Japon : une décennie pas si perdue que ça
Il serait facile d’ironiser sur la déconvenue de ceux chez qui les actions du gouvernement japonais (les « abenomics ») ont suscité une « japomania » aiguë. Selon une première estimation, le PIB japonais avait crû de 4,2 % en rythme annuel au premier trimestre 2013.
Par Jean-Pierre Patat
Billet du 22 août 2013
Cette croissance a été saluée comme le signe du réveil d’un pays en stagnation, alors qu’il n’était pas nécessaire de remonter loin dans le passé pour comptabiliser d’aussi bonnes, sinon de meilleures, performances. Ce chiffre vient d’être revu à la baisse, à 3,8 %, tandis que la croissance du deuxième trimestre n’a été que de 2,5 % (toujours en rythme annuel). A mon sens, ces chiffres ne signifient pas forcément que la politique gouvernementale a échoué, mais qu’il faudra un certain recul, en tout cas bien plus qu’un trimestre, pour porter un jugement valable.
Le propos de cette chronique sera plutôt de revenir sur cette « décennie perdue » qu’aurait subie l’économie japonaise. Une expression reprise en boucle par les commentateurs, tant sa réalité semble aller de soi. Si l’on peut bien parler de décennie perdue pour les années 1990 durant lesquelles le PIB n’a pratiquement pas augmenté, il n’en va pas de même pour les années 2000 : entre 1999 et 2012, le PIB japonais a augmenté, en prix constants, de 13 % contre 15 % et 16 % pour les PIB allemand et français. Il n’y a certes pas là de quoi pavoiser, mais on est loin d’une économie qui aurait été atone (d’autant plus que ce chiffre global a été amputé de 5 % au Japon, comme en Allemagne, avec la forte contraction du PIB observée en 2009).
En fait, estime un expert du Peterson Institute for International Economics, ce qui mine la croissance japonaise ce n’est ni la supposée déflation, ni l’état de son système bancaire (qui a d’ailleurs plutôt mieux supporté la crise que ceux des autres pays avancés), mais une démographie catastrophique (peu de naissances et pas d’immigration) qui fait que la population active a pratiquement stagné depuis 20 ans alors qu’elle augmentait de 23 % aux Etats-Unis et de près de 15 % en France. Et de fait, par rapport aux dernières années du siècle passé, la croissance du PIB japonais par unité de travail aura été de 14 %, inférieure certes à celle des Etats Unis (19 %) mais supérieure à celle de l’Allemagne (13 %) et à celle de la France (12 %).
Quelques remarques sur ces résultats.
Les travaux du Peterson Institute rappellent une vérité de bon sens, c’est que la croissance dépend du capital et du travail. La démographie est donc un paramètre important et ceux qui estiment qu’une population stagnante, ou déclinante, et vieillissante n’est pas un handicap pour un pays se trompent. Mais si, par conséquent, le diagnostic sur les causes de la relativement faible croissance japonaise est exact, et en dépit de la réserve de main d’œuvre que pourrait constituer une population féminine moins présente sur le marché du travail que dans les autre pays avancés, l’économie de l’archipel n’est pas prête à retrouver de forts rythmes de croissance, à moins de promouvoir une politique d’immigration massive (ce qui ne parait pas figurer dans les « abenomics ») Remarquons en passant que ce handicap démographique affecte également la France qui ne tire pas tout le bénéfice possible de sa vigoureuse croissance démographique, avec un taux d’activité particulièrement bas.
Dans ce contexte, l’engagement du gouvernement japonais de porter l’inflation à 2% (avec injonction à la Banque centrale de réaliser cette « performance ») n’est guère pertinent. Si les prix ont globalement stagné au Japon depuis le début du siècle, avec même des années de baisse, l’idée reçue d’une déflation doit être relativisée, compte tenu des performances tout de même non négligeables en matière de croissance. Allant plus loin, on peut même estimer cette quête de l’inflation absurde car si par hasard elle aboutissait, son résultat serait non pas de doper la croissance mais de faire monter les taux d’intérêt et d’alourdir le coût d’une dette publique représentant un pourcentage abyssal du PIB.
Le propos de cette chronique sera plutôt de revenir sur cette « décennie perdue » qu’aurait subie l’économie japonaise. Une expression reprise en boucle par les commentateurs, tant sa réalité semble aller de soi. Si l’on peut bien parler de décennie perdue pour les années 1990 durant lesquelles le PIB n’a pratiquement pas augmenté, il n’en va pas de même pour les années 2000 : entre 1999 et 2012, le PIB japonais a augmenté, en prix constants, de 13 % contre 15 % et 16 % pour les PIB allemand et français. Il n’y a certes pas là de quoi pavoiser, mais on est loin d’une économie qui aurait été atone (d’autant plus que ce chiffre global a été amputé de 5 % au Japon, comme en Allemagne, avec la forte contraction du PIB observée en 2009).
En fait, estime un expert du Peterson Institute for International Economics, ce qui mine la croissance japonaise ce n’est ni la supposée déflation, ni l’état de son système bancaire (qui a d’ailleurs plutôt mieux supporté la crise que ceux des autres pays avancés), mais une démographie catastrophique (peu de naissances et pas d’immigration) qui fait que la population active a pratiquement stagné depuis 20 ans alors qu’elle augmentait de 23 % aux Etats-Unis et de près de 15 % en France. Et de fait, par rapport aux dernières années du siècle passé, la croissance du PIB japonais par unité de travail aura été de 14 %, inférieure certes à celle des Etats Unis (19 %) mais supérieure à celle de l’Allemagne (13 %) et à celle de la France (12 %).
Quelques remarques sur ces résultats.
Les travaux du Peterson Institute rappellent une vérité de bon sens, c’est que la croissance dépend du capital et du travail. La démographie est donc un paramètre important et ceux qui estiment qu’une population stagnante, ou déclinante, et vieillissante n’est pas un handicap pour un pays se trompent. Mais si, par conséquent, le diagnostic sur les causes de la relativement faible croissance japonaise est exact, et en dépit de la réserve de main d’œuvre que pourrait constituer une population féminine moins présente sur le marché du travail que dans les autre pays avancés, l’économie de l’archipel n’est pas prête à retrouver de forts rythmes de croissance, à moins de promouvoir une politique d’immigration massive (ce qui ne parait pas figurer dans les « abenomics ») Remarquons en passant que ce handicap démographique affecte également la France qui ne tire pas tout le bénéfice possible de sa vigoureuse croissance démographique, avec un taux d’activité particulièrement bas.
Dans ce contexte, l’engagement du gouvernement japonais de porter l’inflation à 2% (avec injonction à la Banque centrale de réaliser cette « performance ») n’est guère pertinent. Si les prix ont globalement stagné au Japon depuis le début du siècle, avec même des années de baisse, l’idée reçue d’une déflation doit être relativisée, compte tenu des performances tout de même non négligeables en matière de croissance. Allant plus loin, on peut même estimer cette quête de l’inflation absurde car si par hasard elle aboutissait, son résultat serait non pas de doper la croissance mais de faire monter les taux d’intérêt et d’alourdir le coût d’une dette publique représentant un pourcentage abyssal du PIB.
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