Le nouveau programme d’achats des obligations souveraines sera-t-il efficace ?
Hier (le 6 septembre), la Banque centrale européenne (BCE) a fait une annonce longuement attendue par de nombreux acteurs de marché : elle s’est engagée à racheter, sans limite mais sous conditions, les obligations souveraines à court terme des pays de la zone euro.
Par Urszula Szczerbowicz
Ce nouveau programme, les « Outright Monetary Transactions » (OMTs), concerne les obligations dont la maturité est comprise entre un et trois ans. Dans le même communiqué, Mario Draghi (président de la BCE) met fin au précédent programme de rachat de titres souverains à long-terme (Securities Markets Programme, SMP).
L’objectif des OMTs est de restaurer les canaux de transmission de la politique monétaire. Plus précisément, il s’agit d’abaisser les taux d’intérêt sur les obligations souveraines des pays qui souffrent de taux de refinancement très élevés, ne reflétant pas nécessairement les caractéristiques économiques du pays. Leur augmentation résulte, en partie, de l’effet de contagion mais aussi de la spéculation concernant l’éventuel éclatement de la zone euro. En mettant en œuvre le programme d’achats de titres souverains de taille adéquate (la BCE n’a pas plafonné le montant des achats), la banque centrale veut réduire la prime de risque sur ces marchés.
Bien que le programme de rachats d’obligations souveraines précédent (SMP) ait eu des effets importants sur les taux à long-terme dans la zone euro (cf. le billet du 10 juillet), il n’a pas suffit à durablement rassurer les marchés. Alors, que peut-on attendre de ce nouveau programme ? Il existe des différences essentielles entre les programmes OMT et SMP, outre la maturité des titres achetés, qui pourraient permettre aux interventions de la BCE d’avoir des effets plus durables.
Tout d’abord, une conditionnalité importante est désormais attachée aux OMTs. En effet, pour que la BCE puisse intervenir sur un marché, le pays concerné doit au préalable solliciter l’aide du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Il doit donc accepter de mettre en œuvre un programme d’ajustement économique afin de renforcer la consolidation fiscale et d’améliorer la compétitivité du pays. La participation du Fonds monétaire international (FMI) sera également recherchée dans la définition et la surveillance de ce programme d’ajustement. C’est un changement majeur par rapport au programme SMP qui assouplissait la contrainte de financement pour les Etats sans les engager à poursuivre les réformes. La BCE avait d’ailleurs été accusée de créer un « aléa moral » : bénéficiant du financement moins cher, les pays retarderaient la mise en œuvre de programme d’ajustement.
Deuxièmement, la BCE a renoncé à son statut de créancier privilégié. Ainsi, dans le cas où le pays émetteur ne pourrait plus rembourser sa dette et les prêteurs seraient obligés d’accepter la modification de conditions initiales de prêt en leur défaveur (« événement de crédit »), la BCE n’aurait plus de traitement de faveur par rapport aux créanciers privés. Lors du programme précédent, SMP, la BCE avait conservé son statut privilégié qui l’avait protégée des dépréciations sur la valeur des obligations grecques en début de l’année 2012 tandis que les créanciers privés avaient dû subir des pertes. Une étude empirique récente (Steinkamp et Westermann, 2012) a démontré que les achats de titres par des investisseurs publics détenant un statut privilégié contribuent à augmenter les taux des obligations souveraines puisque les investisseurs privés, moins nombreux, sont les seuls à subir les conséquences d’un événement du crédit potentiel.
Etant donné ces nouvelles caractéristiques, le nouveau programme d’achat OMT, devrait contribuer à la baisse des primes de risque et de liquidité sur les marchés souverains. En effet, il réduit l’aléa moral et n’introduit pas de risque de subordination des titres pour les créanciers privés. Le programme est susceptible d’avoir un effet particulièrement important sur les titres de court et moyen terme, mais un effet plus incertain sur les titres de long terme. D’une part, la BCE a décidé de ne plus acheter d’obligations souveraines de maturité plus longues (elle a mis fin au SMP) et les acteurs de marché peuvent être tentés d’abandonner ces titres au profit des titres à court terme qui, grâce à l’action de la BCE, bénéficieront d’une liquidité renforcée. D’autre part, le programme oblige les Etats membres à mettre en œuvre des réformes supposées améliorer, à terme, leur solvabilité. Si ces réformes sont jugées crédibles, elles pourraient réduire la prime de risque à long terme dès maintenant. Les OMTs pourraient d’autant plus avoir un effet positif sur les maturités plus longues qu’il n’a pas de limite de montant ni de durée et que le président de la BCE s’est montré déterminé à poursuivre cette politique tant que le besoin subsiste.
