Le doux commerce des volailles françaises ? 2/2
La colère gronde chez les producteurs français de volailles dont les parts de marché baissent. Dégradation de leur compétitivité ou mauvais positionnement, comment en est-on arrivé là?
Par Charlotte Emlinger, Daniel Mirza
Billet du 13 janvier 2014
>> Le doux commerce des volailles françaises ? 1/2
Comme nous l’avons vu dans un précédent billet, alors que le marché mondial de la volaille a triplé depuis 1995, la France a perdu deux places et n’est en 2010 plus que le cinquième exportateur mondial. Dans les produits entiers frais et surgelés, où la France occupait la première place mondiale, sa part de marché a été divisée par plus de trois en 15 ans, ses ventes passant ainsi de 30 % à 10 % du marché mondial. Contrairement à ce qui se passe sur les marchés domestiques où les différents signes de qualité (label rouge, fermier, AOC) peuvent constituer un avantage compétitif, les produits de la filière avicole sont faiblement différenciés sur le marché international. Il s’agit par conséquent d’un secteur où la compétitivité « hors prix » joue moins que la compétitivité-prix.
On distingue quatre segments sur le marché international de la volaille : découpé ou entier, congelé ou frais. Nous comparons pour chacun de ces segments l’évolution des prix français [1] avec celles des dix plus gros concurrents (classement de 2010), aux pays de l’UE à 15 et enfin aux prix des producteurs brésiliens. Sur le graphique on observe que dans les produits frais, marché où la qualité perçue joue probablement plus que sur le segment des congelés, les français ont pratiqué un prix plus élevé que leurs concurrents sur toute la période. Pour les produits entiers, l’écart de prix s’est même accentué en fin de période. Ces tendances peuvent expliquer, du moins en partie, pourquoi les parts de marchés dans le frais ont fortement chuté ces dernières années. En revanche, les Français ont des prix du surgelé relativement comparables aux concurrents, en moyenne sur la période, ce qui n’a pas empêché de perdre des parts de marché.
Comment expliquer ces différences dans les évolutions des prix français du « frais » et du « surgelé » ? Les prix des produits dépendent de nombreux facteurs : coûts unitaires de production (eux-mêmes liés aux coûts du travail, des intrants et de l’énergie, aux normes, subventions), transport, taxes, marges...
Comme nous l’avons vu dans un précédent billet, alors que le marché mondial de la volaille a triplé depuis 1995, la France a perdu deux places et n’est en 2010 plus que le cinquième exportateur mondial. Dans les produits entiers frais et surgelés, où la France occupait la première place mondiale, sa part de marché a été divisée par plus de trois en 15 ans, ses ventes passant ainsi de 30 % à 10 % du marché mondial. Contrairement à ce qui se passe sur les marchés domestiques où les différents signes de qualité (label rouge, fermier, AOC) peuvent constituer un avantage compétitif, les produits de la filière avicole sont faiblement différenciés sur le marché international. Il s’agit par conséquent d’un secteur où la compétitivité « hors prix » joue moins que la compétitivité-prix.
On distingue quatre segments sur le marché international de la volaille : découpé ou entier, congelé ou frais. Nous comparons pour chacun de ces segments l’évolution des prix français [1] avec celles des dix plus gros concurrents (classement de 2010), aux pays de l’UE à 15 et enfin aux prix des producteurs brésiliens. Sur le graphique on observe que dans les produits frais, marché où la qualité perçue joue probablement plus que sur le segment des congelés, les français ont pratiqué un prix plus élevé que leurs concurrents sur toute la période. Pour les produits entiers, l’écart de prix s’est même accentué en fin de période. Ces tendances peuvent expliquer, du moins en partie, pourquoi les parts de marchés dans le frais ont fortement chuté ces dernières années. En revanche, les Français ont des prix du surgelé relativement comparables aux concurrents, en moyenne sur la période, ce qui n’a pas empêché de perdre des parts de marché.
Comment expliquer ces différences dans les évolutions des prix français du « frais » et du « surgelé » ? Les prix des produits dépendent de nombreux facteurs : coûts unitaires de production (eux-mêmes liés aux coûts du travail, des intrants et de l’énergie, aux normes, subventions), transport, taxes, marges...
