Jackson Hole : le bilan de la Fed met en lumière les handicaps de l'Europe
Le symposium annuel des banquiers centraux à Jackson Hole est un événement très attendu en ces temps de crise. Cette année l’interrogation portait sur l’efficacité des politiques monétaires non conventionnelles et la capacité de les poursuivre. L’exposé de Ben Bernanke met en lumière les handicaps de la zone euro.
Par Michel Aglietta
Billet du 4 septembre 2012
Le discours de Ben Bernanke en ouverture du traditionnel symposium de la Fed était très attendu dans la conjoncture incertaine du second semestre 2012. Le président de la Fed a mis l’accent sur l’efficacité des politiques non conventionnelles déployées à partir de novembre 2008 et poursuivies lorsque le taux directeur de la politique monétaire a atteint la barrière zéro. Elles consistent dans les achats répétés de titres de l’Etat fédéral ou des agences publiques, soit secs (quantitative easing), soit en contrepartie de vente de titres à court terme (operation twist). Ces actions ont été complétées d’un guidage des anticipations par l’annonce de maintien de taux très bas jusqu’à fin 2014, sauf indications fortes d’une amélioration substantielle du marché de l’emploi.
La transmission à l’économie de ces impulsions repose sur l’imparfaite substituabilité entre les titres publics et privés dans le comportement des épargnants et sur le signal que la banque centrale donne en annonçant son intention de maintenir des taux très bas très longtemps. D’après les études disponibles, l’effet total de l’augmentation du bilan de la Fed atteignant $2 300mds a été une baisse du taux à 10 ans des obligations fédérales de 80 à 120pb. L’impact sur l’économie est plus incertain parce que sa quantification requiert l’usage de modèles macroéconomiques. Selon Ben Bernanke, le PIB aurait été accru de 3% sur trois ans et l’emploi de 2 millions de personnes par rapport à ce qui aurait eu lieu en l’absence de cette politique offensive.
De fait, la croissance de l’économie américaine est sur un rythme annuel de 1,7%, alors que la zone euro a tutoyé la récession depuis deux trimestres. La BCE a certes mené une politique non conventionnelle en refinançant à trois ans les banques pour plus de €2 000mds. Mais cette action, appelée Long Term Refinancing Operation n’a pas eu d’effet notable sur la dépense du secteur privé, parce que le canal de transmission des impulsions monétaires par le crédit bancaire est coupé, les banques étant paralysées par les pertes latentes dans leurs bilans et donc leurs besoins d’accroître leurs fonds propres. Au contraire, le Quantitative Easing repose sur le canal de réaménagement des portefeuilles de l’ensemble des acteurs économiques.
Plus fondamentalement, c’est la tare originelle de l’euro, monnaie commune d’un ensemble d’économies hétéroclites et d’une association d’Etats aux intérêts contradictoires, qui se trouve derrière la différence d’efficacité des politiques monétaires. A partir du début de 2010 les taux d’intérêt à dix ans sur les obligations d’Etat aux Etats-Unis et en zone euro (taux moyen pondéré des taux nationaux) ont divergé de manière dramatique. D’un niveau semblable autour de 3,7%, le taux américain est descendu en dessous de 2%, tandis que le taux européen grimpait presqu’à 5%.
Cette divergence illustre l’effet ravageur de la fragmentation de l’espace financier européen. Tant que ce marché ne sera pas réunifié par la conversion progressive des titres nationaux en Eurobonds et tant que la BCE n’achètera pas directement de la dette publique des pays membres de la zone euro, la politique monétaire sera largement impuissante à éviter l’irrémédiable glissement de la zone euro dans le syndrome japonais avec l’éclatement possible de la zone au bout de la descente aux enfers.
La transmission à l’économie de ces impulsions repose sur l’imparfaite substituabilité entre les titres publics et privés dans le comportement des épargnants et sur le signal que la banque centrale donne en annonçant son intention de maintenir des taux très bas très longtemps. D’après les études disponibles, l’effet total de l’augmentation du bilan de la Fed atteignant $2 300mds a été une baisse du taux à 10 ans des obligations fédérales de 80 à 120pb. L’impact sur l’économie est plus incertain parce que sa quantification requiert l’usage de modèles macroéconomiques. Selon Ben Bernanke, le PIB aurait été accru de 3% sur trois ans et l’emploi de 2 millions de personnes par rapport à ce qui aurait eu lieu en l’absence de cette politique offensive.
De fait, la croissance de l’économie américaine est sur un rythme annuel de 1,7%, alors que la zone euro a tutoyé la récession depuis deux trimestres. La BCE a certes mené une politique non conventionnelle en refinançant à trois ans les banques pour plus de €2 000mds. Mais cette action, appelée Long Term Refinancing Operation n’a pas eu d’effet notable sur la dépense du secteur privé, parce que le canal de transmission des impulsions monétaires par le crédit bancaire est coupé, les banques étant paralysées par les pertes latentes dans leurs bilans et donc leurs besoins d’accroître leurs fonds propres. Au contraire, le Quantitative Easing repose sur le canal de réaménagement des portefeuilles de l’ensemble des acteurs économiques.
Plus fondamentalement, c’est la tare originelle de l’euro, monnaie commune d’un ensemble d’économies hétéroclites et d’une association d’Etats aux intérêts contradictoires, qui se trouve derrière la différence d’efficacité des politiques monétaires. A partir du début de 2010 les taux d’intérêt à dix ans sur les obligations d’Etat aux Etats-Unis et en zone euro (taux moyen pondéré des taux nationaux) ont divergé de manière dramatique. D’un niveau semblable autour de 3,7%, le taux américain est descendu en dessous de 2%, tandis que le taux européen grimpait presqu’à 5%.
Cette divergence illustre l’effet ravageur de la fragmentation de l’espace financier européen. Tant que ce marché ne sera pas réunifié par la conversion progressive des titres nationaux en Eurobonds et tant que la BCE n’achètera pas directement de la dette publique des pays membres de la zone euro, la politique monétaire sera largement impuissante à éviter l’irrémédiable glissement de la zone euro dans le syndrome japonais avec l’éclatement possible de la zone au bout de la descente aux enfers.
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