Performances françaises à l’exportation : la compétitivité « hors-prix » mise en cause
Les performances françaises à l'exportations ne cessent de se dégrader. Les coûts du travail ont certainement un rôle à jouer, mais leur impact passe surtout par une perte de compétitivité hors-prix. C’est en investissant dans la R&D que la France regagnera des parts de marché.
Par CEPII
Faits & Chiffres du 10 mai 2012
Agnès Bénassy-Quéré le rappelait dans une chronique récente [1] : la France s’est récemment fait épingler par la Commission européenne au titre de la nouvelle procédure de surveillance des déséquilibres macroéconomiques. En cause, la perte de parts de marché à l’exportation au niveau mondial (Graphique 1.a). Le seuil des +/-6% de variations maximales sur les cinq dernières années est largement dépassé : entre 2005 et 2010 la France a perdu 19% de parts de marchés mondiales. Rien qu’entre 2009 et 2010 elles ont fondu de 10,5%. Néanmoins, ce constat est à nuancer : face à la forte croissance des grandes économies émergentes, le commerce européen est globalement mis à mal. Ainsi, l’Allemagne dépasse elle-aussi ce seuil puisque ses parts de marché mondiales ont fondues de 8% entre 2005 et 2010.
Ce qui est plus inquiétant, ce sont les résultats français au niveau européen (Graphique 1.b). Depuis 2003, le poids de la France dans les exportations européennes n’a eu cesse de baisser (à l’exception de 2009). Entre 2005 et 2010, les parts de marché françaises ont fondues de 15% alors que l’Allemagne en perdait 8%. En 2010, la France (6%) reste loin derrière l’Allemagne (13,5%), bien que troisième au classement européen (derrière les Pays-Bas). Certes, cet écart de performances peut s’expliquer par les différences de taille économique (la production est structurellement plus élevée en Allemagne que dans les autres pays européens.) Mais cela ne justifie pas la divergence d’évolution de la performance, qui illustre la perte de compétitivité de la France.
Graphique 1 – Evolution des parts de marché à l’export
(en %, variation par rapport à l’année précédente)
a. Parts de marché mondiales
b. Parts dans les exportations européennes
Source : BACI
Les coûts du travail français sont souvent pointés du doigt, et pour cause : en 2011, le coût du travail horaire en France avoisine les 35 euros contre 30 euros en Allemagne. De plus, entre 2008 et 2011 les coûts français ont, en moyenne, connus une croissance plus soutenue que les coûts allemands (8% contre 6%, cf. Graphique 2). Mais cet écart suffit-il à expliquer les mauvaises performances françaises ?
Graphique 2 – Evolution des coûts de travail en zone euro
Source : Eurostat
Pour répondre à cette question, Charlotte Emlinger et Antoine Berthou ont mené une étude fine des données du commerce international dans La Lettre du CEPII n°313. Le Graphique 3 montre l’évolution de l’indice des prix des exportations françaises relativement à l’Allemagne. Tout comme pour les coûts du travail, la France a vu ses prix à l’export augmenter plus rapidement que l’Allemagne sur la période 2000-2008. Cette hausse des coûts du travail a donc eu un impact certain sur la détérioration de la compétitivité prix française. Néanmoins, les prix à l’exportation n’ont pas accusé la totalité de la dégradation de compétitivité coût : la hausse de 8% des coûts ne s’est traduite que par une hausse de 5% des prix.
Graphique 3 – Evolution des prix à l’exportation, indice 2000 = 100
Source : Eurostat
Source : Eurostat
Les auteurs montrent en effet que, à « prix identiques », les performances françaises sont inférieures aux performances allemandes sur chaque marché. Cette évolution « hors prix » représente l’essentiel de la dégradation des performances françaises. Ainsi, l’essentiel de la baisse des performances françaises s’explique par la moindre compétitivité hors prix de ses exportateurs relativement à l’Allemagne. En cause, principalement, un vaste ensemble de facteurs objectifs et subjectifs : qualité du produit, image de marque, adaptation au marché local, étendue du réseau de distribution, disponibilité du service après-vente, appartenance de l'entreprise à un groupe international, contraintes de capacité, contraintes de crédit, etc. Notamment, l’Allemagne investit beaucoup plus dans la Recherche et le Développement – élément important de la compétitivité hors prix – que ses partenaires européens. En 2009, 2,8% de son PIB était investi en R&D contre 2,2% en France.
De fait, l’ajustement aux coûts croissants s’est réalisé par un écrasement des marges de profit des exportateurs français vis-à-vis des allemands. C’est ce que montre Lionel Fontagné et al. dans un récent document de travail [2]. Les exportateurs allemands n’ont pas tiré parti de la modération salariale pour renforcer leur compétitivité prix uniquement, mais aussi pour améliorer leurs marges. Cette situation leur laisse une plus grande capacité à financer leurs innovations, avec des retombées certaines sur la compétitivité hors-prix. En effet, en augmentant leurs marges les entreprises allemandes ont pu aboutir à une amélioration du rapport qualité-prix par des investissements dans la qualité et l’attractivité des produits.
Pour conclure, les coûts du travail ont, certes, un rôle à jouer dans la dégradation des performances à l’exportation de la France. Mais leur impact ne se traduit pas principalement par la perte de compétitivité-prix, mais surtout de compétitivité hors-prix. Ainsi, c’est en investissant dans l’innovation et la R&D que la France regagnera des parts de marché à l’exportation.
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[1] Commerce extérieur : la France épinglée par la Commission européenne, Audio du 16 Mars 2012, Le Blog du CEPII, par Agnès Bénassy-Quéré.
[2] J-C. Bricongne, L. Fontagné & G. Gaulier (2011), "Une analyse détaillée de la concurrence commerciale entre la France et l'Allemagne", mimeo.
[1] Commerce extérieur : la France épinglée par la Commission européenne, Audio du 16 Mars 2012, Le Blog du CEPII, par Agnès Bénassy-Quéré.
[2] J-C. Bricongne, L. Fontagné & G. Gaulier (2011), "Une analyse détaillée de la concurrence commerciale entre la France et l'Allemagne", mimeo.
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