Le blog du CEPII

Les entrepreneurs immigrés boostent les exportations des provinces italiennes

L'esprit d'entreprise des immigrés est une ressource pour le pays où ils s’installent. Dans un travail récent, nous montrons que les provinces italiennes ayant une population plus importante d'entrepreneurs nés à l’étranger exportent davantage.
Par Massimiliano Bratti, Luca De Benedictis, Gianluca Santoni
 Billet du 10 août 2020


De nombreuses études ont montré que l’immigration augmente les échanges entre pays de résidence et pays d’origine des populations immigrées. Les immigrés apportent en effet avec eux un capital d'informations et de connaissances sur le marché de leur pays d'origine qui peut réduire les coûts à l'internationalisation des entreprises de leur pays de résidence et augmenter ainsi les exportations vers leur pays d’origine. Cependant, par manque de données appropriées, les travaux réalisés jusqu’à présent ont porté sur l’effet sur les exportations de la présence de travailleurs immigrés dans le pays exportateur et non sur celui de dirigeants d’entreprises immigrés.

Dans un travail récent (Bratti et al. 2020) nous analysons les avantages d'une connaissance "de première main" dont disposent les dirigeants d’entreprises italiennes nés à l'étranger sur le marché de leur pays d’origine pour leur activité exportatrice.

En Italie, le phénomène de l'entrepreneuriat immigré est important. En 2016, selon l'Institut national de la statistique, 7,1 % des entreprises dans les secteurs de l'industrie et des services étaient dirigées par des entrepreneurs nés à l'étranger, soit environ 320 000 entreprises employant plus de 700 000 personnes. Cette proportion est encore plus forte dans l’industrie où les entrepreneurs nés à l’étranger dirigent 9,1 % des entreprises (avec 2,7 % des entreprises dirigées par des entrepreneurs nés dans des pays de l'Union européenne à 29 et 6,3 % par des entrepreneurs nés dans des pays tiers).

Le poids de ces entreprises dans la valeur ajoutée est toutefois limité (2,4 % du total de l'industrie et des services), principalement en raison de leur faible taille (2,3 salariés en moyenne par entreprise, contre 4 salariés en moyenne sur l’ensemble des entreprises de l'industrie et des services). Mais dans certains secteurs de production, le poids dans la valeur ajoutée des entreprises dirigées par des entrepreneurs nés à l'étranger est relativement élevé. C’est le cas dans le secteur du textile et de l'habillement où 16,8 % de la valeur ajoutée est réalisée par des entreprises dirigées par des entrepreneurs immigrés, en particulier des entrepreneurs chinois qui réalisent environ 90 % de la valeur ajoutée produite par les entrepreneurs nés à l'étranger. Les entreprises dirigées par des entrepreneurs nés à l’étranger sont aussi très actives à l’international car, alors même qu’elles sont sensiblement plus petites que la moyenne, la proportion de celles qui exportent est seulement légèrement inférieure à la moyenne :  13,5 % des entreprises manufacturières dirigées par des entrepreneurs nés à l'étranger contre 16,4% pour l’ensemble des entreprises manufacturières (ISTAT).

Pour autant, les entrepreneurs immigrés ont-ils un effet significatif sur les performances exportatrices des provinces dans lesquelles ils sont présents ? Au cours de la période 2000-2011, les provinces italiennes où les entrepreneurs nés à l’étranger étaient plus nombreux sont aussi celles où les exportations ont été plus élevées vers le pays d’origine de ces entrepreneurs. C’est ce qu’illustre le graphique ci-dessous et c’est aussi ce que confirme l’analyse économétrique.
 

Performance à l’exportation des provinces italiennes et présence d’entrepreneurs immigrés
(moyenne 2000-2011, échelle logarithmique)

Source : Bratti et al. 2020


Cet effet s’ajoute à celui des non-entrepreneurs, lui aussi positif et significatif et à peu près du même ordre de grandeur en pourcentage : ainsi une province italienne avec 10% d’entrepreneurs immigrés (de non-entrepreneurs immigrés) de plus que la moyenne exporte 0,86% (0,96%) de plus que la moyenne vers le pays d’origine des immigrés. Bien que ces effets soient du même ordre en pourcentage, comme la population des entrepreneurs immigrés est bien moins importante que celle des non-entrepreneurs (dans un rapport de 1 à 30), une province avec un entrepreneur immigré de plus que la moyenne exporte 1 % de plus que la moyenne vers le pays d’origine des immigrés tandis qu’une province avec un non-entrepreneur immigré en plus n’exporte que 0,04% de plus que la moyenne. Ainsi le capital de connaissances dont disposent les entrepreneurs immigrés sur leur pays d’origine leur confère bien un avantage dont l’utilisation permet de réduire les coûts à l’internationalisation des entreprises des provinces dans lesquelles ils résident qui se traduit par davantage d’exportations vers leur pays d’origine.

Données source : data_blog835.xls

Ce billet s’inspire d’un article publié sur LaVoce.  Lire l’article original .

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