Les services, une activité d'avenir pour l'industrie
De plus en plus d’entreprises manufacturières françaises produisent également des services pour compte d’autrui. Une récente étude du CEPII montre qu’en s’engageant dans la production de services, ces entreprises accroissent profits, emploi et ventes, sans même que cela nuise à leur activité manufacturière.
Par Matthieu Crozet, Emmanuel Milet
Billet du 3 novembre 2015
Une étude du CEPII publiée en 2014 [1] a révélé, par une analyse détaillée des bilans des entreprises manufacturières françaises, qu’une très large majorité de celles-ci produisait aussi des services pour compte d’autrui. Cette tendance à la « servitisation » va en s’amplifiant, lentement mais régulièrement, ce qui dénote une évolution profonde de l’industrie à même de bouleverser les stratégies des entreprises et leur compétitivité.
L’engagement dans la vente de services est rarement anodin pour un industriel. A minima cela revient à ajouter un nouveau produit au portefeuille offert par l’entreprise. Au plus, l’engagement dans la production de services correspond à un changement profond de la structure de l’entreprise, de son approche de la production et de ses relations clients. C’est bien ce que l’on observe lorsque, par exemple, un producteur du secteur électronique s’engage dans la fourniture de solutions intégrées. Le bien manufacturé n’est alors plus qu’un des éléments constitutif d’un ensemble plus complexe qui associe des services complémentaires (logiciels, installation, formations), des modes de financement (prêts, leasing), d’assurance (garantie). Les gains espérés des stratégies de servitisation dépendent des formes que ces dernières prennent. Il peut s’agir simplement d’ajouter une nouvelle source de revenus, potentiellement moins sensible aux cycles économiques et soumise à une concurrence moins pressante (en étant notamment à l’abri de la concurrence internationale). Il peut aussi s’agir d’un moyen d’accroitre la fidélité des consommateurs et de se différencier des concurrents en proposant des services spécifiques venant complémenter l’usage du bien physique.
Dans tous les cas, le passage à la production de services nécessite des investissements spécifiques et impose certains bouleversements organisationnels. Il s’agit pour l’entreprise de maitriser des compétences nouvelles et de gérer des activités très distinctes. Ces coûts peuvent parfois dépasser les gains espérés. De nombreuses études de cas soulignent que la servitisation n’est pas forcément une stratégie gagnante pour les industriels [2]. Mais, au-delà des cas étudiés, Il existe très peu de constats solides sur les bienfaits de ces stratégies, fondés sur des bases de données larges et véritablement représentatives de la population des entreprises industrielles [3]. Une étude récente du CEPII tente de combler ce vide et d’évaluer les conséquences de la servitisation sur les performances et la compétitivité de l’industrie française [4].
L’étude s’appuie sur un panel de plus de 50 000 entreprises industrielles couvrant la période 1997-2007. Elle cherche à identifier l’impact du passage à la production de services sur les performances des entreprises en termes de profitabilité, de ventes et d’emploi.
Le graphique 1 compare les taux de profits (en %) et le nombre d’employés (en logarithme) des entreprises « servicifiées » et des entreprises « purement industrielles ». Les graphiques montrent la différence de performance selon la part des services dans la production totale [5]. Le différentiel de performance apparaît clairement. Les entreprises servicifiées ont un taux de marge supérieur d’environs 3,5 points de pourcentage (soit, compte tenu du taux de marge moyen dans notre échantillon, une différence de plus de 7 %). En termes d’emploi, la différence est encore plus nette : les entreprises industrielles réalisant environs 10 % de leur chiffre d’affaire dans les services emploient en moyennes deux fois plus de salariés que les entreprises non-servicifiées.
Ces résultats ne sont cependant que des simples corrélations et ne nous disent rien d’un éventuel effet causal. La décision de produire des services n’est en effet pas indépendante des performances des entreprises, et on peut s’attendre à un effet de sélection très fort. Seules les entreprises suffisamment grandes, profitables et ambitieuses peuvent disposer des ressources financières et humaines nécessaires pour investir dans une nouvelle activité de services. Mais une analyse économétrique minutieuse permettant de contrôler de ces biais de sélection révèle un effet causal très significatif de la servitisation. En moyenne, en s’engageant dans la production de services, les entreprise accroissent leur taux de marge de 4 % à 5 %, leur emploi de 30 %, et leurs ventes totales de près de 4 %. De plus, cette expansion ne se fait pas au détriment de la production manufacturière : la production de biens augmente aussi, de plus de 3,5 %.
Ces effets révélés par l’analyse économétrique, notamment ceux sur le niveau d’emploi, peuvent étonner par leur ampleur, mais il est nécessaire de les relativiser. Ainsi, l’essentiel de notre échantillon est composé de PME et c’est surtout pour ces dernières que l’on observe un effet positif des stratégies de servitisation. Le nombre de salariés médian dans notre échantillon n’est que de 9. Une hausse de 30 % de l’emploi dans les entreprises qui se lancent dans la production de services correspond alors à la création de deux nouveaux emplois. Il faut aussi prendre garde à ne pas tirer hâtivement de conclusions macroéconomiques de ces résultats micro-économétriques qui ne prennent pas en compte les effets d’équilibre général (perte de compétitivité des entreprises industrielles non-servicifiées, intensification de la concurrence perçue par les entreprises de services, etc).
