CEPII, Recherche et Expertise sur l'economie mondiale
La méthode communautaire à l'épreuve de la crise


Renaud Dehousse

L’intégration européenne a longtemps été fondée sur un système opérationnel original. Ce que l’on a appelé la « méthode communautaire » repose sur quelques principes simples, destinés à garantir un équilibre entre les différents intérêts qui coexistent au sein de l’Union, et que la Commission européenne [2001] résume en peu de mots : « La méthode communautaire garantit à la fois la diversité et l’efficacité de l’Union. Elle assure le traitement équitable de tous les États membres, des plus grands aux plus petits […]. – La Commission européenne est la seule à formuler des propositions législatives et de politiques. Son indépendance renforce sa capacité d’exécuter les politiques, d’être la gardienne du traité et de représenter la Communauté dans les négociations internationales. – Les actes législatifs et budgétaires sont adoptés par le Conseil des ministres (représentant les États membres) et le Parlement européen (représentant les citoyens). L’emploi du vote à la majorité qualifiée au Conseil est un élément essentiel pour assurer l’efficacité de cette méthode. L’exécution des politiques est confiée à la Commission et aux autorités nationales. – La Cour de justice des Communautés européennes garantit le respect de l’état de droit. »
Dans l’ensemble, ce système a fait preuve d’une grande stabilité. Conçu au départ pour une communauté de six États, il s’étend désormais à la quasi-totalité du continent ; au cours des nombreuses révisions des traités fondateurs, on s’est efforcé de ne pas bouleverser l’équilibre initial. Durant la convention sur l’avenir de l’Europe, par exemple, un groupe d’« amis de la méthode communautaire » s’était assigné la tâche de veiller à ce que les changements proposés n’en menacent pas les fondements.
Depuis le traité de Maastricht, toutefois, des fissures sont apparues dans ce bel édifice. La légitimité de l’Union est maintenant ouvertement contestée, tant dans les milieux universitaires que par certaines forces politiques. Les États membres se montrent plus réticents à l’égard des interventions de Bruxelles. La Commission elle-même a exploré de nouvelles façons de mener les politiques. Dans les centaines de travaux consacrés à ces « nouveaux modes de gouvernance », le modèle communautaire est souvent considéré comme dépassé. Lors des débats publics qui ont eu lieu sur le projet de traité constitutionnel, de nombreuses voix se sont élevées contre un système qui apparaissait largement opaque et peu sensible aux préoccupations des citoyens. Plus tard, lors de la crise de la dette souveraine en zone euro, c’est essentiellement la méthode intergouvernementale qui a été employée, laissant de côté la Commission et le Parlement. Faut-il alors considérer que la méthode communautaire relève désormais du passé, comme l’annonçait dès 1994 le Premier ministre britannique John Major ?
Pour répondre à cette question, il faut revenir un instant sur les changements introduits par le traité de Lisbonne, et sur le comportement des institutions dans les mois qui ont suivi son entrée en vigueur, le 1er décembre 2009.
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 L'économie mondiale 2011
La Découverte, Paris, 2010
pp.21-31

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