La Fed ressemblera-t-elle bientôt à la BCE ?
Les critiques que l’action de l’institution suscite amènent un programme de réformes assez décoiffant, dont les deux principaux points sont la limitation du mandat à la stabilité des prix et le droit de vote aux décisions du FOMC donné à toutes les Fed régionales.
Par Jean-Pierre Patat
Billet du 4 juin 2014
C’est la question que l’on peut se poser en découvrant le tombereau de critiques que l’action de l’institution suscite chez un grand nombre de parlementaires américains, la plupart du parti républicain, et les propositions de réformes assez radicales qui les accompagnent. De telles actions, dont les partisans sont loin de se limiter aux adeptes du tea party, n’ont évidemment aucune chance d’aboutir tant que les Républicains n’auront pas conquis la Maison blanche et les deux chambres du congrès. Elles peuvent néanmoins surprendre des Européens qui croient que l’admiration généralement professée envers la Fed de ce côté-ci de l’Atlantique est partagée par tous les Américains.
Voyons d’abord les principales critiques :
Voyons d’abord les principales critiques :
- Les rachats par la Fed de mortgage back securities encouragent un retour de la spéculation immobilière et ses rachats de titres de la dette publique encouragent la poursuite d’une politique d’endettement irresponsable. Fondées ou non, ces critiques perdront de leur valeur au fur et à mesure que la Fed réduira le montant de ses actions de ce type, comme elle a commencé à le faire.
- Les taux d’intérêt trop bas créent des bulles spéculatives, favorisent Wall Street et les épargnants sophistiqués au détriment des petits épargnants qui ne retirent plus que des revenus insignifiants de leurs placements. Ceci n’est pas niable et ne se limite d’ailleurs pas aux États-Unis. Partout, des placements traditionnels comme les contrats d’assurance ne rapportent presque plus rien et la santé des bourses contraste avec une croissance économique au mieux modérée.
- Les injections massives de liquidités par rachats de titres créent les conditions d’une future inflation. Comme beaucoup, ces critiques confondent accroissement de la monnaie centrale qui résulte pour l’essentiel de l’action de la Fed et accroissement de la masse monétaire, qui est marginal. De toutes manières, lorsque les capacités de production sont largement sous-utilisées, ce qui est le cas, même aux États-Unis, il est bien difficile de « faire » de l’inflation.
- La poursuite de deux objectifs souvent contradictoires, plein emploi et faible inflation, rend la banque centrale inefficace dans les deux domaines. Une critique théoriquement fondée, en pratique totalement infondée car l’expérience a montré que la banque centrale n’a jamais poursuivi simultanément les deux objectifs et qu’en réalité elle donne priorité à la stabilité des prix, soit en n’hésitant pas à sacrifier la croissance et l’emploi, comme le fit Volker dans les années 1980, soit en profitant d’une conjoncture où le risque d’inflation est très faible, comme c’est le cas aujourd’hui, et où elle ne prend pas grand risque à mener une politique censée favoriser la croissance et l’emploi.
Ces critiques amènent un programme de réformes assez décoiffant, dont les deux principaux points sont la limitation du mandat à la stabilité des prix et le droit de vote aux décisions du FOMC donné à toutes les Fed régionales.
Alors qu’en Europe de nombreuses voix, qui reprennent vigueur à l’approche des élections européennes, demandent que le mandat de la BCE soit élargi au soutien de la croissance, il peut paraitre incongru que des Américains demandent l’alignement du mandat de leur banque centrale sur celui de la BCE. Un débat largement surjoué car si d’aventure ces deux propositions étaient actées, cela ne changerait absolument rien au fonctionnement et aux objectifs poursuivis en pratique par les deux banques centrales.
Quant à la demande de droits de vote pour les présidents des douze Fed régionales, alors qu’actuellement, un système de rotation ne permet qu’à sept d’entre eux de voter, c’est une réaction à ce qui est considéré comme l’emprise de Wall Street (la Fed de New York a un droit de vote permanent) et de Washington sur l’institution. Peut être qu’un FOMC à douze serait gérable. La BCE où siègent 17 gouverneurs/présidents de banque centrale et les 6 membres du directoire, soit 23 personnes, s’est en tout cas engagée dans une voie proche de celle suivie aujourd’hui par la FED : personne sauf les membres du directoire, ne vote tout le temps, certains votent 4 fois sur 5, d’autres 3 fois sur 5, … 2 fois sur 5, etc. Dans la mesure où tout le monde peut assister aux réunions, et s’exprimer, la tyrannie de certains (en général venant de « petits » pays) n’est guère émoussée.
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