Matières premières critiques : vers l'autonomie stratégique européenne ?
Romain Capliez
Carl Grekou
Emmanuel Hache
Valérie Mignon
Romain Capliez
Carl Grekou
Emmanuel Hache
Valérie Mignon
Utilisées dans tous les secteurs d’activité, les matières premières critiques, incluant notamment les métaux, sont présentes dans de multiples objets de la vie quotidienne : appareils de télécommunication (téléphones portables, ordinateurs), moyens de transport (véhicules électriques), produits agricoles (engrais), composants électroniques (semi-conducteurs) ou matériel médical. Elles sont essentielles à la réalisation de la transition écologique, au sens où ce sont de véritables leviers de déploiement de l’ensemble des équipements bas-carbone [Hache et Louvet, 2023]. L’aluminium, l’argent, le cuivre et le silicium sont présents dans les panneaux solaires ; le cuivre et le nickel dans les éoliennes ; le cobalt, le cuivre, le lithium, le nickel et les terres rares dans les véhicules électriques. Les minerais et métaux critiques ne sont pas seulement indispensables à la transition bas-carbone, ils accompagnent également la transition numérique de nos sociétés et se révèlent donc cruciaux pour le devenir de nos sociétés.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe à l’horizon 2050 une multiplication par 10 des besoins en lithium, par 3 en cobalt et par 2 en cuivre. Plus globalement, le respect des accords de Paris conclus lors de la COP21 et la limitation à 2 °C du réchauffement climatique d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle se traduiraient par une multiplication par 4 de la consommation globale de minerais. Les enjeux entourant ces matières premières sont cruciaux à divers égards, tant au niveau économique que géopolitique. On peut en effet s’attendre à une concurrence accrue entre les grandes puissances économiques – Chine, États-Unis, Japon, Europe – afin de sécuriser leurs besoins.
La Chine a, bien avant les autres pays, pleinement saisi ces enjeux et est aujourd’hui en position dominante sur une très grande partie des chaînes de valeur associées aux métaux critiques. Il en résulte une très forte dépendance des économies occidentales à l’empire du Milieu, ainsi que l’a très clairement illustré la dynamique économique post-Covid-19 et la désorganisation des chaînes d’approvisionnement mondiales qui a suivi la pandémie. Les entreprises occidentales, et tout particulièrement européennes, sont apparues trop souvent dépendantes des fournisseurs chinois, notamment pour l’approvisionnement en matériel médical ou en composants électroniques. Cet épisode met en avant l’importance de la diversification des sources d’approvisionnement afin de limiter les risques de pénuries.
Dans ce contexte, de quels voies et moyens disposent les pays de l’Union européenne (UE) pour se soustraire à la dépendance chinoise ? Si l’Europe a récemment adopté un règlement sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act – CRMA) afin de répondre – au moins en partie – à cette interrogation, la question n’est pas nouvelle. La première communication de l’UE sur l’approvisionnement en matières premières remonte à 1975. Toutefois, le sujet a pris une importance considérable à partir de la fin des années 2000 avec l’initiative sur les matériaux critiques lancée en 2008 et la crise des terres rares de 2009-2010, résultant des restrictions à l’exportation imposées par la Chine à la suite d’un contentieux territorial avec le Japon sur les îles Senkaku (Diaoyou). Cela a conduit l’UE à publier en 2011 sa première liste de matériaux critiques, incluant quatorze matières premières, afin de définir les priorités d’action et les points de dépendance de l’Union.
Avant de présenter les politiques mises en place par l’UE pour sécuriser ses approvisionnements et réduire sa dépendance à la Chine, commençons par rappeler comment ce pays est devenu un acteur incontournable dans le secteur des minerais et métaux stratégiques.
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L’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe à l’horizon 2050 une multiplication par 10 des besoins en lithium, par 3 en cobalt et par 2 en cuivre. Plus globalement, le respect des accords de Paris conclus lors de la COP21 et la limitation à 2 °C du réchauffement climatique d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle se traduiraient par une multiplication par 4 de la consommation globale de minerais. Les enjeux entourant ces matières premières sont cruciaux à divers égards, tant au niveau économique que géopolitique. On peut en effet s’attendre à une concurrence accrue entre les grandes puissances économiques – Chine, États-Unis, Japon, Europe – afin de sécuriser leurs besoins.
La Chine a, bien avant les autres pays, pleinement saisi ces enjeux et est aujourd’hui en position dominante sur une très grande partie des chaînes de valeur associées aux métaux critiques. Il en résulte une très forte dépendance des économies occidentales à l’empire du Milieu, ainsi que l’a très clairement illustré la dynamique économique post-Covid-19 et la désorganisation des chaînes d’approvisionnement mondiales qui a suivi la pandémie. Les entreprises occidentales, et tout particulièrement européennes, sont apparues trop souvent dépendantes des fournisseurs chinois, notamment pour l’approvisionnement en matériel médical ou en composants électroniques. Cet épisode met en avant l’importance de la diversification des sources d’approvisionnement afin de limiter les risques de pénuries.
Dans ce contexte, de quels voies et moyens disposent les pays de l’Union européenne (UE) pour se soustraire à la dépendance chinoise ? Si l’Europe a récemment adopté un règlement sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act – CRMA) afin de répondre – au moins en partie – à cette interrogation, la question n’est pas nouvelle. La première communication de l’UE sur l’approvisionnement en matières premières remonte à 1975. Toutefois, le sujet a pris une importance considérable à partir de la fin des années 2000 avec l’initiative sur les matériaux critiques lancée en 2008 et la crise des terres rares de 2009-2010, résultant des restrictions à l’exportation imposées par la Chine à la suite d’un contentieux territorial avec le Japon sur les îles Senkaku (Diaoyou). Cela a conduit l’UE à publier en 2011 sa première liste de matériaux critiques, incluant quatorze matières premières, afin de définir les priorités d’action et les points de dépendance de l’Union.
Avant de présenter les politiques mises en place par l’UE pour sécuriser ses approvisionnements et réduire sa dépendance à la Chine, commençons par rappeler comment ce pays est devenu un acteur incontournable dans le secteur des minerais et métaux stratégiques.
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