La difficile intégration régionale en Asie
La semaine du 5 au 11 novembre a été extrêmement active en Asie à l’occasion du sommet des chefs d’Etat de l’APEC (le forum de Coopération Economique de l’Asie-Pacifique qui a 25 ans) qui se sont réunis à Beijing.
Par Michel Fouquin
Le cycle de Doha, en dépit d’une réduction drastique de ses ambitions à un accord dit de facilitation des échanges à la suite du sommet de Bali, parait irrémédiablement bloqué par le refus de l’Inde de revoir son programme de sécurité alimentaire.
La frénésie des négociations d’accords commerciaux régionaux [1] en sort encore renforcée, illustrée par la perspective de méga accords. Dans ce domaine, le Transatlantic Trade and Investment Partnership ou TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement) cher aux européens est en concurrence avec le TransPacific Partnership ou TPP (Accord de partenariat transpacifique). Pourtant, la symétrie entre les deux accords est trompeuse, en dehors du fait que l’initiative soit d’origine américaine. La négociation du TTIP ne concerne que deux partenaires clairement identifiés : l’Union Européenne et les États-Unis, qui ont développé une relation déjà particulièrement intense et partagent grosso modo les mêmes valeurs. Au contraire la négociation du TPP concerne une douzaine de partenaires très hétérogènes (voir la liste ci-dessous) et se décompose en autant de négociations bilatérales. De plus le TPP n’est qu’un des méga accords en cours de négociation concernant les pays asiatiques.
En simplifiant – et en se limitant à ce qui nous paraît le plus important – il est possible de distinguer trois types de projet :
La frénésie des négociations d’accords commerciaux régionaux [1] en sort encore renforcée, illustrée par la perspective de méga accords. Dans ce domaine, le Transatlantic Trade and Investment Partnership ou TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement) cher aux européens est en concurrence avec le TransPacific Partnership ou TPP (Accord de partenariat transpacifique). Pourtant, la symétrie entre les deux accords est trompeuse, en dehors du fait que l’initiative soit d’origine américaine. La négociation du TTIP ne concerne que deux partenaires clairement identifiés : l’Union Européenne et les États-Unis, qui ont développé une relation déjà particulièrement intense et partagent grosso modo les mêmes valeurs. Au contraire la négociation du TPP concerne une douzaine de partenaires très hétérogènes (voir la liste ci-dessous) et se décompose en autant de négociations bilatérales. De plus le TPP n’est qu’un des méga accords en cours de négociation concernant les pays asiatiques.
En simplifiant – et en se limitant à ce qui nous paraît le plus important – il est possible de distinguer trois types de projet :
- les projets promus par les États-Unis sont évidemment transpacifiques par nature, sous ce chapitre peuvent être classés l’APEC et le TPP, qui est en quelque sorte le volet économique du pivot stratégique que les États-Unis veulent opérer vers l’Asie ;
- Les projets strictement asiatiques avec à leur centre les 10 pays de l’ASEAN qui d’une part ont décidé la création d’une ASEAN Economic Community (ACE) d’ici la fin 2015 et qui sont à l’initiative d’un accord de libre échange, Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) [2], rassemblant de nombreux pays d’Asie de l’Est et du Sud (Inde), 16 pays en tout, d’autre part.
- Enfin, il y a la stratégie chinoise qui, à la fois, s’oppose sur ses frontières à tous ses voisins proches, sauf à la Russie et, dans le même temps, négocie avec tout le monde et tente d’imposer un agenda commercial à l’APEC, refusé par les États-Unis.
Initialement, pour les États-Unis, la création de l’APEC en 1989 avait pour but d’empêcher la création d’une « forteresse asiatique ». Ses échecs successifs à promouvoir une zone de libre-échange transpacifique l’a réduit à un rôle plus diplomatique offrant peu de réalisations concrètes. Le TPP plus restreint – sans la Chine – fait l’objet de négociations intenses, très concrètes mais difficiles notamment entre les États-Unis, le Japon et le Vietnam.
L’ASEAN poursuit un objectif très ambitieux de création d’une Communauté et, même si on reste très loin de l’exemple européen, les progrès réalisés dans de nombreux domaines sont sensibles. Par ailleurs l’ASEAN, avec le RCEP, se conçoit comme le pivot de l’Asie notamment entre le Chine, l’Inde et le Japon, indépendamment des États-Unis.
