînes de valeur globales, les produits, leurs composants, les services qui y sont attachés, franchissent les frontières à de multiples reprises avant d’atteindre le consommateur final. Cette nouvelle organisation de la production, et la frontière de plus en plus floue entre production de biens et de services dans de nombreuses « industries », créent des demandes nouvelles autour des mesures non tarifaires [1], du commerce de services et des règles relatives à l’investissement direct international.
Face à ces attentes, l’OMC ne peut plus profiter de ce qui faisait la clé du succès du GATT : être un club exclusif de puissances commerciales avançant de façon pragmatique sur les sujets importants et se réservant le droit de faire bénéficier – ou non – les pays extérieurs au club de ces avancées. Le régionalisme et le plurilatéralisme prennent alors le pas sur le multilatéralisme.
Les accords régionaux se sont multipliés depuis le début du cycle et des initiatives d’une envergure nouvelle se font jour et se concurrencent. L’accord transatlantique est celui qui concerne le plus directement l’Europe, mais l’initiative américaine dans le Pacifique est tout aussi significative de cette réorientation des négociateurs des grandes puissances commerciales vers d’autres priorités que le cycle multilatéral.
Plus significatif encore, le plurilatéralisme (c’est-à-dire la signature d’accords ne concernant qu’un sous-ensemble des États membres) constitue une intégration commerciale à plusieurs vitesses. Les négociateurs reviennent ainsi à ce qui a fait le succès du GATT. Le dernier « club » est celui lancé en octobre 2012 autour d’un accord sur les échanges de services (dit « TiSA », pour Trade in Services Agreement). L’idée est en effet de ne pas offrir le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée aux pays non signataires, autrement dit de ne pas leur permettre de bénéficier des mesures de libéralisation prises entre membres du club. Dans l’immédiat, ces initiatives comportent donc un risque de fragmentation et de marginalisation d’une partie des partenaires.
Les vertus de l’approche multilatérale sont pourtant largement reconnues, en théorie tout du moins. Elle seule permet en effet d’éviter que certains pays ne soient totalement exclus du bénéfice des concessions échangées, ou que les règles ne différent de façon opaque et coûteuse entre partenaires. Mais, au cours de la période récente, les négociations multilatérales ont été incapables d’apporter des réponses substantielles aux demandes d’évolution des règles du commerce international.
Le véritable défi pour l’OMC n’est donc pas de parvenir à un accord à Bali, mais d’esquisser les voies lui permettant de rester pertinente dans la définition des règles du jeu des années à venir.
A lire :
« L’OMC en quête d’un avenir », La Lettre du CEPII, N° 337, par Lionel Fontagné et Sébastien Jean, le 28 novembre 2013.
Voir le communiqué de presse.
Mais même si un accord, limité, est conclu, il sera loin de résoudre les questions de fond. Durant toutes ces années de travaux préparatoires et de négociations, l’économie mondiale s’est profondément transformée. L’importance prise par les émergents dans l’économie mondiale implique de les inclure au cœur de tout accord d’envergure. Or les modalités actuelles de négociation ne permettent pas de poser les bases du grand « marchandage » entre grands émergents et pays développés, seul à même de former le socle d’un accord global.
Les besoins des entreprises se sont aussi profondément modifiés. Avec le développement des chaînes de valeur globales, les produits, leurs composants, les services qui y sont attachés, franchissent les frontières à de multiples reprises avant d’atteindre le consommateur final. Cette nouvelle organisation de la production, et la frontière de plus en plus floue entre production de biens et de services dans de nombreuses « industries », créent des demandes nouvelles autour des mesures non tarifaires [1], du commerce de services et des règles relatives à l’investissement direct international.
Face à ces attentes, l’OMC ne peut plus profiter de ce qui faisait la clé du succès du GATT : être un club exclusif de puissances commerciales avançant de façon pragmatique sur les sujets importants et se réservant le droit de faire bénéficier – ou non – les pays extérieurs au club de ces avancées. Le régionalisme et le plurilatéralisme prennent alors le pas sur le multilatéralisme.
Les accords régionaux se sont multipliés depuis le début du cycle et des initiatives d’une envergure nouvelle se font jour et se concurrencent. L’accord transatlantique est celui qui concerne le plus directement l’Europe, mais l’initiative américaine dans le Pacifique est tout aussi significative de cette réorientation des négociateurs des grandes puissances commerciales vers d’autres priorités que le cycle multilatéral.
Plus significatif encore, le plurilatéralisme (c’est-à-dire la signature d’accords ne concernant qu’un sous-ensemble des États membres) constitue une intégration commerciale à plusieurs vitesses. Les négociateurs reviennent ainsi à ce qui a fait le succès du GATT. Le dernier « club » est celui lancé en octobre 2012 autour d’un accord sur les échanges de services (dit « TiSA », pour Trade in Services Agreement). L’idée est en effet de ne pas offrir le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée aux pays non signataires, autrement dit de ne pas leur permettre de bénéficier des mesures de libéralisation prises entre membres du club. Dans l’immédiat, ces initiatives comportent donc un risque de fragmentation et de marginalisation d’une partie des partenaires.
Les vertus de l’approche multilatérale sont pourtant largement reconnues, en théorie tout du moins. Elle seule permet en effet d’éviter que certains pays ne soient totalement exclus du bénéfice des concessions échangées, ou que les règles ne différent de façon opaque et coûteuse entre partenaires. Mais, au cours de la période récente, les négociations multilatérales ont été incapables d’apporter des réponses substantielles aux demandes d’évolution des règles du commerce international.
Le véritable défi pour l’OMC n’est donc pas de parvenir à un accord à Bali, mais d’esquisser les voies lui permettant de rester pertinente dans la définition des règles du jeu des années à venir.
A lire :
« L’OMC en quête d’un avenir », La Lettre du CEPII, N° 337, par Lionel Fontagné et Sébastien Jean, le 28 novembre 2013.
Voir le communiqué de presse.
[1] Les mesures non tarifaires sont des obstacles aux échanges autres que les droits de douane, comme les différences de normes ou de réglementation.
Retrouvez plus d'information sur le blog du CEPII. © CEPII, Reproduction strictement interdite. Le blog du CEPII, ISSN: 2270-2571 |
|||
|