Le 15 novembre 2008, la déclaration commune du premier sommet du G20, réuni dans l’urgence pour coordonner les réponses à la crise financière, fut l’occasion pour les chefs d’État et de gouvernement de souligner « combien il est vital de rejeter le protectionnisme » et d’annoncer leurs efforts pour « parvenir cette année à un accord […] conduisant à la conclusion de l’agenda pour le développement de Doha », le cycle de négociations multilatérales alors en cours sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dix ans plus tard presque jour pour jour, le président américain tweetait fièrement qu’il était « un homme de droits de douane » (« I am a Tariff Man », dans un tweet du 4 décembre 2018). En une décennie, les recommandations d’ouverture convenues ont fait place à la revendication du protectionnisme comme argument électoral, tandis que les menaces de droits de douane additionnels remplaçaient les rappels obligés à la nécessité de nouvelles libéralisations. Ce renversement saisissant illustre l’ampleur du chamboulement du contexte institutionnel et politique du commerce international. Si la politique commerciale de l’administration Trump en est la manifestation emblématique, elle est loin d’en être la seule. La nature profonde des tensions actuelles et leurs répercussions potentielles tiennent aussi aux évolutions de l’économie mondiale, qui ont déstabilisé les fondements du système commercial multilatéral tout en rendant sa réforme très difficile. La crise commerciale actuelle n’est pas spécifique à un acteur, fût-il le premier ; pour emprunter au vocabulaire financier, elle est systémique, dans le sens où elle ébranle l’organisation institutionnelle des échanges internationaux en tant qu’ensemble organisé et cohérent. [...]
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