Chine : difficile transition
Les turbulences boursières sont un symptôme des multiples difficultés de la transition de l'économie chinoise vers un nouveau régime de croissance.
Par Françoise Lemoine
Billet du 27 août 2015
La bourse est en Chine une source de financement encore limité pour les entreprises qui ont surtout recours au crédit bancaire. C’est une forme d’épargne encore marginale pour les ménages. Moins de 10% d’entre eux détiennent des actions et les placements en bourses comptent pour 15.5% des actifs financiers et seulement 5% du total des actifs des ménages. La chute de la bourse devrait donc avoir peu d’impact direct sur l’économie réelle du pays.
Ces turbulences sont toutefois révélatrices de l’inquiétude que suscite l’évolution de la situation économique du pays. La Chine n’est déjà plus sur la trajectoire de croissance qu’elle a suivie dans le passé et ce tournant dans son régime de croissance brouille les perspectives.
Le sérieux ralentissement de l’activité s’accompagne de changements dans sa structure même de l’économie. Les services sont devenus le principal moteur de l’activité, avec une croissance de plus de 8% au premier semestre 2015 (graphique 1) et leur importance dépasse désormais celle de l’industrie. La décélération résulte principalement de l’industrie qui subit les effets de la stagnation des exportations et des mesures internes de rééquilibrage. La croissance de la production industrielle est tombée de 12% en 2010 à 6% au premier semestre de cette année, et les productions les plus dynamiques dans le passé sont en recul au premier semestre 2015 : ordinateurs, téléphones portables, automobiles mais aussi productions de ciment, de verre, d’acier frappées par le coup d’arrêt donné à l’immobilier. Le ralentissement de la croissance industrielle accroit les surcapacités de production dans les industries de transformation et dans l’automobile. Ces surcapacités entretiennent le surendettement des secteurs concernés et imposent une réduction durable des taux d’investissement.
Les changements en cours sont aussi manifestes dans les relations économiques extérieures. Si le solde commercial est toujours excédentaire, il le doit surtout au ralentissement des importations et non plus à la progression des exportations. Par ailleurs, la balance des capitaux enregistre une contraction des entrées nettes de capitaux et montre à travers le poste « erreurs et omissions », une accélération des « fuites » de capitaux (graphique 2). Ces dernières résultent des politiques suivies par les autorités (libéralisation du compte de capital, encouragements prodigués aux entreprises à investir à l’étranger et affaiblissement du Renminbi face au dollar en 2014, Graphique 3), mais aussi de la détérioration du marché de l’immobilier et de l’absence d’opportunités d’investissement à l’intérieur qui ont incité les épargnants à diversifier leur portefeuille vers l’étranger. Cela a conduit, conjugué à l’appréciation de la monnaie américaine, à une baisse des réserves de change de la Chine d’un pic proche de 4 000 milliards de dollars en juin 2014 à environ 3 650 milliards en juillet dernier.
Le ralentissement de la croissance chinoise n’est pas une surprise, il est annoncé par les autorités chinoises et prédit dans tous les scénarios de moyen et long terme. Il correspond à une nouvelle phase du développement social de la Chine, celle d’une croissance que les autorités souhaitent plus qualitative, inclusive et innovatrice. Elle s’inscrit dans la trajectoire que les autres pays de l’Asie orientale ont suivie avant elle pour dépasser le stade des pays de revenu moyen. Mais on s’interroge sur la manière dont le gouvernement va maitriser la réallocation des ressources nécessaire à ce changement de régime et composer avec les résistances qu’elle provoque. L’accident boursier révèle aussi les risques inhérents au processus de réformes du système financier et pourrait freiner son ouverture amorcée.
Ces turbulences sont toutefois révélatrices de l’inquiétude que suscite l’évolution de la situation économique du pays. La Chine n’est déjà plus sur la trajectoire de croissance qu’elle a suivie dans le passé et ce tournant dans son régime de croissance brouille les perspectives.
Le sérieux ralentissement de l’activité s’accompagne de changements dans sa structure même de l’économie. Les services sont devenus le principal moteur de l’activité, avec une croissance de plus de 8% au premier semestre 2015 (graphique 1) et leur importance dépasse désormais celle de l’industrie. La décélération résulte principalement de l’industrie qui subit les effets de la stagnation des exportations et des mesures internes de rééquilibrage. La croissance de la production industrielle est tombée de 12% en 2010 à 6% au premier semestre de cette année, et les productions les plus dynamiques dans le passé sont en recul au premier semestre 2015 : ordinateurs, téléphones portables, automobiles mais aussi productions de ciment, de verre, d’acier frappées par le coup d’arrêt donné à l’immobilier. Le ralentissement de la croissance industrielle accroit les surcapacités de production dans les industries de transformation et dans l’automobile. Ces surcapacités entretiennent le surendettement des secteurs concernés et imposent une réduction durable des taux d’investissement.
Les changements en cours sont aussi manifestes dans les relations économiques extérieures. Si le solde commercial est toujours excédentaire, il le doit surtout au ralentissement des importations et non plus à la progression des exportations. Par ailleurs, la balance des capitaux enregistre une contraction des entrées nettes de capitaux et montre à travers le poste « erreurs et omissions », une accélération des « fuites » de capitaux (graphique 2). Ces dernières résultent des politiques suivies par les autorités (libéralisation du compte de capital, encouragements prodigués aux entreprises à investir à l’étranger et affaiblissement du Renminbi face au dollar en 2014, Graphique 3), mais aussi de la détérioration du marché de l’immobilier et de l’absence d’opportunités d’investissement à l’intérieur qui ont incité les épargnants à diversifier leur portefeuille vers l’étranger. Cela a conduit, conjugué à l’appréciation de la monnaie américaine, à une baisse des réserves de change de la Chine d’un pic proche de 4 000 milliards de dollars en juin 2014 à environ 3 650 milliards en juillet dernier.
Le ralentissement de la croissance chinoise n’est pas une surprise, il est annoncé par les autorités chinoises et prédit dans tous les scénarios de moyen et long terme. Il correspond à une nouvelle phase du développement social de la Chine, celle d’une croissance que les autorités souhaitent plus qualitative, inclusive et innovatrice. Elle s’inscrit dans la trajectoire que les autres pays de l’Asie orientale ont suivie avant elle pour dépasser le stade des pays de revenu moyen. Mais on s’interroge sur la manière dont le gouvernement va maitriser la réallocation des ressources nécessaire à ce changement de régime et composer avec les résistances qu’elle provoque. L’accident boursier révèle aussi les risques inhérents au processus de réformes du système financier et pourrait freiner son ouverture amorcée.
Graphique 1 – Chine: taux de croissance des grandes composantes du PIB, 2000-2015 (juillet). |
Période précédente = 100 |
Source : National bureau of statistics, Beijing.
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Graphique 2 – Chine: éléments de la balance des paiements. |
100 millions de USD |
Source : SAFE, Beijing.
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Graphique 3 – Evolution du taux de change du Renminbi. |
Juillet 2010 = 100. |
Source : BIS. |
Références :
Mutations du commerce extérieur chinois, La Lettre du CEPII, N°352, mars 2015, Françoise Lemoine, Deniz Ünal.
China’s Roadmap to Harmonious Society : Third Plenum Decisions on “major issues concerning comprehensively deepening reforms”, CEPII Policy Brief, N°3, mai 2014, Michel Aglietta, Guo Bai.
Modelling the world economy at the 2050 horizon, Economics of Transition, vol. 21(4), Blackwell Publishing Ltd, p.617-354, octobre 2013, Jean Fouré, Agnès Bénassy-Quéré, Lionel Fontagné.
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