Achats d’obligations souveraines : la BCE confrontée à l’hétérogénéité de la zone
En évoquant la possibilité d’achats d’obligations souveraines, la BCE confirme sa détermination à contrer le risque de déflation en zone euro. Cependant, la banque centrale se trouve confrontée à l’hétérogénéité de la zone et à la nécessité de compromis qui pourraient mettre en jeu l’efficacité de son action.
Par Urszula Szczerbowicz
Les dernières communications des dirigeants de la Banque centrale européenne (BCE) témoignent de leur détermination à contrer le risque de déflation dans la zone euro. Le 21 novembre, le président de la BCE, Mario Draghi, a souligné que la BCE ferait tout ce qu’elle doit faire pour augmenter l’inflation et les anticipations inflationnistes aussi vite que possible. Le 26 novembre, le vice-président de la BCE, Vítor Constâncio, a évoqué la possibilité d’achats d’obligations souveraines des États de la zone euro comme un moyen pour atteindre cet objectif.
Les achats d’obligations souveraines pressentis pour 2015 semblent bien différents des deux programmes précédents, SMP (Securities Markets Programme) et OMT (Outright Monetary Transactions), qui avaient été annoncés dans le but de limiter la fragmentation financière de la zone. Depuis l’annonce de l’OMT en 2012 la fragmentation financière s’est considérablement atténuée et les écarts de taux souverains entre les pays membres ne semblent plus menacer la stabilité de la zone euro (graphique 1). Les achats d’obligations souveraines ont, cette fois-ci, pour objectif de faire baisser le niveau général des taux longs afin de stimuler l’investissement et la consommation dans la zone euro, et d’ainsi augmenter les pressions inflationnistes.
On remarque que les taux longs dans la zone euro sont déjà à un niveau historiquement bas. Cependant, afin de juger quel serait le niveau approprié des taux d’emprunt, il semble important de les comparer au taux de rentabilité marginal net du capital (« taux naturel » dans le cadre théorique de l’économiste suédois Knut Wicksell). Or, alors que les opportunités d’investissement rentables sont rares et que les entreprises accusent des pertes, il se peut que ce taux de rentabilité soit négatif. Ainsi, les taux d’emprunt bien que très bas sont encore trop élevés et découragent l’investissement. Dans ce contexte, les achats d’obligations souveraines par la BCE destinés à faire baisser les taux d’emprunt à long terme seraient, s’ils atteignent leur objectif, favorables à l’économie car ils diminueraient le risque de stagnation prolongée [1].
Selon cette logique la BCE devrait acheter les obligations des pays dans lesquels les écarts entre les taux d’emprunt et la rentabilité du capital sont les plus élevés, c'est-à-dire celles des pays périphériques de la zone euro. Ceci semble pourtant difficile à mettre en œuvre en raison de la réticence des pays du centre à un soutien monétaire asymétrique favorable aux pays en difficulté. Cette réticence est liée au fait que le risque de crédit que la BCE prendrait en achetant les obligations souveraines serait supporté par les pays membres au prorata de leurs souscriptions au capital de l’institution. La BCE a donc laissé entendre que les achats se feraient plutôt en fonction de la part du capital détenue par chaque pays dans la BCE, ce qui réserverait une place plus importante aux obligations allemandes, françaises et italiennes.
La politique monétaire devrait pourtant tenir compte des conditions macroéconomiques disparates dans les pays membres : être plus souple dans les pays périphériques et plus stricte dans les pays comme la France ou l’Allemagne. Mener la politique inverse pourrait avoir des conséquences dommageables : provoquer une inflation trop importante et favoriser la formation de bulles dans les pays du centre, tout en décourageant l’investissement dans les pays du Sud. La fragmentation de la zone euro n’en serait qu’accrue.
Malgré ce point d’interrogation, le programme d’achats d’obligations souveraines semble être le seul moyen dont dispose la BCE pour atteindre son objectif de stabilité des prix. Qu’elle l’envisage dans un contexte européen aussi compliqué témoigne de sa détermination à contrer le risque de déflation et renforce ainsi sa crédibilité. Cet effet de signal pourrait en lui-même favoriser des anticipations inflationnistes.
Les achats d’obligations souveraines pressentis pour 2015 semblent bien différents des deux programmes précédents, SMP (Securities Markets Programme) et OMT (Outright Monetary Transactions), qui avaient été annoncés dans le but de limiter la fragmentation financière de la zone. Depuis l’annonce de l’OMT en 2012 la fragmentation financière s’est considérablement atténuée et les écarts de taux souverains entre les pays membres ne semblent plus menacer la stabilité de la zone euro (graphique 1). Les achats d’obligations souveraines ont, cette fois-ci, pour objectif de faire baisser le niveau général des taux longs afin de stimuler l’investissement et la consommation dans la zone euro, et d’ainsi augmenter les pressions inflationnistes.
On remarque que les taux longs dans la zone euro sont déjà à un niveau historiquement bas. Cependant, afin de juger quel serait le niveau approprié des taux d’emprunt, il semble important de les comparer au taux de rentabilité marginal net du capital (« taux naturel » dans le cadre théorique de l’économiste suédois Knut Wicksell). Or, alors que les opportunités d’investissement rentables sont rares et que les entreprises accusent des pertes, il se peut que ce taux de rentabilité soit négatif. Ainsi, les taux d’emprunt bien que très bas sont encore trop élevés et découragent l’investissement. Dans ce contexte, les achats d’obligations souveraines par la BCE destinés à faire baisser les taux d’emprunt à long terme seraient, s’ils atteignent leur objectif, favorables à l’économie car ils diminueraient le risque de stagnation prolongée [1].
Selon cette logique la BCE devrait acheter les obligations des pays dans lesquels les écarts entre les taux d’emprunt et la rentabilité du capital sont les plus élevés, c'est-à-dire celles des pays périphériques de la zone euro. Ceci semble pourtant difficile à mettre en œuvre en raison de la réticence des pays du centre à un soutien monétaire asymétrique favorable aux pays en difficulté. Cette réticence est liée au fait que le risque de crédit que la BCE prendrait en achetant les obligations souveraines serait supporté par les pays membres au prorata de leurs souscriptions au capital de l’institution. La BCE a donc laissé entendre que les achats se feraient plutôt en fonction de la part du capital détenue par chaque pays dans la BCE, ce qui réserverait une place plus importante aux obligations allemandes, françaises et italiennes.
La politique monétaire devrait pourtant tenir compte des conditions macroéconomiques disparates dans les pays membres : être plus souple dans les pays périphériques et plus stricte dans les pays comme la France ou l’Allemagne. Mener la politique inverse pourrait avoir des conséquences dommageables : provoquer une inflation trop importante et favoriser la formation de bulles dans les pays du centre, tout en décourageant l’investissement dans les pays du Sud. La fragmentation de la zone euro n’en serait qu’accrue.
Malgré ce point d’interrogation, le programme d’achats d’obligations souveraines semble être le seul moyen dont dispose la BCE pour atteindre son objectif de stabilité des prix. Qu’elle l’envisage dans un contexte européen aussi compliqué témoigne de sa détermination à contrer le risque de déflation et renforce ainsi sa crédibilité. Cet effet de signal pourrait en lui-même favoriser des anticipations inflationnistes.
Graphique 1 : Taux d'intérêt sur les obligations souveraines à 10 ans (en %).
Source : Thomson Reuters Datastream.
[1] Voir à ce propos le billet de M. Aglietta du 29 avril 2014, « Les pays avancés doivent-ils craindre la stagnation séculaire ? »