Il n’en reste pas moins que la production de services en complément de la production de biens semble effectivement une voie de progression de la compétitivité. Une partie de l’avenir de l’industrie passe bien par les services.
L’engagement dans la vente de services est rarement anodin pour un industriel. A minima cela revient à ajouter un nouveau produit au portefeuille offert par l’entreprise. Au plus, l’engagement dans la production de services correspond à un changement profond de la structure de l’entreprise, de son approche de la production et de ses relations clients. C’est bien ce que l’on observe lorsque, par exemple, un producteur du secteur électronique s’engage dans la fourniture de solutions intégrées. Le bien manufacturé n’est alors plus qu’un des éléments constitutif d’un ensemble plus complexe qui associe des services complémentaires (logiciels, installation, formations), des modes de financement (prêts, leasing), d’assurance (garantie). Les gains espérés des stratégies de servitisation dépendent des formes que ces dernières prennent. Il peut s’agir simplement d’ajouter une nouvelle source de revenus, potentiellement moins sensible aux cycles économiques et soumise à une concurrence moins pressante (en étant notamment à l’abri de la concurrence internationale). Il peut aussi s’agir d’un moyen d’accroitre la fidélité des consommateurs et de se différencier des concurrents en proposant des services spécifiques venant complémenter l’usage du bien physique.
Dans tous les cas, le passage à la production de services nécessite des investissements spécifiques et impose certains bouleversements organisationnels. Il s’agit pour l’entreprise de maitriser des compétences nouvelles et de gérer des activités très distinctes. Ces coûts peuvent parfois dépasser les gains espérés. De nombreuses études de cas soulignent que la servitisation n’est pas forcément une stratégie gagnante pour les industriels [2]. Mais, au-delà des cas étudiés, Il existe très peu de constats solides sur les bienfaits de ces stratégies, fondés sur des bases de données larges et véritablement représentatives de la population des entreprises industrielles [3]. Une étude récente du CEPII tente de combler ce vide et d’évaluer les conséquences de la servitisation sur les performances et la compétitivité de l’industrie française [4].
L’étude s’appuie sur un panel de plus de 50 000 entreprises industrielles couvrant la période 1997-2007. Elle cherche à identifier l’impact du passage à la production de services sur les performances des entreprises en termes de profitabilité, de ventes et d’emploi.
Le graphique 1 compare les taux de profits (en %) et le nombre d’employés (en logarithme) des entreprises « servicifiées » et des entreprises « purement industrielles ». Les graphiques montrent la différence de performance selon la part des services dans la production totale [5]. Le différentiel de performance apparaît clairement. Les entreprises servicifiées ont un taux de marge supérieur d’environs 3,5 points de pourcentage (soit, compte tenu du taux de marge moyen dans notre échantillon, une différence de plus de 7 %). En termes d’emploi, la différence est encore plus nette : les entreprises industrielles réalisant environs 10 % de leur chiffre d’affaire dans les services emploient en moyennes deux fois plus de salariés que les entreprises non-servicifiées.
Ces résultats ne sont cependant que des simples corrélations et ne nous disent rien d’un éventuel effet causal. La décision de produire des services n’est en effet pas indépendante des performances des entreprises, et on peut s’attendre à un effet de sélection très fort. Seules les entreprises suffisamment grandes, profitables et ambitieuses peuvent disposer des ressources financières et humaines nécessaires pour investir dans une nouvelle activité de services. Mais une analyse économétrique minutieuse permettant de contrôler de ces biais de sélection révèle un effet causal très significatif de la servitisation. En moyenne, en s’engageant dans la production de services, les entreprise accroissent leur taux de marge de 4 % à 5 %, leur emploi de 30 %, et leurs ventes totales de près de 4 %. De plus, cette expansion ne se fait pas au détriment de la production manufacturière : la production de biens augmente aussi, de plus de 3,5 %.
Ces effets révélés par l’analyse économétrique, notamment ceux sur le niveau d’emploi, peuvent étonner par leur ampleur, mais il est nécessaire de les relativiser. Ainsi, l’essentiel de notre échantillon est composé de PME et c’est surtout pour ces dernières que l’on observe un effet positif des stratégies de servitisation. Le nombre de salariés médian dans notre échantillon n’est que de 9. Une hausse de 30 % de l’emploi dans les entreprises qui se lancent dans la production de services correspond alors à la création de deux nouveaux emplois. Il faut aussi prendre garde à ne pas tirer hâtivement de conclusions macroéconomiques de ces résultats micro-économétriques qui ne prennent pas en compte les effets d’équilibre général (perte de compétitivité des entreprises industrielles non-servicifiées, intensification de la concurrence perçue par les entreprises de services, etc).
Il n’en reste pas moins que la production de services en complément de la production de biens semble effectivement une voie de progression de la compétitivité. Une partie de l’avenir de l’industrie passe bien par les services.
Graphique 1 : Performances des entreprises « servicifiées » par rapport à celles des entreprises « purement industrielles » |
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[2] C’est le « paradoxe des services » décrit notamment par H. Gebauer, E. Fleisch et T. Friedli (2005), Overcoming the Service Paradox in Manufacturing Companies, European Management Journal, 23(1).
[3] La plupart des études quantitatives existantes reposent sur des échantillons d’entreprises très spécifiques, limités le plus souvent à quelques secteurs ou à un petit nombre de grandes firmes.
[5] On reporte ici les différences de performances, une fois pris en compte les variations annuelles et des spécificités sectorielles.
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