La Chine joue un rôle majeur dans ce processus d’institutionnalisation des relations économiques. L’élément clef est son adhésion en 2001 à l’OMC qui offre à ses partenaires une garantie de « bon comportement ». L’autre élément est le choix de la Chine de proposer à tous ses partenaires commerciaux de signer des accords de commerce, à vrai dire assez peu contraignants, à commencer par chacun des dix pays de l’ASEAN. Enfin, la progression spectaculaire des échanges avec la Chine en a fait le premier partenaire de chacun des pays de la zone et lui donne un pouvoir de négociation fort. La crainte de se voir marginalisé, de subir un effet de détournement des flux économiques, incite ses voisins à se lancer dans la course aux accords.
La progression de l’Asie de 25 % à 30 % dans les exportations mondiales est essentiellement due à la Chine, comme le montre le tableau ci-dessous. Et tandis que l’intra-zone est stable dans les échanges de l’Asie, la part de la Chine s’accroît de 4 points au détriment de ses partenaires (recul principal du Japon). A l’importation, la progression est encore plus forte mais cette fois l’intra-zone y est pour une bonne part. En moyenne, la Chine représente 20 % des exportations de chaque pays d’Asie (avec d’amples variations, l’Inde étant le pays le moins concerné).
Tableau 1 – Progression de l’Asie dans le commerce mondial
En % | 2001 | 2012 | croissance 2001-2012 | contribution de la Chine à la croissance 2001-2012 |
Part de l'Asie dans les exportations mondiales | 25,3 | 31,1 | 5,8 | 5 |
Part de l'intra-zone dans les exportations de l'Asie | 53,9 | 54 | 0,1 | 4,1 |
Part de l'Asie dans les importations mondiale | 21,4 | 29,8 | 8,4 | 6,1 |
Part de l'intra-zone dans les importations de l'Asie | 45,6 | 51,8 | 6,2 | 4,1 |
Balance commerciale (exportations - importations) | 3,9 | 1,5 |
Source : CHELEM-CEPII, l’Asie recouvre ici l’ensemble des pays d’Asie hors Asie de l’Ouest, plus l’Océanie.
En dépit du ralentissement de sa croissance, le moteur de la croissance en Asie et dans le monde reste la Chine, ce qui doit se traduire par un accroissement de son poids dans le commerce mondial et dans les investissements internationaux [3].
L’Europe est singulièrement absente de l’Asie, aucune initiative notable ne se dégage au-delà des négociations bilatérales. Ainsi, des négociations ont été finalisées avec Singapour et la Corée du sud, d’autres sont en cours avec le Japon, le Vietnam et l’Inde, mais il y manque encore une vision et une stratégie d’ensemble.
Tableau 2 – Liste des membres des différentes organisations
APEC | TPP | ACE ASEAN | RCPE | |
Canada | x | x | ||
États-Unis | x | x | ||
Mexique | x | x | ||
Chili | x | x | ||
Pérou | x | x | ||
Japon | x | x | x | |
Corée du Sud | x | x | ||
Chine | x | x | ||
Taiwan | x | |||
Hong Kong | x | |||
Australie | x | x | x | |
Nouvelle Zélande | x | x | x | |
Papouasie | x | |||
ASEAN | ||||
Malaisie | x | x | x | x |
Singapour | x | x | x | x |
Vietnam | x | x | x | x |
Thaïlande | x | x | x | |
Philippines | x | x | x | |
Indonésie | x | x | x | |
Laos | x | x | ||
Cambodge | x | x | ||
Myanmar | x | x | ||
Brunei | x | x | ||
Inde | x | |||
Fédération de Russie | x |
[1] Dans la plus part des cas, tous les accords cités ici sont beaucoup plus larges que le commerce de marchandises et englobent aussi bien le commerce de services, les obstacles tarifaires et non tarifaires, la protection des investissements, l’harmonisation des standards, le développement des infrastructures, la croissance durable que les processus de règlement des différents, etc.
[2] Pour illustrer la complexité de la situation, on peut, par exemple, noter que le RCEP, initiative ASEAN, « prend en compte » l’existence du East Asia Free Trade Agreement (EAFTA), initiative japonaise, qui concerne la même liste de pays, le premier projet se dit ouvert et non contraignant le second est plus restrictif.
[2] Pour illustrer la complexité de la situation, on peut, par exemple, noter que le RCEP, initiative ASEAN, « prend en compte » l’existence du East Asia Free Trade Agreement (EAFTA), initiative japonaise, qui concerne la même liste de pays, le premier projet se dit ouvert et non contraignant le second est plus restrictif.
[3] La Chine va bien au-delà elle se fait promoteur d’une banque d’investissement pour les BRICS, elle marque sa volonté d’imposer sa monnaie dans ses relations commerciales hors États-Unis, etc.