Trump, le climat et le retour de l’incertitude
L’élection fin 2016 de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis avait mis en émoi la communauté climatique, alors réunie à Marrakech pour mettre en œuvre les engagements pris à Paris. La chose est désormais entendue : le président américain a fait le choix d’un radical «isolationnisme climatique». Un oxymore évidemment intenable.
Par Michel Aglietta, Etienne Espagne, Baptiste Perrissin Fabert
La question du climat et celle de l’avenir de la mondialisation sont en réalité étroitement liées. Elles révèlent un monde intégré qui a un besoin crucial de règles du jeu et de reconnaissance mutuelle des problèmes par les puissances publiques. Tout comme l’accroissement global des inégalités, le changement climatique est un symptôme aigu d’une mondialisation économique et financière dépourvue de sens et de règles communes. Si la décision de Donald Trump a heureusement suscité un mouvement de résistance civile aux Etats-Unis, ainsi que des réactions diplomatiques indignées dans le reste du monde, elle confirme toutefois l’entrée dans une nouvelle ère d’incertitude économique et financière.
Le momentum de la COP21 avait encouragé les principales enceintes de la gouvernance économique et financière mondiale à «climatiser» l’ensemble du secteur financier. La communauté financière, qui était jusqu’alors plutôt indifférente au climat, a commencé à s’approprier le sujet sous l’angle des risques multiformes encourus. Le G20 avait ainsi demandé en 2016 au Conseil de Stabilité Financière, qui a pour mission d’identifier les vulnérabilités financières mondiales, de se pencher sur la transparence des risques climatiques. Parmi ceux-ci, le risque de transition d'un monde carboné à un monde décarboné était apparu comme particulièrement critique pour le secteur des énergies fossiles dont 80% des réserves prouvées de charbon, de pétrole et de gaz doivent être laissés sous terre dans un scénario 2°C.
La décision du Président Trump remet en cause la matérialité même des risques climatiques et vient d’abord brouiller ces efforts de transparence sur les risques climatiques initiés depuis la COP21. En prétendant qu’il est possible de relancer la croissance américaine par le secteur de l’industrie fossile, il envoie ainsi aux investisseurs un contre-signal qui fragilise, quoiqu’on en pense, le consensus financier en cours de formation en faveur de la transition bas carbone. Cela ne peut qu’accroître l’incertitude et ainsi pénaliser les investissements de long terme plus que jamais nécessaires. C’est en cela que la décision politique de Trump est certainement la plus nocive.
Mais la décision de Donald Trump agit aussi comme un miroir de nos insuffisances. Elle révèle que des mesures de transparence volontaire sur les risques climatiques ne peuvent suffire à elles seules à « climatiser » la finance et à bâtir une intermédiation financière capable de redonner un « sens » à l’épargne de long terme. Une impulsion politique est en effet indispensable pour fixer un cadre macro-prudentiel qui nous protège du risque systémique d’origine climatique, mais aussi pour garantir que les efforts de réduction d’émissions de CO2 soient reconnus à une valeur suffisamment élevée pour déclencher les investissements de la transition. Les récentes conclusions de la commission Stern-Stiglitz, sous l’égide de la coalition mondiale pour la tarification du carbone, sont, à ce titre, très précieuses car elles permettent de définir un corridor de telles valeurs à l’échelle du monde.
L’Union Européenne, avec l’appui de son réseau de banques publiques d’investissement et de développement a théoriquement tous les outils en main pour contrer ce retour inquiétant de l’incertitude face au climat et convaincre ses propres concitoyens comme le reste du monde, qu’un autre modèle de prospérité est possible.
Cet article a été publié dans Le Monde Economie du 28 juin 2017.
Le momentum de la COP21 avait encouragé les principales enceintes de la gouvernance économique et financière mondiale à «climatiser» l’ensemble du secteur financier. La communauté financière, qui était jusqu’alors plutôt indifférente au climat, a commencé à s’approprier le sujet sous l’angle des risques multiformes encourus. Le G20 avait ainsi demandé en 2016 au Conseil de Stabilité Financière, qui a pour mission d’identifier les vulnérabilités financières mondiales, de se pencher sur la transparence des risques climatiques. Parmi ceux-ci, le risque de transition d'un monde carboné à un monde décarboné était apparu comme particulièrement critique pour le secteur des énergies fossiles dont 80% des réserves prouvées de charbon, de pétrole et de gaz doivent être laissés sous terre dans un scénario 2°C.
La décision du Président Trump remet en cause la matérialité même des risques climatiques et vient d’abord brouiller ces efforts de transparence sur les risques climatiques initiés depuis la COP21. En prétendant qu’il est possible de relancer la croissance américaine par le secteur de l’industrie fossile, il envoie ainsi aux investisseurs un contre-signal qui fragilise, quoiqu’on en pense, le consensus financier en cours de formation en faveur de la transition bas carbone. Cela ne peut qu’accroître l’incertitude et ainsi pénaliser les investissements de long terme plus que jamais nécessaires. C’est en cela que la décision politique de Trump est certainement la plus nocive.
Mais la décision de Donald Trump agit aussi comme un miroir de nos insuffisances. Elle révèle que des mesures de transparence volontaire sur les risques climatiques ne peuvent suffire à elles seules à « climatiser » la finance et à bâtir une intermédiation financière capable de redonner un « sens » à l’épargne de long terme. Une impulsion politique est en effet indispensable pour fixer un cadre macro-prudentiel qui nous protège du risque systémique d’origine climatique, mais aussi pour garantir que les efforts de réduction d’émissions de CO2 soient reconnus à une valeur suffisamment élevée pour déclencher les investissements de la transition. Les récentes conclusions de la commission Stern-Stiglitz, sous l’égide de la coalition mondiale pour la tarification du carbone, sont, à ce titre, très précieuses car elles permettent de définir un corridor de telles valeurs à l’échelle du monde.
L’Union Européenne, avec l’appui de son réseau de banques publiques d’investissement et de développement a théoriquement tous les outils en main pour contrer ce retour inquiétant de l’incertitude face au climat et convaincre ses propres concitoyens comme le reste du monde, qu’un autre modèle de prospérité est possible.
Cet article a été publié dans Le Monde Economie du 28 juin 2017.