Référence :
Steinkamp, S and F Westermann (2012), "On Creditor Seniority and Sovereign Bond Prices in Europe", Institute of Empirical Economic Research Working Papers No. 92, Osnabrück University
L’objectif des OMTs est de restaurer les canaux de transmission de la politique monétaire. Plus précisément, il s’agit d’abaisser les taux d’intérêt sur les obligations souveraines des pays qui souffrent de taux de refinancement très élevés, ne reflétant pas nécessairement les caractéristiques économiques du pays. Leur augmentation résulte, en partie, de l’effet de contagion mais aussi de la spéculation concernant l’éventuel éclatement de la zone euro. En mettant en œuvre le programme d’achats de titres souverains de taille adéquate (la BCE n’a pas plafonné le montant des achats), la banque centrale veut réduire la prime de risque sur ces marchés.
Bien que le programme de rachats d’obligations souveraines précédent (SMP) ait eu des effets importants sur les taux à long-terme dans la zone euro (cf. le billet du 10 juillet), il n’a pas suffit à durablement rassurer les marchés. Alors, que peut-on attendre de ce nouveau programme ? Il existe des différences essentielles entre les programmes OMT et SMP, outre la maturité des titres achetés, qui pourraient permettre aux interventions de la BCE d’avoir des effets plus durables.
Tout d’abord, une conditionnalité importante est désormais attachée aux OMTs. En effet, pour que la BCE puisse intervenir sur un marché, le pays concerné doit au préalable solliciter l’aide du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Il doit donc accepter de mettre en œuvre un programme d’ajustement économique afin de renforcer la consolidation fiscale et d’améliorer la compétitivité du pays. La participation du Fonds monétaire international (FMI) sera également recherchée dans la définition et la surveillance de ce programme d’ajustement. C’est un changement majeur par rapport au programme SMP qui assouplissait la contrainte de financement pour les Etats sans les engager à poursuivre les réformes. La BCE avait d’ailleurs été accusée de créer un « aléa moral » : bénéficiant du financement moins cher, les pays retarderaient la mise en œuvre de programme d’ajustement.
Deuxièmement, la BCE a renoncé à son statut de créancier privilégié. Ainsi, dans le cas où le pays émetteur ne pourrait plus rembourser sa dette et les prêteurs seraient obligés d’accepter la modification de conditions initiales de prêt en leur défaveur (« événement de crédit »), la BCE n’aurait plus de traitement de faveur par rapport aux créanciers privés. Lors du programme précédent, SMP, la BCE avait conservé son statut privilégié qui l’avait protégée des dépréciations sur la valeur des obligations grecques en début de l’année 2012 tandis que les créanciers privés avaient dû subir des pertes. Une étude empirique récente (Steinkamp et Westermann, 2012) a démontré que les achats de titres par des investisseurs publics détenant un statut privilégié contribuent à augmenter les taux des obligations souveraines puisque les investisseurs privés, moins nombreux, sont les seuls à subir les conséquences d’un événement du crédit potentiel.
Etant donné ces nouvelles caractéristiques, le nouveau programme d’achat OMT, devrait contribuer à la baisse des primes de risque et de liquidité sur les marchés souverains. En effet, il réduit l’aléa moral et n’introduit pas de risque de subordination des titres pour les créanciers privés. Le programme est susceptible d’avoir un effet particulièrement important sur les titres de court et moyen terme, mais un effet plus incertain sur les titres de long terme. D’une part, la BCE a décidé de ne plus acheter d’obligations souveraines de maturité plus longues (elle a mis fin au SMP) et les acteurs de marché peuvent être tentés d’abandonner ces titres au profit des titres à court terme qui, grâce à l’action de la BCE, bénéficieront d’une liquidité renforcée. D’autre part, le programme oblige les Etats membres à mettre en œuvre des réformes supposées améliorer, à terme, leur solvabilité. Si ces réformes sont jugées crédibles, elles pourraient réduire la prime de risque à long terme dès maintenant. Les OMTs pourraient d’autant plus avoir un effet positif sur les maturités plus longues qu’il n’a pas de limite de montant ni de durée et que le président de la BCE s’est montré déterminé à poursuivre cette politique tant que le besoin subsiste.
Référence :
Steinkamp, S and F Westermann (2012), "On Creditor Seniority and Sovereign Bond Prices in Europe", Institute of Empirical Economic Research Working Papers No. 92, Osnabrück University