Graphiques – Prix sur chacun des segments du marché de la volaille, 1995-2010 |
Produits frais |
Produits surgelés |
Sources : BACI, calculs des auteurs. |
Sur le marché des produits frais, la France pratique des prix plus élevés mais pas uniquement liés au coût du travail ou aux normes Européennes
Concernant les produits frais, le coût du travail et les normes sont souvent présentés comme les deux facteurs principaux de la dégradation des parts de marchés françaises. Qu’en est-il réellement ?
La production de volailles découpées demande plus de main-d’œuvre que celle de volailles entières, ainsi le coût du travail doit théoriquement affecter relativement plus les prix des volailles fraîches découpées. Sur ce segment, il apparaît que les prix français sont plus élevés d’1 $/kg que ceux de leurs concurrents européens ou mondiaux, la différence de prix étant beaucoup moins nette sur le segment des produits frais entiers. Néanmoins, sur ce dernier segment, l’écart s’est accentué depuis 2000, laissant penser que le coût du travail n’est pas le seul responsable de l’augmentation des prix français.
Les normes Européennes jouent-elles un rôle ? Sur les graphiques, les prix médians européens sont très proches de prix médians mondiaux, ce qui laisse penser que même si les normes européennes sont plus restrictives que les normes des autres pays comme les États-Unis, cela ne se retrouve pas dans le prix final des produits européens.
Finalement, le maintien ou l’accroissement des marges des producteurs, permis par la disponibilité des consommateurs à payer plus cher des produits frais au lieu de produits surgelés, peut également, en partie, expliquer la tendance haussière des prix français.
Sur le marché des produits surgelés, la France peine à aligner ses prix sur ceux de ses concurrents
Comment les prix français dans le marché du surgelé ont-ils, en revanche, pu se maintenir au même niveau que les prix mondiaux ?
Dans le surgelé, les prix apparaissent très similaires quel que soit le pays. L’ensemble des pays considérés semble contraint de s’aligner sur le prix le plus bas relevé, celui du Brésil, à cause d’une très forte concurrence et d’un produit peu différencié. Ainsi, les producteurs doivent, au-delà des subventions qu’ils reçoivent, comprimer leurs marges. Ils doivent également inciter leurs travailleurs à être plus productifs tout en modérant leurs salaires dans l’espoir de réussir à maintenir des coûts unitaires suffisamment bas et préserver l’activité et l’emploi.
Même s’il l’a ralentie, l’alignement des prix n’a pas permis d’enrayer la forte baisse des parts de marchés françaises dans le surgelé entier, sans compter que les parts dans le surgelé découpé sont restées proches de 1 % sur toute la période. Les facteurs explicatifs sont difficiles à identifier, mais il est possible que le manque de réseaux de distributions et l’insuffisance de diversification des produits des groupes français sur les plus gros marchés du surgelé comme l’Asie ou le Moyen Orient aient joué un rôle significatif. Pour ne citer qu’un exemple, Sadia (grande multinationale agroalimentaire brésilienne) s’est imposée en Russie, en Asie ou au Moyen Orient grâce à la variété de produits congelés qu’elle offre (de la volaille à la glace, en passant par les soupes).
L’augmentation des niveaux de vie dans toute l’Europe, mais aussi en Afrique ou au Moyen-Orient, devrait faire évoluer les préférences des consommateurs vers une meilleure valorisation des normes phytosanitaires exigeantes qui caractérisent la production française, et européenne en général. Les produits frais entiers offrent à cet égard une bonne alternative aux produits surgelés et découpés et la France bénéficie d’une situation géographique privilégiée et d’un excellent réseau routier et portuaire pour livrer ces produits partout en Europe et jusqu’en Afrique. Pour les producteurs français, le principal défi sera sans doute de faire fructifier ces atouts pour retrouver une place de leader dans l’exportation de volaille fraîche.
Le doux commerce des volailles françaises ? 1/2, de Charlotte Emlinger et Daniel Mirza, le blog du CEPII, 12 décembre 2013.
Pourquoi les poulets brésiliens ne s'envolent pas vers l'Europe, de Marcos Jank, Telos-eu.com, 20 septembre 2006.
Sadia Le roi brésilien du poulet à l'assaut des pays émergents, par Par Patrick Déniel, Amandine Haviez et Florence Bodin, L’usine nouvelle, 15 novembre 2007.
[1] Il s’agit de séries de valeur unitaire ($/kg) calculées par les auteurs en divisant des données de valeur (milliers de dollars) par le volume observé (tonnes), et en nettoyant la base de certaines valeurs aberrantes.
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